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SLD #24 - Mickaël Dell’ova, Player Experience Designer

SLD #24 - Mickaël Dell’ova, Player Experience Designer

D’Ubisoft à Remedy, Mickaël Dell’ova revient sur son parcours dans l’industrie du jeu vidéo et ses combats au service de l’accessibilité, de la diversité des représentations et de l’inclusion. Autant de valeurs positives qui pour lui devront définir l’UX de demain.

Publié le 23 novembre 2022

Bienvenue dans ce nouvel épisode de Salut les Designers, le podcast de l’Agence LunaWeb !

Pour le dernier épisode de l’année 2022, Arnaud et Kévin sont partis à la rencontre de Mickaël Dell’ovaPlayer Experience Designer au sein de Remedy, célèbre studio de jeu vidéo finlandais derrière Max Payne ou le recent Control.

L’occasion de revenir avec lui sur ces sujets de prédilectionl’inclusivité et la diversité dans la création de jeu vidéo pour une meilleure UX, de ces débuts chez Ubisoft à la création de sa future EthicALL Game Jam.

Bonne écoute à tous et à toutes et belles fêtes de fin d’année !

Les Designers de l’Agence LunaWeb.

La transcription

Damien : Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans le premier épisode de cette nouvelle saison de Salut les Designers, le podcast de l’agence LunaWeb ! Ici Damien et je suis accompagné aujourd’hui par Benoît, salut Benoît !

Benoit : Salut Damien !

Damien : Alors pour cette rentrée, on a le plaisir de recevoir Raphaël Yharrassarri qui est Lead UX designer. Vous le connaissez peut-être via le blog iergo qu’il tient ou l’une de ses nombreuses conférences qu’il a déjà pu donner sur le design UX. Bonjour Raphaël, comment ça va ?

Raphaël : Bonjour à vous ! Pour répondre à ta question, je viens de finir une grosse mission Beta.gouv, donc je suis un peu dans cette période que connaissent les designers freelance entre être contents de sortir un peu la tête de l’eau et puis commencer on va dire à ramer pour aller chercher la vague d’après tu vois. C’est comme quand t’es en surf, tu es entre deux vagues, tu te dis « hmm, je vais aller un peu plus loin, au fond, là » et puis « Boom », tu te reprend une grosse vague et bon voilà, tu connais (rires).

Damien : Il n’y a vraiment qu’un surfeur pour faire une analogie pareil, effectivement !

Ça faisait un moment que l’on avait envie de t’inviter dans le podcast, notamment pour évoquer ce fameux rôle de designer transverse au sein de Beta.gouv que tu as eut ces trois dernières années. C’est chose faite aujourd’hui et on est vraiment impatients d’aborder ce sujet ensemble.

Mais avant de commencer, Raphaël, est ce que tu voudrais bien, pour celles et ceux qui ne te connaîtraient pas encore de te présenter rapidement ?

Raphaël : Oui ! D’habitude, je me présente comme « Je suis UX designer en freelance depuis le dernier millénaire ». Ça c’est pour résumer. Mais globalement, pour faire un peu mon cursus depuis une vingtaine d’années, j’ai une formation à la base en psychologie sociale et cognitive, un DESS d’ergonomie sur les interfaces homme machine, avec Jean-Claude Sperandio puis d’autres personnes comme Christian Bastien, plein de bonnes personnes dont vous avez pu entendre les noms à droite, à gauche.

Si vous avez aujourd’hui une télécommande relativement simple sur les box orange, c’est un peu grâce à moi. Je leur ai simplement dit à une époque « Hé, toutes les interactions sont derrière le bouton, ok ? » et depuis ça marche comme ça.

À la suite de ça, j’ai beaucoup travaillé pour France Telecom R&D, pour Orange, pour Wanadoo à l’époque, sur pas mal de sujets différents. Je fais un peu tout, j’ai fait du WAP, j’ai fait des applications professionnelles, j’ai travaillé sur la télé d’Orange pas mal à un moment. Aujourd’hui, si vous avez une télécommande relativement simple sur les box orange, c’est en autre un peu grâce à moi. Pas que grâce à moi, d’autres personnes ont travaillé dessus. À une époque, j’ai dis simplement « Hé, toutes les interdictions, elles sont derrière le bouton, ok ? » et depuis ça marche comme ça.

Après tout ça, j’ai fait pas mal de design de service. Ça m’a amené à bien travailler sur des aspects de type co-conception, co-design, comment faciliter des ateliers, comment mieux intégrer les utilisateurs ou les citoyens dans ces cycles de design de service. Et puis, en parallèle de ça, j’ai commencé à faire des formations. Pascale Neveu m’avait proposé de monter un des premiers masters d’UX design en France, quasiment, je crois. C’était en 2014.

Je termine tout juste une grosse mission au sein de Beta.gouv en tant que designer transverse. Une mission qui a commencé le premier jour du premier confinement et s’est terminée cet été.

J’ai fait aussi pas mal de formations, que je continue à faire avec plaisir dans d’autres écoles autour de ces thématiques. C’est à peu près tout pour mon cursus, avec la dernière grosse mission effectivement que j’ai eu au sein de Beta.gouv en tant que designer transverse. Une mission qui a commencé le premier jour du premier confinement – ça c’est la date repère – et qui c’est terminée cet été.

Damien : Ok, c’est assez complet comme présentation. (rires)

Benoit : C’est ça, on avait prévu des questions pour creuser plus loin, mais je pense que tu as  bien résumé ton parcours !

Qu’est ce qui t’as amené à Beta.Gouv, sachant que ça faisait déjà une vingtaine d’années que tu étais freelance ? Comment en as-tu entendu parler ? Pourquoi les as-tu rejoint ?

Raphael : Déjà, je vais peut-être présenter Beta.gouv en deux phrases pour expliquer ce que c’est. Le principe de Beta.gouv, c’est : vous avez des fonctionnaires qui détectent des problèmes. Des problèmes qui peuvent être résolus par un service numérique. Donc on leur propose de monter une petite équipe, agile, de quelques personnes, souvent un développeur, un designer, un coach, un business developer, pour monter une startup. qui permet de créer ce projet, de créer cette solution numérique.

