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SLD #20 - Gwenole Jaffrédou, graphiste et motion designer

SLD #20 - Gwenole Jaffrédou, graphiste et motion designer

Le parcours de Gwenole se définit par la passion du graphisme animé et l’envie permanente de co-construire autour de lui des espaces permettant de cultiver les rencontres et le partage. Nous revenons avec lui pendant cet épisode sur ces deux aspects fondamentaux de sa pratique et bien plus encore.

Publié le 23 février 2022

Après une première Capsule Design consacrée à l’acceptabilité, retour au format classique de l’émission ce mois-ci. Nous avons le plaisir de recevoir le régional de l’étape si l’on ose dire, Gwenole Jaffredou, alias Gweno !

De la manière dont il a révolutionné son process de travail aux nombreuses initiatives qu’il a co-créé pour s’entourer d’expertises passionnantes, nous revenons avec Gweno sur son parcours et explorons avec lui un sujet inédit dans le podcast, le motion design !

Bonne écoute à tous et à toutes,

Les Designers de l’Agence LunaWeb.

La transcription

Alizée : Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans ce nouvel épisode de Salut les Designers, le podcast de l’agence LunaWeb. Ici Alizée, je suis avec Arnaud. Salut Arnaud !

Arnaud : Salut Alizée !

Alizée : Déjà, merci pour l’accueil que vous avez réservé à notre tout nouveau format court intitulé Capsule Design sur l’acceptabilité, c’était avec Justine. Et si vous n’avez pas eu encore la chance de l’écouter, l’épisode est bien-sûr toujours disponible sur votre application de podcast préférée et ce format revient également dès le mois prochain avec une nouvelle thématique.

Mais aujourd’hui, retour au format classique de l’émission et nous avons le plaisir de recevoir le régional de l’étape si j’ose dire, Gwénolé Jaffredou, alias Gweno ! Salut Gweno, comment tu vas ?

Gweno : Salut, ça va et vous ?

Alizée : Super ! Alors, tu es le premier Breton – hors LunaWeb évidemment – dans Salut les Designers et on est ravis de pouvoir échanger avec toi sur une thématique qui est assez inédite dans le podcast, le motion design. 

Mais pas que, puisque l’on va évidemment parler de tout ce que tu fais autour de cette thématique.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, est-ce que tu peux te présenter en quelques mots pour celles et ceux qui ne te connaissent pas encore ?

Gweno : Oui, je suis surtout connu sous le nom de Gweno dans le design, je suis directeur artistique avec une spécialité motion design. Je suis indépendant depuis 6 ou 7 ans et j’ai une expérience de près d’une quinzaine d’années dans le graphisme.

Un premier passage en agence pour commencer et puis après l’expérience d’indépendant ces dernières années. J’ai commencé dans le web, dans les interfaces et dans la direction artistique web pour ensuite switcher petit à petit vers l’UI, l’UX et faire désormais de la direction artistique, du graphisme et du design.

Arnaud : Très bien. Aujourd’hui, malgré un historique de web designer, tu as quasiment arrêté le design d’interface pour te concentrer, te spécialiser vraiment sur le motion design. 

Est-ce que c’est un choix ou c’est une évolution naturelle liée aux projets clients que tu as reçus ?

Gweno : Oui, pendant une période ça a été quelque chose d’assez naturel parce que j’avais de plus en plus de demandes là dedans, donc quand tu développes ton activité d’indépendant, à un moment tu prends ce qui vient, surtout en début d’activité (rires).

Et désormais, c’est plus une corde à mon arc. C’est-à-dire que c’est une spécialité que j’aime mais avant tout mon fil rouge, mon socle commun, c’est quand même le graphisme. Donc avec de la typo, de l’illustration, de l’animation, du graphisme, de l’identité.

Le motion, c’est une corde à mon arc, une spécialité que j’aime. Mais avant tout, mon fil rouge, mon socle commun, c’est le graphisme.

Le motion design c’est une spécialité que j’ai développé depuis mon tout début d’activité. Mais ça fait 3, 4 ans quand même que je mange, entre guillemets, beaucoup de formations en ligne, beaucoup de tutos, beaucoup de choses pour m’améliorer. Maintenant, j’ai un process assez clair, c’est vraiment une spécialité que je commence à bien connaître.

Alizée : Tu le sais chez LunaWeb, on conçoit selon les méthodes de design UX, c’est-à-dire que l’on fait l’étude des usages pour proposer aux utilisateurs les meilleures interfaces possibles, par exemple avec la recherche des personna.

Est-ce que tu penses à l’utilisateur final, au visionneur final, quand tu crées un motion ?

Gweno : Oui, je le vois comme un spectateur. C’est un mot que j’ai déjà employé en discutant avec vous et je trouve que ça représente bien ce que c’est. Comme un spectateur dans une salle de cinéma. Tu réfléchis un peu à ses émotions, comme s’il était dans un siège et qu’il voyait ton spot. Tu te demandes quelles émotions il aurait, tu te demandes s’il ne va pas quitter la salle au bout d’un moment – mais ça ce sont d’autres questions.

L’utilisateur pour moi, c’est un spectateur. Comme s’il était dans une salle de cinéma, tu réfléchis à ses émotions, tu te demandes quand il va quitter la salle.

Donc en tant que spectateur, tu réfléchis beaucoup à ses émotions, est-ce que le spot, il le trouve cohérent ? Est-ce que ça lui parle ? Est-ce que ça provoque des choses en lui ? Il faut penser à tous ces usages là. Le motion c’est vraiment ça, ce sont des usages et des spectateurs qui sont tous différents.

Alizée : Mais finalement tu as quand même besoin de connaître la cible des messages que tu vas pousser grâce à l’animation ?

Gweno : Oui, mais souvent la cible ce sont principalement les clients qui sont maîtres de ça. Moi je vais surtout être dans l’accompagnement pour faire quelque chose de rythmé, avec de l’émotion, où tout s’imbrique bien, entre rythme, visuel, typo, sons, de manière à ce que tu aies un spot complet qui fonctionne bien.

Alizée : Ok.

Arnaud : Comment se passe la création d’un projet vidéo ? Est-ce que la demande vient du client ou tu le proposes sur un projet plus global ? Est-ce que tu passes par un storyboard, des animatiques, un script ?

Gweno : C’est ce que j’expliquais dans l’introduction, j’ai mis des années à vraiment me trouver un process de motion design et aujourd’hui je pense que j’en ai un à peu près cohérent.

Effectivement, je commence souvent par un script. C’est souvent le client qui l’envoie, genre un mini scénario quoi, genre deux paragraphes, où le client va dire ce qu’il a envie de mettre comme mots clés ou comme grandes idées dans son film. Parfois c’est moi qui l’écrit, parfois ça peut être un travail conjoint.

Tout commence par un mini scénario, deux paragraphes, quelques mots clés ou grandes idées. Parfois c’est moi qui l’écrit, parfois c’est un travail conjoint avec le client.

