Paris Web 2022 : Entre partage et retrouvailles

Nous n’avons pas boudé notre plaisir de retourner à l’un de nos événements web francophones préférés. Surtout, nous avons apprécié y retourner EN VRAI, sur place. Cette année c’est Adeline, Christina, Arnaud, Sandrine, Alizée et Damien qui s’y sont rendus avec la ferme intention d’explorer d’autres visions du web, et expérimenter de nouvelles méthodes et outils.

Et quelle édition 2022 ! Le programme de cette année était riche et inspirant tout au long de ces trois jours mêlant conférences, ateliers, rencontres et retrouvailles avec celles et ceux qui font le web. Accessibilité, éco-conception, UX design, développement, éthique… Nous avons fait le plein de notes et d’idées à mettre en pratique au plus vite.

Ce 17ème Paris Web tient une saveur toute particulière, car, après la participation de Nicolas en tant qu’orateur en 2017, ce sont Alizée et Damien qui ont eu le plaisir d’animer leur atelier Éco-concevoir grâce à l’idéation et la simplification, le troisième et dernier jour de l’événement. L’occasion de remercier à nouveau le super staff de Paris Web qui nous a bien chouchouté jusqu’aux dernières minutes avant de nous lancer.

Un petit retour à chaud ?

Tant que ces trois jours sont encore frais dans nos têtes, nos 6 camarades dépêchés sur place vous livrent leur retour à chaud des conférences qui les ont le plus marquées.

Damien : C’est vraiment très dur de choisir la conférence que j’ai préféré, tant la programmation était de bonne qualité. Il y en a pourtant une que j’attendais avec impatience : Designer l’urgence de Julien Dubedout.

Pour la petite histoire, Julien devait venir présenter ce sujet en 2020 à UX Rennes une semaine après le début du tout premier confinement. Alors quand je l’ai vu au programme, j’ai sauté sur l’occasion de rattrapper ce rendez-vous manqué.

Durant 50 minutes, Julien nous a retracé tout son travail des dernières années pour améliorer les services numériques des Pompiers de Paris. C’est suite à sa candidature au programme Designers d’Intérêt Général (DIG) qu’il a eu la chance de se voir confier cette mission haute en couleurs (quoique surtout rouge et bleue en fait).

Au programme, immersions sur le terrain aux côtés des sapeurs pompiers jusqu’à atterrir en hélicoptère en pleine 4 voies pour interviewer celles et ceux qui ont lancé l’alerte, dans le but de retracer leur expérience de l’urgence. C’est également pour lui la confrontation à la réalité de la gestion de l’urgence en France qui méritait un coup de main sur la partie numérique notamment. Si vous en avez l’occasion, je vous recommande chaudement la conférence de Julien qu’il présente avec la pointe d’humour qu’on lui connaît.

Alizée : Cette année était incroyable en termes de partage et d’enrichissement personnel. Difficile de sélectionner un sujet sur le coup puisque nous avons assisté à deux jours de conférences de qualité. Mais avec le recul, quand on me demande “ParisWeb, c’était comment ?”, une conf me vient tout de suite à l’esprit ! Celle d’Audrey Neveu & d’Agnès Crepet : “Numérique et éthique : l’impossible équation”.

Ces deux femmes, que je ne connaissais pas, m’ont emporté dans leurs explications. Très engagées, elles ont dévoilé la face « cachée » du cycle de vie d’un service et d’un produit numérique. De la fabrication au recyclage, en passant par l’assemblage et l’usage, chaque étape révèle des problématiques sociétales et géo-politiques assez méconnues.

3,8% des émissions des gaz à effet de serre sont produites par le numérique. Ce chiffre-là, tout le monde commence à le connaître. Mais saviez-vous qu’il faut plus de 70 kg de matière première pour réaliser un téléphone d’environ 260 grammes ? Que les mafias exploitent des familles entières, enfants y compris, pour l’extraction des minerais qui composent notre si joli téléphone ? Que les délais permettant de sortir le dernier smartphone à la mode sont tellement intenables que cela à généré une vague de suicides collectifs d’employés dans les chaînes d’assemblages ? Que la collecte des données se fait parfois souvent sans notre consentement et qu’à l’avenir nous ne pourrons plus avoir la main sur notre libre arbitre ? Que la reconnaissance faciale, si pratique dans notre quotidien, permet aujourd’hui d’arrêter et de “déporter” tout une minorité ? Où encore que chez Amazon il y a un vrai manque de respect de la dignité humaine et qu’un contrat de travail chez eux en France ne dure en moyenne que 2,5 mois ?