Le principe de Beta.gouv est de proposer aux fonctionnaires de monter une petite équipe, agile, de quelques personnes, souvent un développeur, un designer, un coach, un business developer, pour apporter une solution numérique à un problème.

L’exemple que je peux donner, sur lequel je travaillais actuellement, c’est le suivi des bordereaux de déchets dangereux. C’est un sujet un peu technique mais imaginez-vous que jusqu’à l’année dernière, quand il y avait un déchet dangereux qui se trimballait en France, il y avait une feuille qui le suivait tout au cours de sa vie. Aujourd’hui, vous ne passez plus par les feuilles, c’est un service numérique auquel on accède soit par une API, soit par une interface web. Ça c’est l’exemple type d’une startup au sein de l’État.

Nous étions une équipe de 5 à 6 designers transverses et avions pour mission de faire monter en compétence Beta.gouv sur les sujets de design.

Le rôle que j’ai eu pendant ces deux ans et demi, ça a été un rôle de designer transverse. On était une équipe de 5 à 6 designers transverses qui avaient pour mission de faire monter en compétence Beta.gouv sur les sujets de design.

Damien : As-tu l’impression que ce rôle un peu un peu particulier de designer transverse t’as amené à changer des choses dans ta pratique du design ?

Raphael : Oui, ce qui a été intéressant dans ce rôle de designer transverse, c’est qu’il a fallu repartir peut-être un peu des bases. J’ai refait des choses que je n’avais pas fait depuis longtemps, comme par exemple concevoir des pages d’accueil. Et il a fallu faire ça en étant suffisamment pédagogique pour transmettre le savoir-faire en termes de design ou au moins la compréhension du processus de design aux équipes avec lesquelles on a travaillé.

Pour m’adapter à ce rôle de designer transverse, il a fallu repartir un peu des bases et refaire des choses que je n’avais pas fait depuis longtemps.

Typiquement, on avait monté un atelier page d’accueil qui permettait en fait d’avoir un peu une action, je dirais, de pied dans la porte auprès des start-up d’État. Souvent, elles venaient nous voir en disant « On a une page d’accueil qui est un peu vieillotte » ou « Elle date du premier mois de la startup, il faudra la revoir, il faudrait qu’on la retravaille ». Avec cet atelier page d’accueil, on a pu mettre derrière d’autres choses, on a travaillé sur les personas pour savoir qu’elle était la cible de la page d’accueil, on a travaillé sur la conception d’interface, sur la priorisation de l’information. Comme ça, on a pu ensuite dérouler les choses et avancer avec les équipes pour faire monter le design.

Il y a un truc qui est super important qui m’a marqué quand je suis arrivé dans l’équipe, c’est Amandine Audras, avec qui j’ai travaillé, qui m’a dit « à Beta.gouv, on inflige pas de l’aide ». C’est super important comme phrase.

Une chose super importante qui m’a marqué quand je suis arrivé dans l’équipe, c’est Amandine Audras qui l’a apporté. Elle a dit « À Beta.gouv, on inflige pas de l’aide ».

C’est à dire que tu ne peux pas infliger du design, tu ne peux pas dire « tu dois faire comme ça là, sinon ça va pas ». En fait il faut que tu trouves une position, une stratégie pour dire « comment je vais faire du design aux gens, de leur plein gré, à leur insu », en gros c’est ça. À partir de là, on a essayé, on avait mis en place de petites choses, des formations, on a proposé par exemple un « docteur design », c’était une heure de coaching design ou l’on abordait un sujet et puis on réfléchissait ensemble à la solution qu’on pouvait aborder. On avait des prestations un peu packagées pour les start-up, plein de choses qu’on a mis en place pour pour développer tout ça.

Benoit : On pourrait dire que plutôt que d’arriver avec les gros sabots de la conception centrée utilisateurs, la méthodologie un peu lourde, étape par étape, vous avez plutôt eut une stratégie des « petits pas » ?

Raphael : Tout à fait. Parce qu’encore une fois, on ne pouvait pas « infliger du design » donc il a fallu être très agile, trouver pas mal de choses. Donc au début, effectivement, on à monté au fur et à mesure ces petites formations, ces petits ateliers, on a testé des choses qui n’ont pas marché. Par exemple, on voulait faire un café design, en se disant : toutes les semaines, on parle de design pendant une heure. Ça a marché quelque temps et puis très vite, ça s’est perdu, il n’y avait plus grand monde qui venait au café design. On était un peu dans la période aussi de Covid ou les gens en avaient un peu raz-le-bol des réunions à distance. Donc cette histoire de café design, au bout d’un moment, on a abandonné. Puis on a rebondi sur d’autres choses.

Nous avons testé des choses qui n’ont pas marché. Par exemple, nous voulions faire un café design. L’idée : toutes les semaines, nous parlions de design pendant une heure. Ça a marché quelque temps et puis très vite, ça s’est perdu, il n’y avait plus grand monde qui venait au café design.

Un des gros projets qu’on a mené au début de cette année, ça a été de faire une grande rencontre de la communauté des designers de Beta.gouv. Parce qu’effectivement, au bout de deux ans de mission, on est passé de huit à peu près quatre-vingt designers. La communauté des designers a fortement augmenté en deux ans. Et donc on a mis en place, tout simplement, un séminaire des designers Beta.gouv pour que tout le monde se rencontrent, échangent, parlent de ses problématiques et puissent par exemple travailler deux à deux.

Au bout de 2 ans de mission, nous sommes passés de 8 à à peu près 24 designers.

Une des problématiques que l’on a à Beta.gouv, c’est que ce sont de petites équipes et souvent il n’y a qu’un.e seul.e designer. Souvent, peut-être deux ou trois développ.eur.euse.s, l’intra entrepreneur.euse qui a monté la startup et deux ou trois autres personnes. Mais souvent un.e seul.e designer. Et donc, en fait, il faut trouver des moyens pour faire un peu du pair design, faire du lien entre les designer, qu’il puisse y avoir de l’entraide et que l’on partage les problèmes qu’on rencontre, qui sont souvent un peu les mêmes entre les différentes start-ups.