Et puis après, effectivement la première étape c’est un storyboard. Donc un storyboard, c’est mettre en images une première vue de ce que va donner chaque scène. Tu vas commencer à imaginer ton spot. Ce n’est pas une phase facile, il a fallu que je travaille beaucoup pour me l’approprier. Parce que je ne suis pas un dessinateur – tu vois il y a des gens qui font des storyboards magnifiques. Mais ce n’est pas l’objet de cette phase là.

Parfois tu vois des storyboard magnifiques mais en fait l’objectif de cette phase là, c’est de commencer à faire la composition de ton motion, pas forcément d’être beau.

L’objet de cette phase là, c’est de de commencer à faire de la composition, de voir s’il y a des personnages à l’écran, dans quel endroit ils sont de la scène, etc. Tu es plus dans la composition que dans un dessin hyper précis. Même si tu n’as que des personnages en bâtons, ce n’est pas très important. Le but c’est de commencer à avoir une première vue d’ensemble.

Arnaud : Ok, et de donner une intention j’imagine ?

Gweno : Oui voilà, d’avoir une intention et de commencer à dialoguer avec le client sur cette première intention.

Le storyboard permet d’avoir une première intention et de commencer à dialoguer avec le client sur cette base.

Et à partir du moment où tu as un premier storyboard, en général moi j’attaque la créa derrière. En gros j’appelle ça les style frame, les styles de cadre – il y a différents noms suivant les motion designer. C’est un document, souvent sur illustrator, où tu as des plans de travail et où tu vas reproduire les planches du storyboard en visuel définitif, c’est-à-dire comme si tu faisais pause pendant le film. C’est le rendu final graphique de ton film.

À partir de là, j’ai envie de dire que le plus dur est fait ! (rires).

Parce que toute la création est faite et qu’après normalement, ça déroule. Ça déroule dans quel sens ? C’est que déjà, je vais faire une animatique. Alors ça, c’est vraiment une des étapes hyper importantes que je fais depuis deux ans maintenant. Parce qu’avant, je ne le faisais pas et c’était une erreur par rapport à mes clients.

Une fois que tu as un storyboard solide, tu vas pouvoir faire la créa des visuels définitifs à un instant T, comme si tu faisais pause pendant le film.

Tu vas envoyer au client une animatique, c’est-à-dire tes planches de storyboard un tout petit peu animées, avec des zooms, etc, mais très léger. Si ce sont des images fixes, ce n’est pas grave. Tu mets de la musique dessus, tu mets une voix off dessus, tu mets un peu d’effet sonore et basta.

C’est ça l’intérêt, ça montre à ton client une première version du spot, tel qu’il va à peu près ressembler. Voir combien de temps il dure, si le rythme est bon. Tu commences déjà à te projeter dans quelque chose qui ressemble au résultat final. Et une fois que tu as validé ça, tu l’animes.

Arnaud : Si on fait le parallèle avec notre métier, c’est presque comme si tu faisais un zoning (NdR : première version schématique de l’interface) en fait, puis petit à petit, tu te rapprocherai de la version finale avec de plus en plus de détails ?

Gweno : Oui, c’est ça. En interface c’est pareil, c’est un peu dangereux d’arriver chez un client avec une maquette définitive. C’est bien d’y aller par étape, parce que sinon, tu prends des risques. En début de carrière, je pouvais arriver avec un spot totalement monté sans avoir trop discuté avec le client et en fait tu prends des risques. Des fois, ça passe, mais des fois, ça ne passe pas du tout (rires).

Avant je ne faisais pas d’animatique. C’était une grosse erreur dans ma relation client.

C’est pour ça qu’aujourd’hui j’ai un process bien éprouvé et qui fonctionne pas mal.

Alizée : Tu fais valider chaque étape par ton client ? Que ce soit la première partie de storyboard, la seconde partie avec un peu de créa posée, puis l’animatique ?

Gweno : Je fais tout valider oui, toutes les étapes. Parce que chaque étape est hyper importante, le reste en découle derrière, tout est en cascade. Si ton script est mal écrit, tout ce qui se passe derrière sera mal conçu aussi.

Aujourd’hui, je fais valider toutes les étapes de conception d’un motion. Parce que chaque étape est hyper importante. Derrière, tout le reste en découle.

Si ton animatique est mal fichue, tu auras la mauvaise musique dessus, tu auras le mauvais rythme, du coup ton spot derrière il ne sera pas bon. Tout est en cascade comme ça. C’est pour ça que c’est important d’impliquer les clients à chaque phase oui.

Alizée : Et au niveau de la musique, comment ça se passe ? Est-ce que c’est ton client qui va avoir une idée d’effets sonores ? Est-ce que c’est toi qui va le conseiller par rapport à un message ?

Gweno : Alors, il y a deux choses. Si il y a de la musique, souvent c’est moi qui fais des propositions suivant ce qu’ils ont envie comme tonalité. Je tente des choses. Justement l’animatique a cet intérêt là, c’est qu’on va tenter une musique. Hop, on se rend compte tout de suite que ça ne fonctionne pas avec le client. Ou c’est le client qui me dit « moi, ça me convient pas ». Donc c’est bien, ça test tout de suite quoi.

L’intérêt d’un animatique c’est de pouvoir tester des musiques et effets sonores. Rapidement, on peut se rendre compte si ça marche ou pas, si le client adhère ou pas.

C’est vrai que si je mettais la musique sur la version finale et que l’on commençait à ne discuter de la musique qu’à la fin, ça ne serait pas bon. Parce que pendant l’animation, j’ai besoin de me caler sur la musique pour faire quelque chose d’efficace. Après tu as les effets sonores, tu as du sound design que tu peux rajouter. C’est quelque chose que je fais souvent aussi, je fais appel à des collègues qui font sound design.

En tant que musicien, c’est important pour moi de me caler sur une musique pour faire quelque chose d’efficace. 

Ça va être pour marquer les moments forts de ton spot. Quelque chose qui explose, tu as envie d’entendre une explosion, c’est aussi bête que ça. Tout ça c’est un métier quoi, de mettre du son. Et surtout ça ajoute à l’émotion que tu peux donner pendant ton spot. Ça rajoute au « Wow » de ton spot final.

Alizée : Complètement.

Arnaud : Là on parle de projets vidéos mais est-ce qu’il t’arrive encore de travailler sur du design UI, de réaliser ce qu’on appelle des micro-interactions, ces animations qui vont accompagner la navigation du site, donner un feedback aux utilisateurs ? Est-ce que le process est différent ?

Gweno : Oui, ça m’arrive. C’est une corde à mon arc que j’ai dans le motion design – une corde à mon arc, dans une corde à mon arc (rires). C’est quasiment une spécialité dans le motion design.

Ce sont des exports web que je fais avec la librairie Lottie et Bodymovin. Ce sont des technos un peu particulières qui me permettent depuis After Effects d’exporter en animations SVG.

Faire des micro-intéractions me donne un peu l’impression de faire de l’intégration web. Il faut tester sur les différents navigateurs, les différents OS mobiles.