Si cela vous fait froid dans le dos autant qu’à moi, je vous conseille de visionner ou re-visionner cette conférence, qui donne à la fin un bel espoir en tant que consommateur et en tant que concepteur de services numériques pour un monde plus “slow”.

Je m’arrête là, je pourrais en parler pendant des heures. Bon visionnage :)

Adeline : Après deux jours intenses à Paris web, c’est le cerveau encore en ébullition, que je vous partage l’un des mes coups de cœur : “Accessibility by design : comment embarquer les designers ?” présenté par Romy Duhem-Verdière. Permettre à chacun d’utiliser le numérique quelle que soit sa façon d’y accéder est, de fait,un idéal à atteindre !

Il existe de multiples situations de handicap. Elles peuvent être permanentes, temporaires ou situationnelles. Selon si elles sont liées à des troubles moteurs/cognitifs, une maîtrise partielle du langage ou encore un contexte stressant. Nous pouvons tous y être confrontés un jour. Un chiffre marquant : 40% de la population a un handicap temporaire. D’où la nécessité de construire des personaes plus inclusifs. Soit en intégrant un personae en situation de handicap dans son set, soit en ajoutant un handicap à chacun de ses personaes.

Romy a souligné lors de son intervention que concevoir pour les extrêmes (= “extreme design”), c’est concevoir un design utilisable pour tout le monde. On peut citer l’exemple de la télécommande, conçue pour les personnes qui ne pouvaient se déplacer, qui s’est avérée être utile à tous. Pour qui concevons-nous et qui en est exclu ? Reconnaître l’exclusion et apprendre de la diversité permet de concevoir pour un plus grand nombre.

Merci pour cette plongée au cœur de l’accessibilité et pour tous les bons conseils prodigués.  Pour faire le lien avec les autres conférences, pensez à la valeur pour l’humain mais aussi pour la planète.

Arnaud : Comme pour mes camarades, il est difficile pour moi de vous partager toutes les conférences qui m’ont vraiment intéressées. Néanmoins, et pour être complémentaire avec mes collègues, j’ai envie de vous parler de la conférence de Cindy Liwenge qui nous parle de la façon dont les nouvelles technologies font bouger le militantisme en ligne. Cette conférence m’a véritablement marqué et m’a donné envie d’explorer les nombreuses références citées.

Dès les premières minutes on comprend le sens du titre de la conférence intitulée : « Au-delà du hashtag : les nouvelles technologies au service du militantisme”, ici on parlera bien d’initiatives qui sortent du cadre des réseaux sociaux.

Sans vous dévoiler tout le contenu de la conférence, j’en retiens beaucoup d’exemples qui montrent une irresponsabilité de la tech et sur laquelle nous devons agir et nous positionner à notre niveau en tant que professionnel·le·s du numérique. Cindy Liwenge nous expose également de nombreuses initiatives réalisées en ligne qui ont permis de mettre en lumière et de lutter contre certaines oppressions avec des résultats concrets.

Que ces sujets vous parlent ou non, je pense que c’est une conférence intéressante à découvrir car elle révèle des mécaniques invisibles dans notre environnement numérique avec des pistes pour s’en extraire et construire un internet meilleur.

Christina : Animating the Impossible de Cassie Evans est vraiment le talk wow qui restera dans un coin de ma tête. Cassie nous a partagé des pratiques incroyables de smooth animation d’UI-Éléments (animation douces) qui jusqu’ici étaient un cauchemar pour moi, comme des animations de changements de layout complexes. Un vrai synonyme d’animation impossible pour moi avant ce Paris Web. (Petit Spoiler : Ce n’est pas impossible.)

Pendant la conférence, Cassie ne s’est pas contentée de nous donner des formules miracles pour rendre possible l’impossible. Elle nous a également parlé de la valeur ajoutée côté utilisateur, des transitions animées lors des changements de pages par exemple. Cela permet en effet à l’utilisateur de mieux suivre son parcours et de mieux visualiser les changements même s’il est moins attentif (Inattention & Change Blindness).