Benoit : Merci beaucoup pour ces informations concernant Beta.Gov. Comme tu nous l’as précisé, en deux ans les équipes ont pas mal évolué et on aimerait te poser des questions sur l’organisation.

Tu nous avais évoqué le fait que la hiérarchie était pratiquement horizontale et vous vous étiez auto-organisé. Comment fonctionniez-vous à Beta.gouv ?

Raphael : Oui, une des particularités de Beta.gouv, c’est qu’effectivement c’est une organisation assez à plat et surtout une organisation qui est essentiellement constituée de freelance. Il y a des fonctionnaires qui sont généralement ceux qui sont à la tête des start-ups, quelques contractuel.le.s qui gèrent globalement Beta.Gouv, notamment sur les questions de budget, mais l’essentiel des gens qui travaillent à Beta.gouv, ce sont des freelances, des dev, des designers, des biz devs, du support, des coachs. Et tout ça fait une communauté de gens qui sont assez autonomes et qui n’ont pas besoin de hiérarchie pour travailler. Dans les start-ups, c’est une organisation qui est souvent très à plat, chacun apporte ses compétences, son savoir faire. Il n’y a pas de censure, il y a vraiment un bon mode de fonctionnement ou chacun s’écoute, ou chacun s’entraide et propose son aide.

Une des particularités de Beta.gouv, c’est qu’effectivement c’est une organisation assez à plat et surtout une organisation qui est essentiellement constituée de freelance.

Un travail en commun avec une méthodologie qui favorise ça. Il y a bien sûr un peu des méthodologies agiles, mais il y a souvent des moments de co-conception, de séminaires ou on se rencontrent tous, on étudie les problèmes ensemble, aussi bien du côté du design, du côté métier que du côté dev, voire du côté support. Il y a une richesse d’informations qui est assez intéressante et qui permet effectivement un fonctionnement assez particulier, assez riche.

Et je pense que c’est assez exceptionnel globalement. Franchement, j’ai adoré cette mission là. C’était un peu la mission idéale en tant que freelance. Dans les designers transverses, on était une équipe de cinq, on s’entendait bien, on travaillait bien ensemble, on avait des compétences complémentaires, personne ne donnait d’ordres, mais ça se passait super bien et franchement, on a fait des trucs assez géniaux.

Il y a une richesse d’informations dans ce fonctionnement qui est très intéressante et qui permet des échanges riches. C’est assez exceptionnel.

Il y a vraiment cette culture là au sein de Beta.gouv qui est super intéressante. Après, j’y apporte peut-être un petit bémol, c’est que la communauté a pas mal grandi avec plus de 800 personnes, donc des choses ont un peu changé et la hiérarchie est un peu plus présente actuellement qu’elle n’était il y a deux ans et demi.

Damien : Il y a eu une perte d’horizontalité ?

Raphael : Oui. Mais voilà, ça va avec la taille de l’organisation donc ça reste quand même assez exceptionnel en terme d’absence de hiérarchie.

Damien : Tu avais déjà pu expérimenter cette organisation sans hiérarchie ou c’était la première fois ?

Raphael : J’ai déjà une grosse expérience de ce type d’organisation, sans hiérarchie, mais plutôt dans un cadre associatif. Je fais parti d’un co-working associatif au Pays basque et on n’a pas de hiérarchie, on n’a pas de président.e, de secrétaire, de trésori.er.e. On a une vraie organisation à plat pour un co-working qui gère une centaine d’adhérents, un chiffre d’affaires d’une centaine de milliers d’euros et qui existe depuis dix ans. J’avais découvert cette espèce d’holacratie par cette association de co-working.

J’ai une grosse expérience de ce type d’organisation, sans hiérarchie, dans un cadre associatif notamment au sein d’un co-working associatif au Pays basque.

Après, en tant qu’indépendant, je ne suis pas vraiment pote avec la hiérarchie globalement (rires). J’ai toujours un peu de mal avec les gens qui essayent de me donner des ordres directs.

Damien : Ok (rires) ! Le terreau est fertile chez toi pour l’absence des dirigeants.

En mai, on a participé avec toi à une journée qui s’appelait la « Journée de l’éco-conception » que l’on avait réalisée en partenariat avec Beta.gouv donc, mais aussi avec les Designers Éthiques et Le Bon Coin qui nous ont accueillis pour cette édition.

Est-ce que le sujet de l’éco-conception a pris de l’ampleur au sein de Beta.gouv ?

Raphael : C’est un peu le paradoxe de ce sujet de l’éco-conception. On est partie dans l’idée effectivement, au sein de l’équipe de designers transverses – c’était à peu près l’année dernière, à la rentrée – de créer des événements pour la communauté. Et on s’est dit aussi que pour faire monter le design au sein de Beta.gouv ou des notions de design au sein de l’État, comme l’éco-conception, il fallait que l’on change un peu de stratégie et un peu d’échelle.

Un moyen efficace de faire monter en compétence un groupe sur un sujet, c’est d’en parler à l’extérieur, d’aller voir des conférences, pour qu’ensuite cela revienne au sein de la structure. C’était l’idée concernant l’éco-conception.

Une des stratégies qu’on pouvait mettre en œuvre, c’était de parler design, éco-conception, à l’extérieur de Beta.gouv pour que ça revienne dans Bêta.gouv en fait. C’est quelque chose que j’ai déjà observé dans les grosses structures, si tu en parles à l’intérieur de la structure nature, tu parles dans le vide, tu prêches dans le vide. Un des moyens efficaces de faire monter la compétence, c’est d’en parler à l’extérieur, d’aller dans des conférences, des trucs comme ça, et ça revient après au sein de la structure. C’était l’idée de départ quand on a monté cette cette journée, c’est ce qu’on voulait pousser.