J’en ai fait dernièrement. Ça a ces limitations aussi, on a l’impression d’être un intégrateur (NdR : Intégrateur web ou développeur front-end) de l’animation, parce qu’on est souvent obligé d’aller sur les différents navigateurs, tester si ça marche. Et même quand ça marche sur les navigateurs, ça ne marche pas sur l’appli Android ou l’appli iPhone.

Donc on est souvent obligés de tester des choses qu’on n’a pas du tout l’habitude de tester. En motion normalement, on fait un export vidéo, la vidéo marche, c’est fini. C’est un process qui est assez différent, qui peut paraître rapide dans un premier temps mais, vu qu’il y a une phase de debug à la fin, qui peut être un peu chronophage.

L’intérêt de l’animation web et des micro-intéractions c’est de jouer avec des éléments vectoriels légers plutôt qu’avec une vidéo de 4 Mega.

Mais effectivement c’est quelque chose qui est de plus en plus demandé, notamment sur des sites ou tu as des illustrations, des schémas, c’est vrai que c’est sympa d’avoir une petite micro animation au scroll, par exemple qui se lance. Et qui ne soit pas une vidéo de 4 Mega mais plutôt une petite animation vectorielle qui ne va pas être lourde, qui va être sympa et qui va juste à coup agrémenter le texte qui est à côté. Souvent, c’est ce genre de choses.

Arnaud : OK.

Alizée : Il peut y avoir dans l’animation une dimension est assez sensible, émotionnelle. Il y a le rythme, la musique, les couleurs, les sons, la narration. Est-ce que c’est une notion toi qui te parle et qui parle à tes clients quand tu réalises un motion ?

Gweno : Oui, les clients sont souvent à la recherche de l’effet « Wow » un peu, c’est un peu le grand classique. Tant qu’ils ne l’ont pas, ils ne sont pas forcément totalement satisfaits du résultat. Et effectivement, c’est l’addition de tous ces éléments là. Le motion design, c’est comme si on mettait une dizaine ou une douzaine de compétences à l’œuvre en même temps pour réaliser un spot.

Faire du motion design, c’est comme mettre une dizaine de compétences à l’œuvre en même temps pour réaliser une vidéo.

Je parle souvent des douze travaux du motion designer et c’est un peu ça. Il y a tellement de compétences à apprendre, toutes très différentes, ce n’est pas évident. Donc, il y a des compétences de son, d’illustration, de typo, de montage, faire un beau montage bien rythmé…

Alizée : La coordination de tout cela quoi ?

Gweno : Oui de la coordination, mais aussi que ta scène dure 2 secondes au lieu de 4 a une importance, sur le rythme, etc, toutes ces petites choses là. L’écriture d’un script, l’écriture d’un scénario ou il faut apprendre mine de rien a créer une situation initiale où le produit du client va être la solution à ce problème initial, etc. Rien que sur la partie script déjà, il y a tout un pan à apprendre.

Je parle souvent des douze travaux du motion designer et c’est un peu ça la réalité du travail sur une vidéo.

C’est pour ça que je me forme énormément. Je me forme dans chacune des sections et quand je vois que mes compétences sont un peu justes pour aller plus loin, je délègue.

Par exemple en sound design, souvent je fais appel à un prestataire extérieur pour que tous les curseurs de chacune des parties pour amener de l’émotion soient au maximum, soient le plus haut possible. Après, on peut toujours s’améliorer.

Alizée : Si je prends l’animation que tu as pu faire sur la home de ton site, il n’y a pas de son. Mais quand on regarde l’animation, il y a un rythme qui fait qu’on a l’impression d’entendre une musique qui s’en dégage. Grâce aux pulses de couleurs qui attirent le regard, à la vitesse de défilement, aux instruments même qui sont représentés.

Tu dis vouloir faire passer un message grâce à l’animation. Quel était le tien dans celle que tu as faite sur ton site ?

Gweno : L’illustration de mon site, c’est un manifeste. J’explique, je crois dans la partie “À propos” sur mon site, ce manifeste en sept parties. C’est un clin d’œil à Harry Potter les sept pour la petite histoire (rires). C’est un peu mes sept horcruxes à moi.

En fait, je voulais que dès l’arrivée de mon site, on voit mon univers. Et donc, il y a de la batterie, par exemple. Pour moi, la batterie c’est important, le rythme. Donc en numéro trois. En numéro deux, il y a savoir bien maîtriser les outils, en quatre le process, avec les images clés qui passent d’un tapis à l’autre. Il y a l’ancrage local aussi, avec la ville où j’habite. Voilà, c’est toute une suite d’éléments qui fonctionnent ensemble tout en étant des scènes indépendantes. J’ai construit ça indépendamment, chaque scène. Je les ai animé indépendamment, puis je les ai toutes mises les unes sur les autres et ça donne ce truc là, quoi.

L’illustration de mon site, c’est un manifeste de mon process de travail. Je voulais que dès les premières secondes, on découvre mon univers.

Effectivement ce qui est marrant, c’est que souvent je me base sur la musique pour rythmer quelque chose. Je suis musicien donc j’aime beaucoup me baser là-dessus, me baser sur le son pour rythmer, pour pour amener un peu de « wash » quoi, de l’émotion. Et là c’est la première fois que je fais un truc sans son. Et pourtant, c’est vrai que c’est rythmé. C’est une première pour moi. Donc si t’as l’impression d’entendre du son, c’est que c’est réussi (rires).

Alizée : Exactement (rires).

Arnaud : Ce que tu racontes là, ça me fait écho à une vidéo que j’avais vue il y a très longtemps, c’est une très très vieille vidéo qui je crois s’appelle Dots. Je ne sais pas si ça te dit quelque chose ?

Gweno : Oui, je crois. Tu peux préciser un peu ?

Arnaud : Ça m’avait été présenté comme une des plus anciennes vidéos de motion, entre guillemets. Je crois que la personne avait carrément dessiné sur…

Gweno : Sur la pellicule ?

Arnaud : Sur la pellicule oui ! C’était lié à du son et c’était assez fou en fait.

Gweno : Oui oui, ça date des années 30 ou 40, c’était fait sur la pellicule directement. Et ça a plutôt bien vieilli.

Arnaud : Ça me fait écho à ça. Je me souviens que c’est un truc qui m’avait pas mal impressionné. Dans le sens où au final ça fait des années qu’il y a cette idée de mettre en même temps le son et l’image, de créer un rythme pour créer vraiment quelque chose d’impactant.

Gweno : C’est une vidéo connue, qui est souvent citée dans les prémices du motion design.

Arnaud : Ces dernières années on a vu que les vidéos très très courtes, les background animés, les micro interactions ont vraiment pris une place importante dans l’expérience que l’on peut avoir de nos interfaces.

On remarque que c’est même souvent un marqueur de qualité, d’innovation. Sur Awwwards aujourd’hui, tu n’as pas un site qui n’a pas d’animation, ou alors c’est très très rare, ou alors c’est du brutalisme.

Comment est-ce tu expliquerais cette appétence du motion, de l’animation ? Est-ce que tu y vois des limites ?

