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Le rôle de l’UX designer dans la conception d’un site web

Interview – Designers depuis plus de 10 ans, Alizée et Damien se sont connus sur les bancs de la MJM Graphic Design, à Rennes. Hasard ou coïncidence, ils se sont retrouvés des années plus tard à l’Agence LunaWeb. Pour nous, ils expliquent ce que designer veut dire, ils reviennent sur les tendances qui ponctuent leur métier et comment ce dernier modifie leur vision du monde.

Publié le 19 avril 2021 par Guirec Gombert

Damien Legendre UX Designer
Légende du bloc image — Photo : Stéphanie Pierre

Quelle est votre définition du mot design ?

Damien : Un bon design c’est ce qui rend un produit ou un service à la fois utile et utilisable. Cela va au-delà de l’aspect, du look. Un service peut être très joli mais impossible, ou en tout cas très compliqué, à utiliser.

A l’inverse, le site Trainline n’est pas vraiment “beau”, même plutôt désuet, et pourtant il est très simple d’utilisation. A mon sens, c’est un design réussi, qui va à l’essentiel et sert l’utilisateur.

Alizée : Je rejoins Damien : un produit beau mais qui n’est pas fonctionnel, c’est de l’art. Le design doit prendre en compte la globalité de l’objet et ne pas laisser de côté l’aspect pratique. 

Alizée Rault UX Designer
Alizée parle de son métier d'UX designer

En quoi consiste le métier d’UX designer ?

Alizée : L’UX designer prend en compte l’expérience de l’utilisateur dans son maniement d’un service ou d’un produit. Il s’efforce de comprendre ses besoins et ses attentes, il cherche à se mettre à sa place pour lui apporter un objet qui soit facilement utilisable.

Damien : Quand on a démarré dans le métier, le poste d’UX designer n’existait pas encore. D’ailleurs nous avons débuté dans le print avant d’exercer dans le web.

Au cours de notre carrière, nous avons vraiment appris et compris ce qu’était l’UX, à savoir comme l’a expliqué Alizée, à prendre en compte les besoins des utilisateurs finaux d’un produit. C’est un cheminement personnel qui nous a conduit à travailler chez LunaWeb.

Avez-vous une méthode précise pour designer un site ?

Damien : Dans un projet idéal, la première phase consiste à travailler avec les UX researchers qui nous apportent des informations précieuses sur les utilisateurs : qui ils sont ? ce qu’ils attendent d’une interface ? etc. Ensuite, une fois aidés de ces personas, nous étudions les parcours utilisateurs, c’est-à-dire que nous analysons comment ils entrent, s’orientent sur un site et en sortent.

Encore après, il y a ce que nous appelons l’idéation, soit le fait de travailler avec les clients sur leur proposition de valeurs, sur ce qu’ils veulent vraiment apporter à leurs utilisateurs.

> Interview – Découvrez le métier d’UX Researcher 

Alizée : Nous avons à notre disposition une trentaine de méthodes à déployer pour faire parler le client de ses besoins. Selon le projet, par exemple si c’est une application ou un site web, on choisit celle qui est la plus adaptée, comme le “Canevas de proposition” ou le “6 to 1”.

Il ne faut pas oublier les autres variables qui entrent en jeu lors de la conception, comme le budget du client ou le temps alloué aux designers…

 

Atelier avec des clients de l'Agence

En quoi le métier d’UX designer se distingue-t-il de celui d’UI designer ?

Alizée : Pour simplifier, l’UX travaille à l’amélioration de l’expérience utilisateur, il cherche à clarifier les besoins des clients comme des usagers et il travaille sur l’architecture des contenus. L’UI, lui, met la couche graphique, il crée l’harmonie visuelle, il travaille les couleurs et la saillance de certains boutons. Contrairement à l’UX, il a une moindre capacité à se “mettre à la place de”.

Avec Damien, nous avons la double casquette UX / UI. C’est plus simple dans notre quotidien : nous réalisons les pré-maquettes puis on met la couche graphique. Ainsi on maîtrise toute la chaîne de production.

“Il arrive que tu fasses un site qui n’est pas à ton goût parce que c’est la demande. Il faut l’accepter”

Damien : Je n’imagine pas faire mon métier d’UI sans la dimension UX. Ce sont les deux faces d’une même pièce. Je ne pense pas qu’on puisse bien travailler une interface sans avoir en tête les données utilisateurs.

> UX, UI : c’est différent et c’est pas pareil

Quelles sont les difficultés que vous pouvez rencontrer dans votre métier ?