Paradoxalement, j’ai l’impression que ce qu’on a fait a très bien marché du côté du Bon Coin ou effectivement David Bouard du Bon Coin a fait pas mal de retour en disant « il y a des choses qui se sont créées, des dynamiques qui se sont créées ». Du côté de Beta.gouv, ça a été moins flagrant. Je pense qu’on a eu une moins bonne efficacité là dessus. Peut-être parce qu’il y avait trop d’événements à ce moment là, ou peut-être parce que ce n’est pas encore une préoccupation très forte chez les développeurs et les designers au sein de Bet.gouv. On a fait une super journée mais je pense que l’impact qu’on a eu au sein de Beta.Gouv a été relativement faible.

Cette Journée de l’éco-conception a très bien marché du côté de Le Bon Coin, en termes de dynamiques amorcées. Ça a été moins flagrant du côté de Beta.gouv.

D’un autre côté, vu les moyens déployés pour faire cette journée – qui c’est faite, j’ai l’impression, assez facilement – on n’a pas dépensé des milles et de cents et on a fait une très belle journée qui a eu un impact je dirais au delà des Beta.gouv mais avec un effet assez faible au sein de Beta.gouv.

Damien : Comme tu le dis, la méthode était bonne. Quand on parle avec des gens de l’extérieur, c’est souvent là ou ça a plus d’impact en interne. La méthode est un peu irréfutable, c’était plutôt bien vu, mais si ça n’a porté les fruits escomptés à Beta.gouv, ça les a porté ailleurs.

En tout cas, ce qui a été assez flagrant suite à cette journée, c’est qu’on a pas vu cet évènement comme forcement organisé par Beta.gouv mais plus comme « Ah, il y a enfin un événement autour de l’éco-conception web qui qui sort de terre ». C’est comme si cette initiative avait été attendue, beaucoup de gens auraient voulu y participer parce que la communication avait commencé assez tard, il s’est fait en pas longtemps cet événement, l’organisation s’est faite en quelques mois.

Est-ce que ça te donne envie de t’investir à nouveau dans un événement lié à l’éco-conception ou en tout cas de voir un événement de ce style renaître ?

Raphael : Ce serait intéressant de voir ce que pourrait faire une autre équipe sur une journée de l’éco-conception. Comme ça, j’aurais envie de faire peut-être autre chose, un autre format. Je participe à pas mal de choses, d’organisation d’événements autour du design et c’est toujours intéressant d’essayer de faire évoluer le format de ces évènements.

Je serais vraiment intéressé de voir ce que pourrait faire une autre équipe autour de cette Journée de l’éco-conception.

Par exemple pour les Designers Éthiques, il y a deux ans maintenant, le Covid nous a obligés à changer le format de l’événement…

Damien : Oui, Ethic by Design ?

Raphael : Oui, Ethic by Design, en étant uniquement à distance, en faisant des ateliers à distance, des conférences à distance et tout et ça a été super intéressant à faire ! Ça a été une vraie redécouverte, on va dire, de l’organisation des événements, en faisant des interviews, en enregistrant des choses, en mixant du direct et des choses préenregistrées, presque une émission de télé, quoi !

Le Covid nous a obligés à changer nos formats d’événement, en faisant des ateliers à distance, des conférences à distance, ça a été super intéressant, une vraie redécouverte de l’organisation des événements.

Je pense qu’il y a vraiment un truc à faire sur la journée l’éco conception mais peut-être dans un autre format que simplement une journée.

Damien : C’est l’occasion de rappeler que tu as quand même un passif assez chargé en termes d’activités associatives, tu notamment été membre du board et président de Flupa pendant plusieurs années, l’événement français et luxembourgeois lié à l’UX et pas mal d’autres choses. C’est l’occasion de le rappeler à nos auditeurices, allez voir le profil LinkedIn de Raphaël ou autre, tu en as quand même fait pas mal.

Raphael : Oui c’est ça, j’ai commencé par participer à des conférences, notamment à Paris Web, ça a été la première conférence que j’ai faite ou j’y ait parlé de test utilisateur, c’était en 2009, peut-être 2010, enfin, il y a longtemps. Et puis après j’ai mis un peu le pied dans le milieu associatif des conférences et ça m’a donné envie de participer. J’ai du mal à ne pas être impliqué dans une association ou des organismes comme ça. Donc voilà, c’est venu naturellement après.

Damien : Oui, c’est aussi des occasions de progresser. Parler de tests utilisateurs en 2009, c’était très précurseur en tout cas, parce que ce n’était pas encore beaucoup pratiqué. (rires)

Benoit : On pourra reparler de Paris Web par la suite, mais je te propose Raphaël de parler un peu plus de toi ou a minima de ton approche du design.

On a pas mal parlé de ton parcours et je pense qu’on peut dire que tu défends assez fortement la liberté de parole, tu l’évoquais tout à l’heure, la hiérarchie ce n’est pas forcément ce qui colle le plus à ta manière d’aborder les sujets. Sur les réseaux sociaux ou sur son blog, tu t’exprime pas mal sur des sujets qu’on pourrait dire des fois un petit peu tabou : les salaires, l’égalité hommes femmes, des sujets sociaux, climatiques, éthiques ou moraux sur lesquels tu communique souvent.

Est-ce que tu pourrais nous dire comment tu intègre ces sujets dans ton travail au quotidien ? Est-ce que ce sont des aspects que tu essaies d’intégrer dans tes missions et dans ton travail avec des collaborateurs ?