Gweno : C’est beaucoup tourné autour de l’émotion, je pense. C’est ce que l’on disait tout à l’heure. Une image animée va générer à mon sens beaucoup plus d’émotions qu’une image fixe. Donc en partant de cette base-là, ça en dit long.

Je crois qu’il y a encore beaucoup de choses à faire en animation et que ça va encore beaucoup se développer, surtout sur le web, je suis convaincu de ça. On vit quand même une époque assez fascinante parce que justement, ça évolue dans plein de sens. Il y a notamment TikTok et Instagram qui amènent d’autres utilisations, etc. Il y a les réseaux sociaux mais aussi les sites internet qui font évoluer cette partie là, donc c’est vraiment intéressant. Et puis on parlait des micro interactions, c’est une techno qui est super récente si on regarde la timeline d’Internet, entre guillemets.

On vit une époque assez fascinante pour le motion design parce que la pratique évolue dans plein de sens.

Concernant les limites, je ne me suis posé la question que récemment. Jusqu’à maintenant, je faisais de la vidéo par passion, donc quand tu es dans la passion, tu es un peu le nez dans le guidon et tu ne te poses pas trop de questions, tu ne prends pas trop de distance. Mais c’est effectivement TikTok et toute la partie Reel d’Instagram, de Facebook, etc. qui m’ont posé cette question là.

C’est à dire que quand tu vas sur ces applications là, ce sont des vidéos qui se lancent tout de suite, ce ne sont pas juste des images qui vont se télécharger, c’est carrément des vidéos. Et quand tu vois le nombre de data que ça peut utiliser, c’est assez effarant. Je pense que les data centers dans le monde doivent chauffer un peu avec ces applications là.

Je pense que dans le contexte actuel de consommation de data versus l’éco-conception, l’animation vectorielle représente certainement l’avenir. C’est une méthode d’animation hyper intéressante.

Je me suis aussi fait la réflexion parce que chez moi, je n’ai pas la fibre. Je suis à la campagne et j’ai une connexion 4G avec data limitée. C’est là que tu te rends compte de la consommation de data que tu as chaque mois. Quand on a la fibre, on ne fait pas gaffe ça, on consomme, on consomme, on consomme, c’est illimité.

Mais quand tu es à la campagne et que tu as des data limitées, tu commences à faire attention à ce genre de choses. Tu commences à faire attention à ne pas regarder tout le temps du streaming, pas tout le temps à regarder des vidéos. Parce que, mine de rien, en data, ça pompe pas mal quoi. Donc, c’est quelque chose sur lequel je suis un peu plus sensibilisé désormais et auquel je fais un peu attention.

C’est pour ça que les animations vectorielles, j’y crois beaucoup. Parce qu’en termes de poids, c’est hyper intéressant. C’est quelques kilobits, alors qu’un GIF animé, par exemple, c’était facilement 2 mégabits pour le même résultat. Et encore non, un résultat qui est dégradé, c’est même pas parfait. Alors qu’une animation SVG, c’est du vectoriel donc on va pouvoir l’agrandir comme on veut, etc. Je pense que c’est l’avenir, c’est hyper intéressant.

Arnaud : Ça fait justement partie des recommandations en éco-conception, de privilégier des illustrations vectorielles, SVG.

Gweno : Oui, les technos d’aujourd’hui permettent ça, alors autant en profiter.

Alizée : Si on part sur un tout autre sujet, on a pu voir que depuis 2021, tu travailles avec Adobe sur la mise en avant des fonctionnalités d’Adobe XD, leur application de design UX.

Est-ce que tu peux nous partager cette incroyable expérience ? Comment sont-ils tombés sur toi ?

Gweno : Déjà désormais, je dis Adobe (NdR : entendre « Abobi »), parce qu’ils disent Adobe chez eux. C’est vrai qu’en France, on dit Adobe (NdR : entendre « Abeaubeu ») et du coup, ça tombe un peu ! C’est pour la petite histoire, je trouve ça marrant à chaque fois (rires).

Alizée : (Rires).

Gweno : C’est marrant Adobe parce que ça vient d’un collègue de musique en fait, un collègue de musique bretonne. Alors l’histoire est un peu un peu dingue mais je jouais dans un Bagad (NdR : Ensemble musical inspiré du pipe band écossais, interprétant des airs issus du répertoire traditionnel breton) à Quimperlé et un de mes collègues de batterie avait fait des études de design à Rennes, notamment. L’école doit être à 1 km de vos bureaux !

Il est parti ensuite à Londres, à Sydney, etc. et maintenant il est à New York, dans la team UX d’Adobe. Il était à Behance avant et maintenant, il est chez XD.

Et ils avaient besoin d’un profil motion, mais très lié au branding. C’est-à-dire qui puisse développer une charte graphique à partir d’éléments. Ils ont plein d’éléments graphiques, si je vous montrais le fichier XD qu’ils ont… je suis obligé de dezoomer en 5% pour voir la totalité des boards ! La charte est très complète.

L’origine de ma collaboration avec Adobe XD est un peu dingue parce qu’elle vient d’un collègue de musique bretonne, d’un collègue de Bagad en fait.

Quand je suis arrivé dans le projet, j’ai dû ingérer beaucoup de choses graphiques, histoire de bien rester dans les clous. Et c’est un profil comme ça qu’ils recherchaient. Quelqu’un qui a l’habitude de se servir d’une charte graphique, de les décliner aussi, de les développer, créer d’autres éléments, mais qui conviennent avec le reste, et puis après de le mettre en animation.

Et du coup, c’est comme ça que je suis rentré. C’est un peu un travail d’équipe, j’ai l’impression de faire partie de l’équipe maintenant, c’est assez marrant. Du coup, je travaille beaucoup avec mon collègue à New York et puis avec un autre collègue qui est à Hambourg, donc en Allemagne. Avec les fuseaux horaires c’est assez marrant parce que je travaille le matin avec l’Allemand et l’après midi avec mon collègue à New York. Donc il voit ce que l’on a fait le matin, etc. Ça travaille un peu en décalé quoi. C’est très multinational comme job.

Alizée : OK ! Et du coup, Adobe te demande plusieurs petites saynètes c’est ça, pour expliquer les nouvelles fonctionnalités ?

Gweno : Voilà, à chaque fois qu’il y a une nouvelle fonctionnalité sur le logiciel, il y a une vidéo de faite quasiment.

Alizée : D’accord.

Gweno : Souvent ils m’envoient les versions beta pour que je découvre la fonctionnalité, que je comprenne bien ce que c’est, ce que ça implique. Par exemple, la dernière fonctionnalité qu’on a mis en avant, c’était le fait que directement dans XD maintenant, on peut mettre des fichiers Lottie et des fichiers vidéo. Tu peux les mettre directement dans ta maquette.

J’ai l’impression de faire partie de l’équipe Adobe XD à présent. Je travaille beaucoup avec mes collègues à New York et Hambourg.

