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L’expérience utilisateurs dans les musées

Cet article résulte d’une recherche produite en interne, au profit d’un projet client. Nous avons trouvé particulièrement intéressant le constat réalisé sur la place de l’UX dans les musées (et les opportunités à saisir), c’est pourquoi nous vous partageons aujourd’hui nos trouvailles.

Publié le 12 janvier 2024 par Bérengère Godefroy

L’UX, une nouvelle considération des musées

Il y a encore peu de temps, associer “UX design” (ou design tout court) à certains domaines semblait invraisemblable. On se rend compte que petit à petit, de plus en plus de domaines l’intègrent et c’est maintenant au tour du domaine culturel et des musées de découvrir le monde de l’expérience utilisateurs.

« Dans la mesure où les musées sont des espaces d’éducation, de connexion et de transformation personnelle, l’adoption d’une conception centrée sur l’utilisateur a beaucoup à offrir. »

— Article “Les musées et l’expérience utilisateur (UX)”

Alors, on peut se demander : quel est l’apport de l’UX dans la création des expériences muséales ?

État des lieux

Aujourd’hui, l’UX design s’immisce partout, dans tous secteurs confondus (bancaire, assurance, politiques publiques, santé, …), avec des niveaux de maturité très disparates, selon le niveau d’appétence et d’acculturation de l’entreprise ou de l’administration.

L’UX design et le monde culturel, plus particulièrement les musées, sont deux mondes qui ne se sont aujourd’hui pas encore totalement rencontrés (du moins en France). De fait, il est l’un des derniers domaines à ne pas avoir de démarche formalisée d’UX design. Ou alors ces démarches ne sont pas totalement visibles : on entend peu parler d’ouverture de poste UX au sein de musées, ou de projets gagnés dans une agence web/UX à ce sujet, contrairement à d’autres domaines. On ne voit également que très peu de ressources, retours d’expérience ou documentation francophone à ce sujet.

On peut cependant nuancer nos propos, car dans certains contextes, ces deux mondes se sont déjà rencontrés ou sont en bonne voie de le faire :

  • in situ, avec la notion d’expérience muséale,
  • en ligne, avec la création de plus en plus de musées en ligne, où un certain nombre intègre la notion d’expérience et d’UX.
Museum Experience Design
Issu de https://www.museumable.com/mxd.

La notion de Museum eXperience Design (MXD) a d’ailleurs été introduite par Alexandra Lawson (qui se considère comme museum experience designer et revendique la volonté de partager la magie des musées aux personnes). Son objectif est de centrer l’expérience du musée autour de ses visiteurs (de leurs besoins, souhaits et attentes) plutôt qu’autour de ses collections.

Une évolution de la relation entre un musée et ses visiteurs qui est également expliquée par Laura Fourneau. Cette dernière indique que les musées étaient initialement à destination des savants et des artistes, et non pas du grand public. Ils répondaient donc à ce besoin d’un public particulier, averti, où le plaisir des yeux était privilégié et où les collections étaient centrales. Au fur et à mesure que les musées se sont ouverts au public, et notamment à un public de plus en plus diversifié, ses usages ont évolué et le besoin d’orienter son modèle autour des visiteurs et non plus des collections s’est fait ressentir.

Dans ce contexte-là, les utilisateurs deviennent des visiteurs (tout comme ils sont considérés comme des usagers dans le domaine du public).

La notion d’expérience muséale est constituée de deux aspects : l’expérience in situ et l’expérience en ligne. On parle alors d’expérience “phygitale”, afin de proposer une expérience globale.

L’expérience muséale in situ

Bien que ce ne soit pas à proprement parler de l’UX, aujourd’hui, une partie des musées propose à ses visiteurs de vivre une expérience (qu’elle soit immersive, sociale, interactive, sensorielle ou sous tout autre forme).

La création d’expériences étant une composante de l’UX design, ce dernier pourrait trouver dans les musées un terrain de jeu idéal. En œuvrant ensemble, cela pourrait permettre aux musées de proposer des expériences toujours plus riches, interactives et inclusives, dépassant le simple rôle de conservation pour devenir des lieux dynamiques et engageants.