Raphael : Oui, je vais prendre un exemple très concret, le tarif journalier moyen – le TJM – des freelances. Il y a eu au sein de Beta.Gouv, au printemps, un débat assez enflammé au sujet des tarifs, notamment parce qu’il y avais une grille de référence qui a été modifiée sans consulter les freelances et plutôt dans une optique de baisser les tarifs. Donc ça a été très mal perçu par beaucoup freelances au sein de Beta.Gouv. Moi c’est un des sujets que je connais bien, donc j’ai du mal à laisser passer des choses. Donc j’ai pris le temps, sur mon blog, d’écrire un très long article pour expliquer à quoi correspond un tarif journalier chez un freelance. Quelles sont les charges, qu’elles sont les cotisations sociales que l’on paye, ce qu’on facture, ce qu’on ne facture pas mais que l’on travaille quand même et ainsi de suite. C’est tout un travail de pédagogie qu’il faut faire, expliquer, reexpliquer et c’est souvent pas entendu.

Il y a certains sujets, quand je les vois passer, j’ai du mal à ne pas y réagir. Au printemps par exemple, j’ai pris le temps d’écrire sur mon blog un long article sur le “Taux Journalier Moyen”  d’un freelance après l’apparition d’une grille des tarifs chez Beta.gouv.

Donc par exemple au sein de Beta.gouv, quand cette nouvelle grille est apparut, j’ai dis « Cette nouvelle grille pose problème pour les raisons suivantes », j’ai mis en lien l’article que je venais d’écrire justement, un peu en réaction à cette nouvelle grille et ça a été très mal pris par certaines personnes qui ont dit « C’est inadmissible, tu nous fais pas confiance », il y a vraiment eu une réaction épidermique d’un petit groupe de personnes. Et puis à côté de ça, il y a plein de personnes qui m’ont dit « C’est super cet article là, si j’avais eu ça en débutant, franchement, tu m’aurais sauvé la vie entre guillemets ».

Donc pour revenir un peu sur ces points là et sur ces engagements, effectivement, je ne m’attendais pas à ce qu’il y ait un conflit à ce point là au sein de Beta.gouv. Je suis allé un peu au conflit et ça été un peu dur. Tu dérange les gens là. Par exemple il y avait encore, il n’y a pas très longtemps, des tarifs très très bas pour certaines catégories de freelance, notamment les business developpers, qui sont essentiellement des femmes qui font la promotion des services de Beta.gouv.

Cet article a été très mal pris par certaines personnes qui y ont vu un manque de confiance. Une vraie réaction épidermique. Mais il y aussi plein de personnes qui m’ont dit que l’article avait été une révélation.

Quand je dis des tarifs très bas, c’était en dessous de 300€ par jour. Et bien le fait de dire « Si vous payez des gens 300 € par jour, vous les maltraiter et vous avez une attitude toxique avec eux » ça ne fait pas plaisir aux gens d’entendre ça quoi. Mais il faut qu’ils en prennent conscience. Et donc, effectivement, ça créé des tensions, ça peut créer des problèmes aussi. Des fois je dirais que je m’en prend un peu « plein la gueule », mais ce sont des sujets sur lesquels je ne lâche pas l’affaire. Ce sont vraiment des choses qui « entre guillemets », me révolte. Que l’on puisse, soit par ignorance, soit simplement par des contraintes qui ont été données par d’autres personnes en arriver là. Il ne faut pas négliger l’aspect un peu toxique de la hiérarchie aussi, quand elle revient sur des questions de budget ou des choses comme ça. Ce sont vraiment ces questions qui me tiennent à cœur.

J’ai vraiment envie de rendre ce service que l’on m’a donné au début de ma carrière, sur ces aspects plus administratifs mais cruciaux.

Là je parle de Beta.gouv mais on retrouve le exactement le même problème avec les étudiants. Les étudiants qui sortent d’école ne savent pas quel TJM ils doivent mettre en place, ni même quel salaire ils doivent proposer. C’est une problématique que je rencontre quand je donne des formations en écoles et c’est aussi une demande des étudiants. Chaque année, je leur fais une demi-journée sur les TJM, les salaires, la relation commerciale, tout ça. Et ils sont super preneurs de ces informations là pour arriver à se positionner.

Quand j’ai commencé en freelance, quelqu’un m’a dit « ton TJM, ça doit être ça », j’ai fais « oui, d’accord ». Après cette personne m’a expliqué pourquoi ça devait être à ce prix là et il se trouve que j’ai très bien gagné ma vie dès le départ. L’idée c’est de rendre ce service que l’on m’a donné au début, sur ces aspects.

Damien : C’est chouette je trouve que des intervenants dans des écoles comme toi parlent de ces histoires de coût du travail, de combien se vendre, comment se vendre, etc. À l’époque, en tout cas en ce qui me concerne, on n’avait pas du tout cet aspect là ou très peu, c’était un peu compliqué.

Et je préciserai peut-être juste pour les auditeurices qui ne sont pas forcément au fait de comment fonctionne un freelance, tu parlais tout à l’heure d’un salaire en dessous de 300€ la journée qui était trop faible, pour bien comprendre, on ne parle pas de 21 jours fois 300€ qui vont dans la poche, ce n’est pas du tout ça. C’est bien 300€ auxquels il faut enlever les charges et tout ce qui va avec. Au final ça ne fait pas un salaire de 6 000 €, c’est beaucoup moins que ça parce qu’il y a beaucoup de choses à défalquer.

Raphael : Pour résumer très simplement, si tu veux faire un calcul hyper simplifié, tu comptes 1 000€ de charges par mois… Non, je vais encore plus simplifier le truc. Sur 300€ tu enlèves 40 % de charges et de cotisations et tu te dis que tu vas facturer au maximum 150 jours dans l’année. Je dis bien facturé, pas travaillé, tu vas travailler 200, 210 jours mais tu vas facturer 150 jours dans l’année…

Damien : C’est ça, parce qu’il y a des tâches administratives qui sont à faire !

Raphael : Des tâches administratives, plein de trucs, tu peux être malade, tu peux prendre des vacances…

Damien : Rechercher des clients…

Raphael : Exactement. Imagines ton plombier ou ton artisan du coin, effectivement il te facture du temps, mais il y a peut-être sa secrétaire qui fait des choses, etc, c’est exactement le même principe.

Damien : C’est une entreprise individuelle.

Raphael : Exactement avec toutes les charges, le temps que l’on va passer, etc.