Ce qui est bien, c’est que moi en tant que motion designer, ça me parle parce que les fichiers Lottie j’en ai, des fichiers vidéo aussi, évidemment. Du coup, ça me parle bien. C’est un projet qui me convient assez bien.

Et du coup, vu que j’ai aussi fait aussi du design d’interface, je connais aussi les logiciels d’interface. Avant j’utilisais pas mal Sketch donc je connais suffisamment ces logiciels là, je n’ai pas fait que du After Effect toute ma vie quoi.

Arnaud : OK. Tu le disais un petit peu en introduction, en parallèle du motion design, tu es directeur artistique, tu réalises aussi du branding, des univers graphiques vraiment complets.

Comment est-ce que ta pratique du motion a fait évoluer ta pratique de designer graphique ?

Gweno : Je sais que la pratique du motion, notamment le motion vectoriel, m’a fait beaucoup progresser dans le vectoriel. De manière générale, tout ce qui est courbes de Béziers, je connais par cœur maintenant (rires), la position des courbes de Béziers, etc.

Le motion design m’a fait faire un bon de géant sur illustrator. Tout ce qui est courbes de Béziers, je connais par cœur maintenant !

Et After Effects m’a aussi fait beaucoup progresser dans la typographie. Aujourd’hui quand tu achètes une typographie, tu vas avoir acheté une famille complète de typo. Donc tu vas avoir la regular, la medium, la bold, la extra bold, etc. Mais en fait les typographes, ce sont de petits malins ! Ils vont juste faire la regular, ils vont faire la black et puis après entre les deux, c’est de l’interpolation.

Ils vont calculer automatiquement – par exemple si l’on prend la lettre T – ça va être un T regular et un T black, ils vont calculer automatiquement toutes les graisses entre. Et bien le motion, c’est un peu pareil en fait. Quand tu vas faire une animation, entre un T un peu fin et un T black, ça va te faire une interpolation entre toutes les formes qui existent. Donc en fait ça m’a créé des passerelles comme ça que je n’avais pas envisagées.

After Effects m’a beaucoup fait progresser dans la compréhension de la création typographique, à travers le concept d’interpolation.

Mais du coup, notamment la typo, c’est le d’interpolation de forme. Entre une forme regular et une forme black ou une forme light et une forme regular. Et After Effects, c’est de l’interpolation aussi. Tu prends une forme A qui va vers une forme B, un rond qui va devenir un triangle, c’est un peu le même principe en typo aujourd’hui.

Donc en fait faut pas te dire qu’un typographe va faire toutes les graisses une par une, c’est un gros bluff (rires).

Alizée : On fait la graisse 0 et la graisse 5 – par exemple – et derrière tout va être généré, interpolé ?

Gweno : Ouais c’est ça. En général il prend les deux extrêmes et il prend celle du milieu. C’est-à-dire qu’il va faire l’extra light, la regular et la black. Et en général, la médium, la extrabold, ce genre de choses, c’est généré.

Ça doit fonctionner, c’est de l’interpolation. Si tu as exactement le même nombre de points entre un T regular et un T black, ça va fonctionner. Il va déplacer les points en gros à chaque fois entre chaque graisse.

Les typographes en général prennent les deux graisses extrêmes et celle du milieu puis génèrent le reste par interpolations. Ce sont de petits malins !

Et c’est marrant parce que After Effects, ce n’est que de l’animation par interpolation, on appelle ça comme ça. On ne fait que ça, ça automatise l’animation. Tu mets un carré à l’instant zéro et tu lui dit d’aller à l’instant une seconde à tel endroit, et bien ça s’appelle de l’interpolation. Ça calcule automatiquement, tu ne le fais pas image par image, donc ce n’est que de l’animation par interpolations.

Alizée : Ce que peut faire Figma aujourd’hui avec le prototypage.

Gweno : C’est ça oui.

Arnaud : C’est ce que l’on appelle l’auto animate. Je crois que c’est la même technologie sur XD. Je ne connais pas bien, mais il me semble que c’est à peu près la même chose.

Gweno : Ça existe aussi sur XD oui.

Arnaud : Ça me rappelle beaucoup ça, et ça me rappelle aussi beaucoup Flash à l’époque (rires) !

Gweno : (Rires).

Arnaud : Donc tu as appris le motion vraiment sur le tas, par ta curiosité et les formations que tu as faites par toi-même.

Est-ce que tu te souviens d’un déclic en particulier qui t’a fait un jour devenir vraiment meilleur dans ton métier ?

Gweno : Alors, j’ai une pratique du motion qui est venue par intérêt, entre guillemets, c’est-à-dire que j’étais dans une agence web où il y avait des demandes de motion. Je savais faire un peu de motion, on m’a dit « bon ben tu vas faire du motion » (rires), c’est un peu la vie d’agence. On a une demande, « On peut la faire ? On ne peut pas la faire ? » on peut la faire, on y va quoi.

En conférence, le motion designer JR Canest m’avait complètement soufflé. C’est le genre de moment dont tu te souviens toute ta vie.

J’ai commencé à faire du motion comme ça. Mais j’avais une frustration, parce que du motion, il faut quasiment être à 100% dessus pour vraiment s’améliorer, pour vraiment progresser. Si tu fais que 20 à 25% de ton temps à faire du motion, tu vivote un peu, tu ne progresse pas tant que ça, quoi. Et c’est un peu l’impression que j’avais.

Quand je suis devenu indépendant, je me suis dit « Il faut que je passe un cap ». J’ai fait une formation – alors j’en ai fait plusieurs, mais j’en ai fait notamment une – que j’ai trouvé vraiment bien, qui est faite par Jorge R. Canedo E. alias JR Canest, qui est un jeune designer de Vancouver qui a créé la boite Ordinary Folk. C’est une agence de motion, c’est le top 10 mondial, le gratin.

JR Canest, je l’avais déjà vu en conférence à Paris, il m’avait un peu soufflé quoi. C’est le genre de conférence dont tu te souviens, il a fait un truc qui t’a marqué et tu t’en souviens toute ta vie.

Et quand j’ai vu qu’il faisait une formation, j’ai un peu sauté dessus et c’est vrai que ça a totalement revisité mon process. Ça m’a fait faire la paix avec les storyboard parce que je n’aimais pas ça et que je n’avais souvent pas envie d’en faire. Alors que c’est indispensable. Mais quand t’es pas à l’aise, quand tu ne sais pas trop comment faire, tu n’en fais pas toujours. Et ça m’a aussi fait faire des animatiques.

Ça m’a fait complètement réviser mon process. C’était vraiment une formation… C’était un tournant, vraiment un gap. J’ai vu le avant/après quoi.

JR Canest m’a complètement fait revoir mon process de travail. Avant j’étais juste bon sur After Effect, maintenant grâce à sa formation, je fais du motion design.

Ensuite j’ai fait d’autres formations parce qu’aujourd’hui on a de la chance. Autant à une époque on n’avait que des sites avec des tutos YouTube, c’était un peu limité, autant aujourd’hui on a des vraies formations en ligne. Je pense à School of Motion, des formations sur 9 ou 12 semaines, qui coûtent un peu mais qui, mine de rien, sont très bien faites. Je vois la nouvelle génération, ils ont quand même la chance d’avoir accès à ça pour se former, quoi.