Cassie nous a partagé plus qu’une boîte à outils. Elle nous a expliqué les avantages des animations pour l’utilisateur. Cela m’a donné tellement envie, que vous risquez très probablement d’en récolter les fruits sur nos futurs projets.

Sandrine : Plus qu’une conférence en particulier, c’est la façon dont toutes se répondaient les unes aux autres qui m’a marquée. Avec en fil rouge une envie commune de faire avancer les choses pour un monde numérique qui tiendrait enfin ses promesses de respect, de liberté et d’ouverture pour tout le monde.

Que l’on parle de d’accessibilité, d’écoconception, d’inclusivité, de protection de données, d’animation d’interfaces, d’événements Reddit, un nouveau paysage prend forme devant nos yeux. Il est pavé de difficultés et de contradictions mais il nous montre la voie à suivre et des solutions, parfois pointues et techniques, parfois très personnelles, parfois philosophiques, à petites et grandes échelles.

Par exemple :

• “Animating the Impossible”, “Designer l’urgence” et “Bien doser l’utilisation d’ARIA pour éviter les catastrophes” mettent en lumière des éléments de conception et de développement qui peuvent répondre aux besoins présentés dans “Enrichissez vos projets en y intégrant des personae en situation contrainte !”;
• “Transferts de données : est-ce que je peux encore utiliser des fournisseurs américains ?” nous parle de la difficulté à protéger nos données et celles de nos utilisateurs dans l’écosystème hyperconnecté du Web, alors que cette protection est si importante comme nous le montrent “Numérique et éthique : l’impossible équation ?” et “Au-delà du hashtag : les nouvelles technologies au service du militantisme”;
• “r/place : la collaboration sur internet, pixel par pixel” nous parle de collaboration spontanée entre inconnus aux quatre coins du monde tandis que “Du social à la tech : plaidoyer en faveur des profils atypiques” et “Pourquoi j’ai envie d’arrêter le dev ?” pointent du doigt des mécanismes d’exclusion sciemment ou inconsciemment mis en place chez ceux qui créent le numérique, avec des conséquences à grande échelle, comme en témoignent “Numérique et éthique : l’impossible équation ?” et “Au-delà du hashtag : les nouvelles technologies au service du militantisme”
• Et, pour finir, un exemple pratique mais très parlant, au début de la conférence de Cindy Liwenge. Son ordinateur portable, contenant le support de sa présentation, était une machine d’un certain âge, et en cela respectait l’un des fondamentaux présenté dans “Numérique et éthique : l’impossible équation ?”, celui d’augmenter la durée de vie des appareils (leur fabrication et leur destruction sont les étapes les plus génératrices de problématiques environnementales et sociétales). Mais Cindy s’est heurtée, au début de la conférence, à un obstacle matériel. La connectique sur cet ordinateur ancien n’était pas compatible avec les outils mis à disposition pour les conférenciers, et du temps a été perdu à trouver une solution de contournement.

Toutes ces conférences nous offrent un état des lieux si global du numérique et des problématiques à résoudre qu’elles peuvent nous sembler insurmontables à notre petite échelle. Pourtant, cela nous permet d’ouvrir les yeux et de prendre du recul par rapport à nos propres pratiques personnelles et professionnelles. Et de nous engager, lorsque le choix se présente à nous, sur la voie d’un numérique “accessible et de qualité”, devise de Paris Web.

Merci Paris Web 2022 !

Que nous soyons habitués ou que ça soit notre premier Paris Web, cette édition aura fait l’unanimité de notre côté. Ce programme alléchant a largement tenu ses promesses. Retourner à ce genre d’événement en présentiel fait toujours du bien. C’était le second seulement pour nous après la journée de l’éco-conception qui se déroulait en mai dans les locaux de LeBonCoin.

Nous clamons un très grand merci au staff de Paris Web 2022 pour son accueil, son travail immense sur un tel évènement comme pour ses petits mots motivants juste avant que ne vienne notre tour de prendre la parole. Bravo le staff, on a vraiment hâte de revenir.