J’avais envie d’aborder un autre point qui est la question de l’éthique. Parce qu’effectivement c’est une question qui s’est posée, notamment au sein de Beta.gouv. Est-ce qu’il y avait des sujets sur lesquels on avait pas envie d’aller ? Parce qu’effectivement Beta.gouv est une instance du gouvernement et on peut ne pas être d’accord avec le gouvernement qui a été élu. Bon, c’est un peu mon cas mais toujours est-il que quand tu travailles au sein du gouvernement, tu peux te retrouver avec des projets qui ne t’intéressent pas du tout, voir pour lesquels tu es contre.

Éthiquement, c’est une question qui se pose quand on travaille au sein de Beta.gouv. Est-ce qu’il y avait des sujets sur lesquels, politiquement, je n’ai pas envie d’aller ?

Il y a un sujet en particulier qui est arrivé du côté des designers transverses, c’est celui du Service National Universel – c’est ça ? SNU ? Personnellement, je trouve que ce truc ne devrait pas exister parce qu’on ne met pas des ados de seize ans aux mains d’anciens militaires. Mais on a eu une demande vis à vis de ce SNU et du service numérique qui allait avec.

Moi très clairement, ma position ça été de dire « je ne travaille pas pour ce truc là » mais après la question c’est posée de comment, collectivement, l’équipe de designers transverses on répond à cela. Y’a plein de moyen de le faire, ne pas répondre, laisser courir, tout ce qu’on veut. Ce qu’il s’est passé c’est qu’on a laissé passer, on n’y est pas vraiment revenu et puis on ne nous a plus sollicités, donc ça tombait bien.

Il faut faire attention à ne pas être pris au dépourvu ou dans un engrenage qui nous oblige à faire quelque chose qui, éthiquement, moralement, ne correspond pas à nos valeurs.

Mais effectivement, on s’est posé la question « Qu’est ce qu’on fait ? ». Par exemple, pendant les dernières élections l’extreme droite est montée. Il peut y avoir des événements à venir comme ça, sur lesquelles on peut se poser des questions quand on travaille pour une organisation type Beta.gouv. Et je pense que globalement, il faut y penser avant d’être confronté au problème et pas attendre que ce problème arrive pour y réfléchir. Après c’est un peu trop tard et l’on peut être pris au dépourvu ou dans un engrenage, commencer à faire un truc pour ne pas dire non et puis au final faire quelque chose qui éthiquement, moralement, ne correspond pas a ses valeurs.

Benoit : Finalement, ton conseil pour nos auditeurices qui pourraient avoir la problématique d’un projet qui ne les attire pas du tout ce serait de bien poser des questions en avance de phase ? Sur ce qu’on est ok de faire, ce qu’on est pas ok de faire, pour que le jour ou ça se présente, avoir une position claire rapidement plutôt que faire l’autruche ?

Raphael : Oui, clairement, il faut réfléchir en amont et être clair sur les sujets sur lesquels tu veux aller et ceux sur lesquels tu ne veux pas aller. Moi, j’ai l’avantage d’avoir 20 ans d’expérience, pas mal de clients, donc je peux faire le choix que je veux, à-peu-près. Ça peut être plus dur quand tu es jeune designer, mais d’un autre côté j’aurais pas tenu le même discours il y a dix ans ou même il y a trois quatre ans. J’aurais dit clairement « tu es jeune designer, penses à bouffer d’abord »

Aujourd’hui, je pense qu’il y a beaucoup plus de designers, même jeunes, qui font des choix éthiques pour travailler avec telle ou telle entreprise ou telle ou telle association. Et je pense que c’est aussi plus entendable de la part des enployeurs.

Aujourd’hui, je pense qu’il y a beaucoup plus de designers, même jeunes, qui font des choix éthiques pour travailler avec telle ou telle entreprise ou telle ou telle association. Et c’est beaucoup plus reconnu et beaucoup plus facile de dire « ben non, je ne veux pas travailler avec toi parce que tu es Air France et que tu salies la planète ou parce que t’es Dassault et tu fais des armes qui seront envoyées aux quatre coins de la planète ».

Je pense que c’est aussi plus facilement ententable de la part d’employeurs, ou si tu travailles au sein d’une grosse structure. Tu peux dire « non, je ne veux pas travailler pour ce type industriel dans les missions que tu me confis au sein de cette structure ».

Damien : Ok ! Raphaël, je te propose de revenir à ton actualité proche, on a parlé de tes précédentes participations à Paris Web, il se trouve que tu remet le couvert cette année, puisque tu vas donner une conférence au sujet de illectronisme.

Tu n’as peut-être pas envie de dévoiler tout de suite le contenu de ta conférence, mais est-ce que tu peux nous expliquer pourquoi tu as eu envie d’aborder ce sujet spécifiquement ?

Raphael : Alors je ne vais pas te dévoiler le contenu parce que pour l’instant je ne l’ai pas rédigé, donc j’aurais du mal à te le dévoiler, vu que je ne le connais pas moi même. (rires)

Damien : (Rires)

Raphael : Mais j’ai voulu aborder ce sujet, notamment suite au travail que j’ai fais a Beta.gouv. En fait, chez Beta.gouv on ne propose que des services numériques alors qu’on s’adresse aux citoyen.ne.s et les citoyen.ne.s c’est… tout le monde. Le seul problème, c’est qu’il y a à-peu-près 30 % des citoyen.ne.s qui sont en situation dit d’illectronisme, donc qui ne peuvent pas accéder aux outils numériques.

Aujourd’hui, on estime qu’il y a à-peu-près 30 % des citoyen.ne.s qui sont en situation dit d’illectronisme en France.

C’est un énorme paradoxe, tu as un service qui doit être rendu à tous et toutes et d’emblée tu exclus des gens par le service que tu essaye de rendre. Il y a plein d’exemples assez concret, ça peut être des gens qui n’ont pas les moyens informatiques, par exemple pour faire leur déclaration à Pôle Emploi. Ça, c’est un peu le cas type.