Alizée : Je dirais de l’incompréhension avec les clients. Certains te sollicitent pour réaliser un site éco-conçu et, au final, ils t’imposent une vidéo plein pot sur la Home. Ou encore quand tu es fière de ta maquette et qu’ils te demandent d’y ajouter une couleur pas terrible du tout…

Damien : Effectivement, il arrive que tu fasses un site qui n’est pas à ton goût parce que c’est la demande. Il faut l’accepter…

Atelier avec des clients de l'Agence

Quelles sont les pires tendances que vous avez pu observer en UX design ?

Alizée : Sans hésitation : l’infinite scroll ! Tu n’arrives jamais à la fin de ta page, tu n’as pas d’accès au footer, cela t’empêche de finir ta navigation et tu n’as plus aucun contrôle sur ton interface. D’ailleurs cette tendance s’essouffle. On a compris l’importance d’une pagination.

“Le skeuomorphisme peut très bien avoir une utilité en design”

Damien : Pas mieux. Mais je pense que toutes les modes se tiennent dès lors qu’elles ont une utilité. Le skeuomorphisme (en design cela consiste à imiter un objet réel sur une interface virtuelle, NDLR) peut très bien avoir son utilité pour des personnes âgées si elles comprennent mieux ce qu’elles doivent faire sur l’interface grâce à une représentation plus tangible, plus réaliste.

Alizéee : Le design est un éternel recommencement. Les “ombrés” reviennent alors qu’avant c’était la mode du flat. Évidemment, si elles sont maniées avec intelligence, on peut mélanger les tendances.

En ce moment, on parle beaucoup d’éco-conception, la crise environnementale peut-elle impacter la manière de designer des sites ?

Alizée : Le but de l’éco-conception c’est d’éviter le superflu. Pour cela, il faut éviter les fonctionnalités inutiles. Dans le fond, c’est une logique que nous avons déjà avec l’approche de l’UX design. L’éco-conception va certainement obliger à être encore plus créatif pour faire mieux avec moins. Mais c’est jouer avec les contraintes, et c’est précisément cela qui est intéressant pour nous, designers.

Damien : J’espère que cela aura un impact. À nous d’être vigilants pour le faire correctement et ne pas tomber dans le greenwashing.

> Intéressé par l’éco-conception ? Retrouvez notre webinaire consacré à ce sujet 

Don Norman, considéré comme l’inventeur de l’UX design, a déclaré que l’expérience utilisateur est une “façon de voir le monde, de percevoir la vie…”. Cela vous inspire ?

Alizée : Avant de commencer à travailler dans l’UX, je ne prêtais pas autant attention au monde qui m’entoure, j’étais moins dans l’observation. Il y a clairement une déformation professionnelle qui se met en place.

Maintenant, je vois tout à travers le prisme de l’expérience utilisateur. Jeune maman, le fait de ne pas pouvoir être accompagné par mon ami dans un lieu public pour changer mon enfant parce que la table est dans une toilette pour femme est clairement une mauvaise expérience utilisateur. Je pense aussi aux rouleaux d’essuie-tout avec la feuille qui se déchire…

Damien : Et à l’inverse, il y a ce qui est bien conçu comme la plaquette de beurre avec le grammage annoté sur le papier. Un vrai allié au moment de faire de la pâtisserie. C’est de l’UX du quotidien.

“Maintenant, je vois tout à travers le prisme de l’expérience utilisateur”

Un designer que vous admirez ?

Damien : Je n’ai pas un tempérament de fan, donc plutôt que de stars du design, je parlerai de personnalités inspirantes. En 2019, à l’événement Blend web mix, à Lyon, j’ai assisté à une conférence de Rémi Guyot, chef de projet chez Blablacar. Il parlait de la simplicité des interfaces et c’était très intéressant.

Il y a aussi mes livres de chevet : Méthode de design UX de Carine Lallemand et Guillaume Gronier et celui d’Aaron Walter : Le design émotionnel au sein de vos interfaces. J’aime bien aussi aller revoir des sites comme Airbnb, Luko ou Blackmarket, car ils tapent juste sur certains éléments d’interface et ils sont régulièrement mis à jour.

> Découvrez notre podcast Salut les designers consacré à Carine Lallemand

Alizée : Il y a deux personnes que je trouve également inspirantes. Dans de petites brèves, l’ergonome Amélie Boucher peut t’expliquer pourquoi l’icône disquette est toujours utilisée alors que cet objet ne l’est plus depuis longtemps ! Et sur Twitter je suis Marie Dehayes. Elle poste plein de tweets utiles aux designers et elle a eu un parcours et une évolution de carrière vraiment chouette.

Rédigé par

Guirec Gombert
UX Writer (ne travaille plus chez LunaWeb)