Et du coup, j’ai aussi révisé. Je ne faisais pas de motion design avant. Avant, j’étais bon sur After Effect (rires). Après, j’ai fait du motion design. J’ai vraiment fait la conception de ton spot.

Et puis avoir les douze principes de l’animation bien en tête parce qu’ils sont super importants. Ceux-là je ne les connaissais pas. Les 12 principes de l’animation qui viennent de Walt Disney, ça m’était complètement inconnu, personne ne m’en avait jamais parlé, je n’en savais rien. Moi, ce que j’avais appris, c’était de faire des interpolations sur After Effect quoi (rires). Je n’avais jamais fait le lien avec Walt Disney.

J’ai découvert les douze principes de l’animation des neufs sages de Walt Disney et je les garde à présent bien en tête parce qu’ils sont très importants.

Alors qu’il y en a un. Il y en a un et tu te rends compte que Walt Disney et les neufs sages, ils ont tout inventé quoi. Ils ont inventé tous les principes de l’animation qui sont toujours utilisés aujourd’hui.

Arnaud : J’ai l’impression que ça t’as aidé à déconstruire des choses que tu savais faire mais que tu avais besoin de pousser un peu plus ?

Gweno : J’avais besoin de les poser sur la table et de me demander pourquoi je les faisais. Et j’avais besoin de déconstruire le process général pour mieux comprendre les étapes. Et puis, pour être plus sûr de moi aussi, face au client. Comme je le disais tout à l’heure, maintenant je fais valider chaque étape parce que je trouve que c’est important quoi.

Arnaud : Et d’ailleurs, il y a une phase en particulier dans ton process que tu préfères ou pas ? Ou ça change en fonction des projets ?

Gweno : Oui, ça change vraiment en fonction des projets.

Arnaud : OK, d’accord. Peut-être quand tu as plus d’animation ? Ou qu’il y a vraiment un challenge en termes de design, d’illustration ?

Gweno : La partie que je préfère c’est quand même la partie créa. Pour moi, le plus dur du taf est fait quand l’animatique sort, pour résumer. C’est-à-dire que pour moi, le plus dur du boulot est fait parce qu’en fait, toutes les décisions de design sont prises. On a choisi la musique, on a choisi la voix off, on a écrit le script, le scénario est bouclé. Tu sais que ton spot va durer 34 secondes. Tu sais quasiment le timing final de spot, toutes les illustrations sont validées, les poses des personnages, etc. Le plus dur est fait.

La partie du process de conception que je préfère aujourd’hui, c’est la créa. Je prend rarement un projet sans cette étape.

Aujourd’hui, c’est vrai que les projets où il n’y a que de l’animation, par exemple, je ne les prends pas. Parce qu’en fait tout le boulot en amont que j’aime bien faire; je ne le fais pas, donc ça m’intéresse un peu moins. Donc oui, c’est quand même toute la partie en amont qui m’intéresse.

Alizée : Quand tu parles de ces projets où il n’y a que de l’animation, c’est-à-dire que tu peux avoir des clients qui arrivent avec une illustration, par exemple, et qui te demandent de l’animer d’une certaine manière ?

Gweno : Exactement. Ou alors avec des planches animées. Carrément le storyboard final du spot. Et en faites moi je leur dis que je ne suis pas animateur quoi, je suis motion designer. Dans motion designer il y a design (rires). On conçoit et on design le spot. C’est un peu de pédagogie à faire et c’est pas toujours compris mais il y en a d’autres qui comprennent très bien.

Arnaud : J’imagine que ça peut faire aussi peur de se battre avec des calques d’un storyboard que tu n’as pas fait ?

Gweno : Tu ne sais pas sur quoi tu vas tomber, si ça ne bosse pas pareil que toi.

Alors, il y a des exceptions. Il y a des cas où par exemple pour bosser avec un illustrateur spécifique, je vais lui dire « Ouais go, ça m’intéresse, je vais bosser avec vous sur ce projet là ». Parce que la partie en amont est aussi la plus dure, donc des fois quand tu n’arrives qu’en phase d’animation, c’est un peu de l’exécution mais c’est facile entre guillemets.

Je ne m’interdis pas de dire “Go, ça m’intéresse” à un illustrateur spécifique avec qui j’ai envie de travailler.

Toutes les décisions de conception ont été prises et du coup, des fois sur certains projets, ça fait aussi du bien d’alterner avec des projets que d’animation. Mais c’est quand même assez rare, c’est vraiment pas une habitude. Mais ça arrive.

Arnaud : Je me permets juste de poser une dernière petite question liée au motion.

Est-ce que ça t’arrive d’avoir, lors de ta créa, une bonne idée mais d’être face à un mur technique ? Est-ce que du coup tu fais une sorte de rough de ton côté pour vérifier que c’est bien faisable ? Ou alors tu préfères déléguer ?

Gweno : Non, parce que je pense que c’est un peu le défaut de tout faire, c’est que je vais connaître mes limites en termes d’animation. Donc automatiquement, je vais faire des choses qui sont dans mon spectre. Par exemple, je ne vend que de l’animation 2D, c’est ma spécialité.

Je crois qu’il faut savoir dire « Ce n’est pas ce genre de motion que je fais, il vaudrait mieux voir avec quelqu’un d’autre ».

Et même en illustration, c’est ce que je sais faire, c’est ce style là que je vends, c’est cette compétence là que je vends. En amont, si dès la phase de brief, on se rend compte que c’est de la 3D qu’il faut, je renvoie vers quelqu’un d’autre parce que ce n’est pas ma came. Il faut savoir dire « Ce n’est pas ce que je fais, il faudrait mieux voir avec quelqu’un d’autre ».

Arnaud : Tu te sens plus à l’aise quand tu maîtrises à 100% les intentions que tu as posées ?

Gweno : Oui oui. Quand tu fais la phase de conception, tu penses toujours à la phase d’animation, à te dire « Est-ce que je vais réussir à le faire ? » (rires). Donc tu ne te mets pas de bâtons dans les roues. Et inversement, quand tu reçois des storyboard d’autres illustrateurs, des fois il y a des cadeaux empoisonnés, des trucs ou tu te demandes entre la scène A et la scène B, comment tu vas faire.

Le gars, il savait que ce n’était pas lui qui animerait, automatiquement il a fait moins attention pour faire les transitions. Mais du coup, c’est l’animateur qui doit se débrouiller à trouver une transition.

D’ailleurs, dans les grosses boîtes, tu te rends compte que c’est souvent comme ça que ça se passe. Il va y avoir des personnes pour la partie artistique, l’illustration, qui vont envoyer leurs planches et puis après il va y avoir les animateurs qui se creusent la tête parce des fois, il y a certaines transitions qui ne sont pas évidentes.

Arnaud : Encore une fois pour faire un parallèle avec le design UI, ça fait beaucoup penser au couple designer/Front-end (rires).