Damien : Oui !

Raphael : Ce sont des gens qui vivent peut-être un peu isolés, qui n’ont pas l’ADSL ou ont juste une connexion ADSL qui ne marche pas forcément très bien tous les jours. Les gens qui n’ont pas forcément les compétences pour utiliser les outils informatiques. Et ce n’est pas seulement des personnes de milieux défavorisés, ça peut être aussi sur des sujets beaucoup plus professionnels.

Le numérique n’est pas une solution miracle pour tout. On peut ne pas avoir les compétences informatiques requises ou tout simplement se retrouver dans une zone blanche ou il n’y a pas de réseau pour réaliser une tâche.

Je vous parlais au tout début de Trackdéchet qui assure le suivi des bordereaux des déchets dangereux, et bien tout simplement on peut avoir des chauffeurs de camion qui n’ont pas forcément les compétences pour utiliser des outils informatiques ou qu’il faudra former avant qu’ils puissent utiliser ce qu’on propose comme service. Ou tout simplement, ils peuvent se retrouver à aller collecter des déchets dans une zone blanche ou il n’y a pas de réseau. Il y a plein de cas comme ça, là j’en donne quelques uns mais il y a plein de choses que pour la conférence je suis un peu en train de lister.

L’exemple concret c’est l’inscription de mon fils au CROUS. Il faut envoyer un dossier composé d’une carte d’identité, de dossiers, d’au moins une dizaine de documents. Et il n’y a qu’un champ de formulaire pour transmettre un PDF, qui doit en plus faire moins de 2 Mo.

Une des premières idées qui m’a donné envie de faire cette conférence, c’est en effet l’inscription au CROUS de mon fils. Moi, j’ai déjà un bon niveau de compétences informatiques mais pour inscrire mon fils au CROUS pour qu’il ait une chambre universitaire, il faut envoyer un dossier composé de cartes d’identité, de dossiers, il y a au moins une dizaine de documents. Et la première fois que je l’ai fait, il y avait un seul champ pour télécharger un PDF qui devait faire moins de 2 Mo. Donc pour pouvoir correctement remplir ton dossier pour le CROUS, il fallait d’abord scanner tous ces documents, savoir monter tout ça dans un PDF, savoir optimiser PDF et pouvoir l’envoyer. Même chose sur Parcours sup, là c’est ma fille, elle postule dans des parcours artistiques et il faut envoyer un portfolio qui doit faire aussi moins de 2 Mo. Sauf que c’est bourré d’images quoi ! (rires)

Damien : Ben oui ! (rires)

Raphael : C’est typiquement ce genre de problématiques.

Damien : Déjà, à seize, dix-sept ans, avoir un portfolio a envoyer quand on veut faire des études artistiques, ce n’est pas forcément évident. C’est dingue parce qu’en plus, ce sont des services récents, donc ça devrait être optimisé puisque qu’il n’y a pas de dette technique, c’est nouveau, c’est censé fonctionner.

Raphael : Oui.

Benoit : Effectivement, c’est un sujet sur lequel beaucoup de gens ont vraiment hâte que tu fasses la conférence. On l’a tous vu autour de nous, je pensais par exemple au fait de juste s’abonner à un service de transports en commun, finalement, pour différentes raisons, il n’y a pas le plan B de pouvoir s’inscrire sur un formulaire papier. Parce que c’est un peu compliqué, donc tu peux très vite être bloqué par des choses assez simples. Donc on a vraiment hâte que tu nous présente ça, Raphaël. On rappelle juste pour nos auditeurices que Paris Web se déroulera du 6 au 8 octobre, comme son nom l’indique à Paris.

Avant de nous quitter, on aimerait te poser notre question traditionnelle ! Dans ce qui t’entoure, ce que tu as vécu récemment professionnellement, est-ce qu’il y a quelque chose qui t’a bluffé, marqué et que tu aimerais partager avec nous aujourd’hui ?

Raphael : Alors, je suis un peu mal à l’aise avec cette question, j’ai l’impression que tu me demandes de faire un post sur LinkedIn pour pour raconter ma dernière épiphanie, pour savoir ce que j’ai découvert en essuyant les fesses de mon nouveau né. Le lien est en commentaire hein ! (rires)

Benoit : (Rires)

Raphael : Je n’ai pas vraiment de choses qui m’ont bluffé au sens d’une super découverte. Par contre, il y a un sujet qui m’intéresse beaucoup en ce moment, et auquel je m’intéresse depuis maintenant cinq ans, c’est la permaculture. Donc la permaculture, bien sûr, on y pense déjà pour du jardinage, faire pousser des légumes dans son jardin, faire le potager, tout ça. Mais ce qu’il faut savoir, c’est que la permaculture ce n’est pas simplement faire pousser trois légumes ensemble au fond de son potager, c’est en fait un système de design.

La permaculture, ce n’est pas simplement faire pousser trois légumes ensemble au fond de son potager. C’est en fait un système de design.

Ça a été créé par des psychologues, des sociologues. Il y a vraiment une approche qui est intéressante et qui est assez proche d’ailleurs d’une approche de type ergonomie. On va se demander quels sont les usages ? Quels sont les besoins ? Qu’est ce que l’on a comme ressources ? Qu’est ce qu’on produit comme déchets ? Donc on est aussi pas mal sur des notions proches du design systémique.

Il y a beaucoup de choses comme ça dans la permaculture qui sont intéressantes à voir. Par exemple, une des questions que l’on peut se poser quand on veut faire son potager, c’est combien de temps je suis capable d’y consacrer ? Quelle énergie je mets dans mon potager ? On ne s’en rend pas compte au début mais faire un potager, ça prend plein de temps si tu veux que ce soit vraiment productif ! Surtout qu’au début tu te foire comme un gros nul, ça ne marche pas, ça pourri, c’est désespérant.

Imagines faire avec un service numérique ou une fonctionnalité d’un service numérique la même chose qu’en permaculture ! Comment conçois-tu une fonctionnalité ou un service qui aura plusieurs usages, plusieurs utilités ?

