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"Il n’y a jamais eu autant de possibilités de créer de bonnes expériences utilisateurs"  

Interview – Avant 2011, l’expérience utilisateur n’était pas un terme très répandu, même au sein des agences web, rappelle Nicolas Le Cam, dirigeant de LunaWeb. Précurseur dans le domaine, il livre son son point de vue sur l’UX web et son évolution depuis qu’il a fondé l’Agence en 2004.

Publié le 16 juin 2021 par Guirec Gombert

Tous les jours, nous vivons des expériences utilisateurs : au restaurant, au cinéma, lors d’un spectacle, en utilisant un nouveau service, etc. L’expérience utilisateur est aussi un domaine d’activité et une façon de s’adresser aux consommateurs : l’UX design.

Comme toutes choses, elle a changé dans le temps et changera encore, souligne Nicolas Le Cam, fondateur et dirigeant de LunaWeb.

Nicolas Le Cam, dirigeant de l'Agence LunaWeb

Quelle est ta définition de l’expérience utilisateur ?

Je dirais que c’est une expérience personnelle et mémorielle. C’est ce que chacun vit et expérimente en manipulant un outil, un logiciel ou lors d’une nouvelle rencontre. La saveur de cet événement est liée à un contexte. Par exemple, en compagnie de ses amis, il est fréquent d’avoir l’impression de partager un excellent vin. Et, à l’inverse, de trouver ce même vin fade lors d’un moment moins festif.

L’expérience est toujours liée aux conditions passées. Une somme de petits détails vont faire que le soir en retrouvant votre chéri(e) au restaurant, vous trouverez les plats plus ou moins bons.

> Pour ceux qui ne comprennent rien à l’expérience utilisateur, retrouvez notre lexique de l’UX pour les nuls

Comment es-tu venu à t’intéresser à l’expérience utilisateur ?

De par mes études de langues et civilisation européenne, où je me suis notamment intéressé aux notions d’interculturalité – par exemple pourquoi il est possible de dire le mot fraise de deux manières différentes dans les pays hispanophones en fonction de ses premiers habitants – et ensuite par mon intérêt pour les nouvelles technologies.

Plus tard, j’ai mêlé ces deux passions en faisant un DESS Médiations des savoirs et multilinguisme, formant à la création et à l’utilisation d’outils multimédias dans l’enseignement des langues étrangères. A l’époque on parlait d’ergonomie et comment réaliser un site manipulable pour des cibles précises. Voilà, j’avais déjà en tête de rendre les choses plus accessibles.

Et puis, de fil en aiguille, j’ai amélioré mon niveau de technicité, l’Agence est née et a grossi, embarquant de nouvelles compétences à son bord : UX researchers, développeurs, UX writer, etc. Mais notre ambition a toujours été de concevoir des expériences web en plaçant l’humain au cœur de nos projets.

> Ici, on revient sur la genèse de Luna, l’occasion de se souvenir des sites faits « à l’ancienne »

Précisément, entre 2003, date de lancement de Luna, et aujourd’hui, la notion d’UX a-t-elle évolué ?

En France, le terme d’expérience utilisateur appliqué à la création de sites Internet est arrivé seulement vers 2011. Le web s’y est intéressé tard car on était davantage dans la technique, à créer des logos ou des faux assistants en 3D qui prennent une éternité à charger et ralentissent le site. Heureusement, cette époque est révolue…

Pour répondre à ta question, désormais, on va droit au but pour simplifier l’expérience utilisateur. Un des grands principes de l’UX c’est d’ailleurs de ne faire que ce qui est utile à celui-ci.

Et cela n’a pas tué la créativité ?

Non, au contraire même. Seulement, la créativité est mise au service des utilisateurs. Il s’agit de faciliter le parcours utilisateur, de créer une expérience encore plus immersive pour accompagner le client ou de développer du contenu qui lui sera utile…

Les moteurs de recherche ont aussi imposé certaines règles en termes de création de sites…

C’est vrai, mais les utilisateurs sont tellement revenus des sites conçus uniquement pour le référencement que Google a changé, il y a peu, les règles du jeu en plaçant très haut dans la notation l’expérience utilisateur. Un site avec un fort taux d’abandon va dégringoler au profit des plus vertueux.

C’est une bonne chose : cela oblige à faire mieux et à apporter une véritable plus-value.

Récemment tu as ressenti l’effet whaou devant un site ?

Jamais je n’ai été autant impressionné que lors de l’arrivée des géants de l’ubérisation : Airbnb, Uber, Deliveroo… Clairement, ces plateformes m’ont bluffé. Elles sont venues avec une proposition de valeur et une interface très claires.

Avant, prendre le taxi était réservé à certains. Maintenant, que l’on soit en France ou à l’étranger, c’est un acte simple et tu sais précisément combien cette action va te coûter. Cela a résolu tous les freins à l’achat.

Évidemment, il y a des dérives – notamment fiscales – mais d’une certaine façon cela a assaini le marché : dorénavant l’application G7 propose un service similaire, pour le plus grand confort des utilisateurs.

Est-ce que d’un point de vue expérientiel, cela n’a pas appauvri les choses ? Par exemple, le stop ne se pratique quasiment plus depuis Blablacar…

Est-ce Blablacar qui a tué le stop ou la méfiance accrue des gens à prendre des auto-stoppeurs ? Et d’un point de vue sociétal, il me paraît bon de faciliter les déplacements à moindre frais, tout en permettant des rencontres sympas, voire de diminuer le bilan carbone en remplissant les voitures.

En parlant d’environnement, comment réduire l’impact lié au numérique ?

Dans notre partie, il est évident que nous pouvons agir sur le bilan carbone des sites Internet. L’éco-conception web – c’est-à-dire, pour simplifier, de réduire le poids des sites – a un rôle à jouer dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Idéalement, il faudrait que cela touche les sites les plus fréquentés. Ainsi, si un service de VOD comme Netflix était éco-conçu, on baisserait bien plus l’empreinte carbone sur le web qu’en réalisant des petits sites éco-conçus…

> Interview – L’éco-conception peut-elle limiter l’impact environnemental d’Internet ?

Comment imagines-tu le futur de l’UX design ?

J’ai le sentiment qu’il n’y a jamais eu autant de possibilités de créer de bonnes expériences utilisateurs. Et avec l’amélioration des technos, l’UX ira probablement vers encore plus de personnalisation. Il y aura des enceintes spéciales mélomanes, des enceintes pensées pour ceux qui cuisinent le soir chez eux, etc.

Par exemple, dans le monde de la voix connectées, on peut imaginer une spécialisation croissante des produits et services jusqu’à pouvoir bénéficier d’une très forte “naturalité” du dispositif via l’usage du langage naturel.

Dans tous les cas, pour nous professionnels, il faudra aller vers encore plus de technicité, car le niveau augmente, et être encore plus à l’écoute des usages, car le niveau d’exigence progresse lui aussi.

> Et si vous voulez tout savoir sur Nicolas, ses passions pour le chocolat et les cravates, c’est par là ! 

Rédigé par

Guirec Gombert
UX Writer (ne travaille plus chez LunaWeb)