Cap Sciences est un centre de culture scientifique, technique et industrielle situé à Bordeaux, qui propose des expositions, des ateliers et des événements sur des thématiques particulières. Il y a quelques années, ils avaient proposé de vivre une expérience éducative et immersive autour de l’univers des robots. Cette exposition se terminait par le procès fictif d’un robot, où le spectateur était invité à se prononcer sur la culpabilité ou non du robot dans l’affaire.

Robots Capscience, photo issue de https://quoifaireabordeaux.com/blog/une-grande-exposition-sur-les-robots-a-decouvrir-a-cap-sciences/
Procès fictif du robot X57 - Image issue de https://quoifaireabordeaux.com/blog/une-grande-exposition-sur-les-robots-a-decouvrir-a-cap-sciences/.

On peut également noter l’expérience immersive et interactive proposée par Teamlab à La Villette en 2018 ou encore l’expérience sensorielle proposée par le Grand musée du parfum à Paris.

Expérience muséale exemple, image issue de https://www.gcommeuneidee.com/le-studio-decouvre-teamlab-a-la-villette/
Expérience immersive et interactive de Team Lab à La Villette - Image issue de https://www.gcommeuneidee.com/le-studio-decouvre-teamlab-a-la-villette/.
Expérience sensorielle au musée du parfum, image issue de https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/un-musee-qui-a-du-nez-25-12-2016-6492540.php
Expérience sensorielle du grand musée du parfum à Paris - Image issue du site https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/un-musee-qui-a-du-nez-25-12-2016-6492540.php.

L’expérience muséale en ligne

Cette expérience vécue est de plus en plus déclinée pour être vécue en ligne également, comme extension de l’expérience vécue sur place ou même totalement indépendamment de cette dernière. La prolongation de l’expérience muséale en ligne donne une nouvelle mission aux musées, qui deviennent alors des médiateurs culturels numériques.

Une étude de l’institut Gece indique que parmi un panel représentatif de plus de 1000 personnes interrogées, 16 % ont indiqué avoir visité virtuellement une exposition ou un musée au cours des 12 derniers mois. Ce chiffre est en augmentation d’années en années.

On peut également noter que parmi les Français jugeant importante l’offre de service dans un lieu culturel (comprenant les musées, les monuments, les châteaux, les sites), 42 % souhaitent une offre virtuelle numérique accessible en ligne.

Beaucoup de musées proposent un site Internet, mais seulement une partie d’entre eux travaille la notion d’expérience utilisateurs (ou visiteurs comme on a pu le voir précédemment) et s’applique à vouloir faire vivre une expérience significative et mémorable à ses visiteurs en ligne.

Capture d'écran du site de Frans Hals Museum
Capture d’écran du site Frans Hals Museum (https://www.franshalsmuseum.nl/en/).

Par exemple, le site Internet du Frans Hals Museum embarque l’utilisateur avec une direction artistique singulière, une simplicité d’usage et une forte utilisabilité.

Capture d'écran du site AI du Harvard Art Museum
Capture d’écran du site AI de l’Harvard Art Museum (https://ai.harvardartmuseums.org/explore).

De son côté, l’Harvard Art Museum introduit la notion de flânerie digitale en proposant un site Internet où l’intelligence artificielle va permettre d’explorer des milliers d’œuvres d’art par le biais de mots-clés.

Capture d'écran du site du Louvre d'Abou Dhabi
Capture d’écran d’une page de présentation d’un objet d’une collection du site du Louvre d’Abou Dhabi (https://www.louvreabudhabi.ae/fr).

On a également un certain nombre de musées qui vont mettre en avant leurs collections sur leurs sites comme le Louvre d’Abou Dhabi. Ce dernier propose un site épuré et simple d’utilisation, avec une mise en valeur et une part belle faite à ses collections.

Néanmoins, on peut noter que l’expérience utilisateurs n’est pas toujours travaillée sur certains sites de musées. Parmi les problèmes principaux, on peut citer le manque de lien entre la visite virtuelle et in situ, la construction d’une expérience statique, dite “sans vie”, un manque de prise en compte des usages et des besoins lié à une non-utilisation des méthodologies de conception centrée sur l’humain.

Une expérience en ligne complémentaire à l’expérience in situ

Les différents types de sites Internet de musées

L’article “Quelles stratégies pour les musées sur Internet ? Entre “Click and mortar” et “mortar and click”” propose un découpage des différents sites de musées intéressant et toujours pertinent aujourd’hui.