Ce qui est intéressant avec la permaculture, c’est cette notion de design mais aussi – ils le disent – les valeurs éthiques. Tu as un respect du vivant, un certain nombre de règles à respecter. Ça peut même être rigolo ou intéressant d’appliquer certains principes de la permaculture à des services ! Par exemple, un des un des principes de la permaculture, c’est qu’un élément doit servir à plusieurs choses. Si par exemple tu fais pousser une haie et bien il faut qu’elle serve à faire peut-être de l’ombre, peut être à isoler une partie de son jardin, il faut qu’elle porte des fruits pour que les oiseaux puissent venir manger dedans et puis tu vas la tailler tous les ans et avec la taille, tu vas faire du broya que tu pourra mettre sur tes plates bandes de culture. Imagine faire la même chose avec un service numérique ou une fonctionnalité d’un service numérique ! Comment tu conçois une fonctionnalité ou un service qui aura plusieurs usages, plusieurs utilités ? C’est là où c’est marrant de croiser ce genre d’infos.

C’est vraiment un sujet passionnant dans ce sens là. Avoir une vue un peu différente sur notre travail très numérique en essayant d’appliquer ces designs de permaculture, qui sont effectivement orientées au départ pour pour faire pousser des carottes et des choux-fleurs.

Damien : Tu te rends bien compte qu’il y a des gens super inspirés qui en auraient fait un post LinkedIn incroyables quand même Raphaël ! (rires)

Raphael : (Rires)

Damien : Blague à part, je suis fou de permaculture et je vis vraiment ce que tu es en train de raconter, le rapport que l’on peut faire entre le métier de design et ce que l’on fait dans son potager. Le côté  » ah, j’ai foiré un truc, la prochaine fois je le ferais différemment », la prochaine fois j’aurais fait un composant master dans Figma, c’est un peu ça en fait ! Et puis il y a une histoire aussi de gestion des moyens, quels moyens mettre à disposition pour faire le potager permaculture que tu idéalise ?

Il y a vraiment un rapport au niveau de la rigueur et de l’organisation. Je n’avais pas mis le doigt dessus, je le mets maintenant que tu en parle et je trouve ça assez cool. Maintenant, à chaque fois que je vais aller dans mon jardin, je vais y penser !

Benoit : Oui c’est un super exemple, je trouve ça stimulant intellectuellement ! Et puis je trouve que c’est une bonne introduction au design systémique en fait. On ne sait jamais trop par ou le prendre, ça fait tout de suite peur aux gens de dire « on va prendre du recul, les choses sont interconnectées ». En parlant de potager, je pense que ça peut être une bien meilleure introduction que ce qu’on tente de faire maladroitement habituellement ! On va certainement te piquer l’exemple.

Raphael : Ça permet d’avoir une grosse, grosse réflexion globale. Il y a une des étapes en permaculture, c’est effectivement de faire la synthèse des entrants et des déchets. Qu’est-ce que tu apportes dans ton lieu et qu’est-ce qui va produire des déchets dans ton lieu, des trucs qui vont te demander du travail, soit pour s’en resservir, soit les éliminer.

Damien : La meilleure façon de s’approcher un peu du zéro déchet, qui est très dur à atteindre, c’est notamment de faire un peu de permaculture et de se rendre compte à quel point on peut employer énormément de choses via le compost ou des choses comme ça. Bon c’est du hors sujet mais c’est passionnant, on pourrait en faire un autre épisode.

On se dirige vers la fin de l’épisode, avant qu’on se quitte Raphaël, est-ce que tu voudrais nous partager une dernière chose ?

Raphael : Je serais très heureux de vous voir à Paris Web pour la conférence sur l’illectronisme et si vous êtes pas à Paris Web, je participe aussi à l’organisation d’Ethic by Design 2022 qui a lieu du 16 au 18 novembre. On aura encore une organisation hybride avec un lieu principal de tournage qui sera à Nantes et des événements à Lyon, Bruxelles et peut-être Paris.

Damien : Et bien on viendra te voir à Paris web, ça c’est certain – on sera six de l’agence à y aller – et puis Ethic by Design, c’est en discussion, Il est probable qu’on y participe d’une manière ou d’une autre.

Il ne nous reste plus qu’à te remercier, Raphaël, pour le temps que tu nous as consacré aujourd’hui, je pense qu’on peut dire que tu as comblé notre curiosité au sujet du fonctionnement des designers de Beta.gouv notamment, mais pas que !

C’était très intéressant de parler de ton parcours, de tes expériences qui sont diverses, que ce soit dans le milieu associatif, le milieu professionnel et de parler aussi de sujets transverses comme LinkedIn et permaculture, c’était important de le souligner.

On va te dire à bientôt à Paris Web pour suivre ta conférence sur l’illectronisme dont on vient de parler, je te souhaite une très bonne journée Raphael et encore merci !

Raphael : Merci à vous de m’avoir interviewé sur tous ces sujets.

Benoit : Merci à toi Raphaël.

Damien : Il ne nous reste plus qu’à vous remercier d’être toujours plus nombreux et nombreux à suivre notre podcast. On espère vraiment que ce premier épisode de la saison avec Raphaël vous aura plus. On se retrouve le mois prochain pour un nouvel épisode de notre format court intitulé Capsule Design et dont vous commencez à avoir l’habitude.

En attendant, n’hésitez pas à écouter ou réécouter les épisodes de cette saison et à vous abonner à la newsletter du podcast pour retrouver l’ensemble des ressources de nos épisodes, les tips et conseils de nos invités. C’est sur le site salutlesdesigners.lunaweb.fr que ça se passe.

Enfin, on vous invite chaleureusement à commenter cet épisode et les autres sur Apple Podcasts et Spotify et à leur mettre cinq étoiles s’ils vous ont plu, ça aide vraiment le podcast à être diffusé au plus grand nombre.

Sur ce, on vous souhaite une très belle rentrée et à bientôt pour de nouveaux épisodes de Salut les Designers.

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