Alizée : Exactement.

Gweno : Clairement, c’est le même délire.

Alizée : Sur ton site, tu as une partie que tu appelles Side, qui présente tes projets personnels.

Est-ce que tu peux nous expliquer quelle place ils occupent dans tes apprentissages et dans ton quotidien ?

Gweno : Oui, d’ailleurs c’est une page qui n’est pas à jour… (rires), que j’agrémente de temps en temps, en gros tous les 10 sides. Alors à une époque, c’était quelque chose de très charté pour moi, je m’étais posé une demi journée par semaine pour faire des sides. C’est encore un peu le cas, souvent c’est le mercredi après-midi, comme en ce moment.

Les sides, mes projets personnels, sont un peu devenus un fourre-tout pour concrétiser des collaborations et apprendre plus de choses sur nos métiers.

Et puis, depuis que je suis à Monoro, c’est un peu différent parce que des fois, on se met à faire des sides toute une journée, c’est très variable. Avant j’étais un peu tout seul dans ces sides-là, aujourd’hui on est un peu en équipe à faire des sides. Il n’y a plus trop de règles, c’est assez libre.

Alizée : Finalement c’est un peu ta R&D ? Ou est-ce que vous avez une thématique et vous y allez pendant plusieurs semaines ?

Gweno : Oui, des fois c’est ça. Des fois c’est un thème qu’on a par ailleurs. Par exemple on a fait un mur peint à Rennes avec le collectif. Il a fallu faire l’illustration. Il a fallu faire le lettrage, tout ça je considère que ce sont des sides à chaque fois. Il y a une partie illustration, il y a une partie typo, etc. À côté de ça, on fait aussi des sessions pour faire de la typographie pendant une journée avec des collègues, du coup ça c’est un peu du side aussi.

Le side est un peu devenu un fourre-tout de pleins d’opportunités pour faire des collaborations et pour apprendre plus de choses sur notre métier. En gros c’est ça.

Alizée : C’est une place de jeu ?

Gweno : Oui, c’est ça. C’est un bac à sable très libre. On a envie de tester un truc, on y va. Ce que j’essaye de faire, ce sont des sides qui sont courts.

Pour mes projets personnels, je préfère en réaliser beaucoup et avoir un résultat très vite plutôt que de traîner un énorme projet qui fera « pshit » à la fin.

Parce que par le passé, j’ai mis la barre un peu haute pour certains sides un peu trop ambitieux et du coup tu as vite fait de t’épuiser.

Alizée : C’est démotivant, trop long quoi.

Gweno : Oui, c’est ça. Mieux vaut avoir un résultat très vite, très rapidement et en faire plein plutôt qu’un énorme qu’on va mettre deux ans à faire. Au bout de deux ans, on va le dévoiler et en fait ça va faire « pshit » tu vois. Il vaut mieux en faire plein et peut-être des fois des trucs qui ont duré l’après midi, mais au moins, tu as progressé dans quelque chose.

Alizée : En plus de tout ça, ces dernières années, la création de moments, de lieux de travail et de rencontres ont fait partie de ton quotidien. 

Forcément, j’ai une petite pensée pour l’afterwork des Demi Pixels auquel j’ai participé à ses débuts, il y a le coworking Happy Hours à Rennes, mais on peut aussi parler aujourd’hui de l’atelier Monoro et de Nos Voisins Monoro à Quimperlé.

Comment tu expliques cette envie et comment ça a impacté ton travail ?

Gweno : À chaque fois, ce sont des choses qui ont été co-créées, ce sont des collaborations…

Alizée : En fonction du feeling, des rencontres ?

Gweno : Oui, c’est en fonction des rencontres de ce moment-là et des besoins de ce moment-là. Par exemple, la création des Demi Pixels, c’est parce que j’étais en agence à ce moment-là et on trouvait qu’il y avait pleins de talents dans les autres agences, mais on ne se connaissait pas au final. Les agences étaient assez cloisonnées. On se connaissait dans l’agence, mais les autres agences, on ne les connaissait pas…

Chaque initiatives que j’ai co-créé ont chaque fois été liées à un besoin.

Alizée : Via les réseaux sociaux, via Twitter ?

Gweno : Oui, mais dans la vraie vie, ça ne se connaissait pas trop. Et c’est vrai que les Demi Pixels, ça a permis de créer des ponts avec d’autres agences, pour voir un peu les pratiques, pour ne serait-ce que se connaître humainement. Et ça a créé des ponts sympas.

Et puis clairement, à partir de ces relations-là, ça a créé un tout petit réseau et ça a permis de créer Happy Hours, un bureau partagé. Mais à chaque fois, c’est lié à un besoin.

Happy Hours a été créé parce qu’il y avait le besoin d’avoir des bureaux ensemble et qu’il y avait un besoin d’avoir des bureaux en tant que freelance pour ne pas être seul chez soi. C’est assez basique. Mais par exemple je déteste travailler tout seul  chez moi, c’est quelque chose que je n’aime pas du tout. J’ai besoin d’être entouré, même si des fois je râle parce qu’il y a trop de bruit, j’ai quand même besoin d’avoir du monde, des idées, un peu d’effervescence quoi.

Happy Hours ça existe toujours d’ailleurs, c’est toujours place du Parlement à Rennes. Il y a une autre équipe qui a pris le relais. À chaque fois on a fait ça sous forme d’association, pour pouvoir transmettre le flambeau à un moment, quand il y en a besoin. Et c’est ce qu’il s’est passé du coup, c’est une autre équipe. Il n’y a quasiment plus grand monde de l’équipe d’origine d’ailleurs, c’est marrant. Ça a perduré sans qu’on soit là, c’est cool.

Alizée : Oui c’est cool.

Gweno : Monoro, c’est venu différemment. C’est venu d’un autre besoin. J’ai déménagé dans la région de Quimperlé, je suis dans le Finistère maintenant et dans le Finistère, tu ne crées pas un truc comme Happy Hours, tu n’as pas de quoi avoir vingt freelances dans un endroit, ce n’est pas possible, les besoins ne sont pas les mêmes.

Monoro, ça part d’une rencontre sur Instagram avec Morgane Côme et du constat que s’il y a bien des freelances autour de Quimperlé, ils travaillent tous de chez eux.

Du coup, j’avais plutôt envie de faire quelque chose d’artistique, quelque chose de l’ordre de l’atelier.

J’ai rencontré ma collègue Morgane Côme sur Instagram, on a connecté comme ça d’abord. Elle m’a invité à son atelier à Pont-Scorff et puis de là, on s’est dit « ce serait quand même pas mal que l’on soit dans les mêmes locaux ». Et puis, de fil en aiguille, on a monté ce truc là et du coup, on s’est implanté à Quimperlé.

Aujourd’hui, on a une petite maisonnette de Quimperlé qui fait 80 mètres carrés sur trois niveaux et où il y a un atelier de peinture en lettres, il y a toute une salle de réunion, de projection et puis un studio graphique tout en haut.