Les premiers sites de musées étaient des sites d’informations dont l’objectif était d’aider le visiteur à préparer sa visite in situ en lui fournissant un certain nombre d’informations commerciales et logistiques.

Aujourd’hui, de plus en plus de musées proposent des sites, que l’article qualifient de sites “emblèmes” ou sites “amiraux”. C’est-à-dire, des sites Internet proposant des services supplémentaires à la dimension informative.

« La simple dimension informative est dépassée pour donner un caractère véritablement expérientiel au site. »

— Article “Quelles stratégies pour les musées sur Internet ? Entre « click and mortar » et « mortar and click »”

Parmi ces sites “emblèmes”, on y retrouve les musées virtuels, qui sont des collections de biens numérisés d’un musée accessibles au public. Mais également tous les sites de musées développant une interaction avec leurs visiteurs, intégrant des principes de co-création (contribution, participation, …).

Enfin, il y a les sites hybrides, qui vont se situer entre les sites simplement informatifs et les sites “emblèmes”, avec des curseurs plus ou moins informatifs, plus ou moins expérientiels, plus ou moins statiques, etc..

Le choix d’un type de site plus qu’un autre dépend bien évidemment de la stratégie déployée par le musée, mais on observe une volonté de la part de ces derniers d’avoir une présence en ligne plus forte, en plus d’une volonté croissante des visiteurs de vivre des expériences en ligne toujours plus riches et complètes. De fait, on observe de plus en plus de sites hybrides ou “emblèmes”.

D’autant plus, que dans certains cas, le site Internet d’un musée est l’un des premiers espaces que le visiteur va visiter, il est donc primordial de ne pas en négliger l’expérience.

L’articulation entre le musée et son site Internet

Le site Internet peut être consulté de manière indépendante du musée, mais également de manière conjointe (avant une visite pour s’informer, après une visite pour poursuivre l’expérience en ligne).

De fait, il est important de penser l’expérience du site Internet de manière cohérente avec l’expérience in situ du musée, pour ne pas créer de décalage dans l’expérience.

« L’atmosphère des sites Internet doit donc correspondre à celle des sites physiques. »

— Article "Quelles stratégies pour les musées sur Internet ? Entre « click and mortar » et « mortar and click »”

Des principes sur ce lien entre le musée et son site Internet ont été posés dans l’article “Les musées et l’expérience utilisateur (UX)”, que nous allons résumer ici. L’expérience muséale en ligne doit :

  • être complémentaire et non pas similaire à celle in situ. Un dialogue entre l’espace physique et en ligne doit être installé,

« Le moment est venu pour les institutions de concevoir leur présence numérique comme quelque chose de plus qu’une simple récapitulation de leur physicalité dans un espace numérique. »

— Article “Les musées et l’expérience utilisateur (UX)”
  • être adaptative et centrée sur les visiteurs. Elle doit donc s’adapter aux différents contextes et besoins de ses visiteurs. Par exemple, dans l’article, ils introduisent une expérimentation menée qui a montré que les visiteurs non-experts pouvaient se sentir perdus face à la barre de recherche et donnaient de l’importance à la navigation informelle (flânerie en ligne),
  • être participative. En plus de tenir compte du visiteur pour construire l’expérience, on peut l’impliquer dans le processus de conception. Par exemple, dans l’article, ils évoquent une expérimentation menée au Musée d’histoire et d’art de la ville du Luxembourg, où des utilisateurs ont rejoint une étude pour créer leurs expériences muséales virtuelles en co-création,
  • permettre l’expression de soi et le développement communautaire. Elle doit permettre de rassembler les personnes et les encourager à l’expression personnelle. Par exemple, dans l’article ils parlent d’initiatives pendant le confinement avec le #TussenKunst&Quarantaine, incitant les gens du monde à se déguiser en leur œuvre d’art préférée avec uniquement des objets trouvés chez eux.

« Les musées en ligne, en plus de nous éduquer, doivent nous connecter. »

— Article “Les musées et l’expérience utilisateur (UX)”
Musée virtuel

Graphique pluridimensionnel permettant de représenter les composantes de l’expérience du musée virtuel - Graphique issu de l'article “Les musées et l’expérience utilisateur (UX)”).

Dans cet article, ils proposent d’ailleurs un graphique permettant de définir l’expérience que l’on souhaite créer (ou pour cartographier une expérience existante) dans un musée virtuel.

Références utilisées pour cet article

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