Alizée : C’est chouette…

Gweno : Et de là est né un autre besoin, celui de connecter avec d’autres freelances dans ce coin là. Parce qu’à Rennes, les autres freelances, on peut les rencontrer facilement mais on s’est rendu compte qu’à Quimperlé, s’il y avait des freelances partout, ils étaient tous chez eux, un peu dans la campagne.

On s’est dit « On a la chance d’avoir un lieu, autant en faire profiter les autres ! On va faire des projections tous les deux, trois mois, et puis après on fait un petit apéro ensemble ». Ça, ça a permis de connecter pas mal les gens dans le coin et mine de rien, ça a fait faire des belles rencontres de gens qui sont habituellement tout seul dans leur bureau à faire leur vie de freelance. Ça a connecté pas mal, c’est bien.

Avec les commerçants de Quimperlé, Monoro est à l’initiative d’un festival, le Enez Fest qui se tiendra en avril avec un mélange d’activités nautiques et graphiques.

Et ça m’amène à la cinquième initiative, c’est que l’on va créer un festival bientôt à Quimperlé, vu qu’on est en plein centre. Ça s’appellera Enez Fest – c’est la fête de l’île en breton. À Quimperlé il y a une sorte d’île, vu qu’il y a trois rivières, ça fait une sorte d’île en plein centre. Et on va créer la fête de l’île avec notamment de l’aqua jump, des sports nautiques, du paddle, etc. Il y aura de la peinture sur toile de bateaux aussi, des tas de choses, des projections et des concerts, etc. Donc on fait une première édition cette année. On espère que ça va être cool. C’est le 16 et 17 avril.

Alizée : C’est génial.

Arnaud : Grave.

Gweno : Et donc Monoro sera un peu le QG parce qu’on est en plein sur l’île, en plein milieu. Ce sera un peu le QG du festival en avril. Ce sera rigolo.

Alizée : On ne t’arrête plus (rires).

Gweno : (Rires).

Arnaud : Je crois qu’on arrive à notre dernière question, un petit peu traditionnelle. Tu as beaucoup parlé du fait que c’est important pour toi de créer des univers complets.

Est-ce qu’il y a quelque chose qui t’a inspiré dernièrement ?

Gweno : Alors, j’ai réfléchi à plusieurs. La première, c’est ce qu’il se passe dans l’animation. Le monde de l’animation aujourd’hui, je trouve qu’il est vraiment intéressant. Je pense à des films comme Luca, par exemple, de Pixar, qui m’a beaucoup plu. Parce que j’aime bien l’Italie, j’aime bien Pixar et que dedans il y a des pépites niveau graphisme. Ils ont fait des posters, ils ont fait des packaging de fausses pâtes, etc. ils se sont vraiment amusés. Et ce film là, je l’ai regardé cinq, six fois et à chaque fois, je redécouvre des nouvelles choses. Et même niveau colorimétrie, c’est un film qui est vachement bien fait.

Je trouve que ce qu’il se passe dans le monde de l’animation aujourd’hui est très intéressant. Spiderman New Generation, Luca, Klaus, ces films ont vraiment remué cette industrie.

Mais d’un point de vue plus général, ce qui se passe en animation aujourd’hui. Je pense à ce film là, je pense à Klaus qui est sur Netflix, un film sur Noël qui pareil niveau technique est incroyable, je pense à Les Mitchell contre les machines, je pense à Spiderman New Generation qui apportent des nouveautés en terme d’animation, qui sont en train de vraiment remuer tout ce petit monde là. Je trouve qu’on vit vraiment une période intéressante.

Et je pense qu’il va vraiment y avoir de belles choses qui vont arriver, le prochain Spiderman notamment. Mais mon coup de cœur, c’est principalement Luca quand même, de l’année dernière. Il y a Soul aussi qui dans le genre est vachement bien.

Et puis je pensais à autre chose en termes d’inspiration, j’ai beaucoup parcouru le site de Koto. C’est une agence que j’aime beaucoup et qui, en termes de branding, est hyper complète. Ça fait vraiment des identités qui sont, c’est pas à 360°, tu as l’impression que c’est à 36000° quoi ! Ils ont pensé à tout et je trouve que c’est super inspirant. Ils ont fait plein de marques connues qui sont vraiment inspirantes.

L’agence KOTO ne fait pas d’identité visuelle à 360° mais plutôt à 36000°! C’est une de mes grosses inspirations en ce moment.

Je conseille d’aller fouiller un peu parce qu’ils ont des case study qui sont très, très détaillées. C’est un client qui m’avait envoyé une inspiration de ça, je connaissais l’agence, mais je ne m’étais pas autant plongé dans leur boulot et leur site. Il y a de quoi y passer de longues heures. C’est une de mes grosses inspirations du moment.

Et troisièmement, il y a tout ce qui se passe autour de la typo en ce moment. Je fais beaucoup de typo à côté, en projets perso et notamment le site Future Fonts, que les gens ne connaissent pas toujours d’ailleurs en termes de typo. Parce qu’il y a les grosses artillerie lourdes en termes de typo que sont My Fonts ou Adobe Fonts mais Future Fonts c’est un site indépendant qui fait la promotion de typo qui ne sont pas encore terminées, qui sont en cours de finition.

C’est intéressant de sortir des grosses fonderies ou distributeurs de font pour trouver des typos plus originales. Le site Future Fonts est une mine d’or pour ça.

Je sais qu’en agence web au tout début on était obligé d’utiliser les typo système, c’était un peu frustrant et petit à petit, ces typos là sont arrivées et aujourd’hui, il y a une multitude de choix possibles. Du coup, c’est hyper intéressant. Et notamment le site Future Fonts qui est une mine d’or de typos un peu décalées, des fois peut-être trop originales pour des projets Web, mais si on arrive à les sortir au bon moment, ça peut vraiment faire mouche. C’est une belle inspiration.

Arnaud : Ok c’est intéressant, je ne connaissais pas.

Alizée : Non, mais je pense que je vais aller voir tout ça. Notamment Luca, le fait de le revisionner et de faire attention aux petits détails, ça peut être intéressant.

Gweno : Luca, ils ont un Art Book incroyable. Justement où il y a tous ces petits détails qu’ils ont peint, qu’ils ont faits. Il y avait des graphistes qui étaient dédiés à ce film là pour faire que des éléments graphiques et que des faux packagings, que des faux posters de films, etc. C’est vraiment à aller fouiller, à aller regarder oui.

Arnaud : OK. Et bien, merci Gweno de ton temps, on est super contents d’ouvrir peu à peu Salut les Designers à d’autres métiers du design comme le motion. C’était super intéressant et je suis sûr que ça a donné plein d’envies et d’idées aux designers qui nous écoutent.

Nous, on se retrouve le mois prochain pour une nouvelle capsule design ! En attendant, n’oubliez pas que vous pouvez toujours vous abonner à la newsletter du podcast sur le site salutlesdesigners.lunaweb.fr pour retrouver l’ensemble des ressources de nos épisodes, les tips et les conseils de nos invités.

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Alizée : Bye !

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