Aller au contenu principal

Capsule Design #3 - Rassurer avec la preuve sociale

Capsule Design #3 - Rassurer avec la preuve sociale

Les champs de la psychologie sociale sont vastes et intimement liés au travail de design UX. Partez avec Alizée et Damien à la découverte de l’un de ses concepts phares, la preuve sociale.

Publié le 25 mai 2022

Bonjour à tous et à toutes et bienvenue dans ce nouvel épisode de Salut les Designers, le podcast de l’Agence LunaWeb !

Dans cette 3ème capsule, Alizée et Damien explorent l’intérêt de comprendre les notions de psychologie sociale en tant que designer UX à travers le concept de la « Preuve sociale » et ses applications.

Bonne écoute à tous et à toutes,

Les Designers de l’Agence LunaWeb.

La transcription

Damien : Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans ce nouvel épisode de Salut les Designers, le podcast de l’agence LunaWeb ! Aujourd’hui, avec notre format court intitulé « Capsule Design », nous allons à la découverte de différentes thématiques du design en compagnie d’un membre de l’équipe de l’agence.

Et pour ce troisième épisode de la série, je suis ravi de recevoir Alizée Rault, UX et UI designer à l’agence. Salut Alizée, comment vas-tu ?

Alizée : Salut Damien, ça va bien, je suis également ravie de me prêter au jeu de la capsule. Assez intimidée, je l’avoue, mais ravie !

Damien : Est-ce que tu peux te présenter et nous expliquer ce que tu fais à l’agence en quelques mots ?

Alizée : Alors, comme tu l’as mentionné, je suis designer UX et UI depuis maintenant plusieurs années, dont bientôt quatre dans la chouette équipe de LunaWeb.

Notre objectif principal en tant que designer, notre but, ça va être de comprendre les utilisateurs pour qui on conçoit le service numérique grâce aux UX researchers notamment, et répondre à leurs besoins initiaux, leurs besoins primaires sur l’interface pour que l’on puisse créer une expérience qui soit la plus réussie possible.

Damien : Et aujourd’hui, tu avais envie de nous parler d’un sujet qui t’anime, celui de la psychologie, et plus précisément celui de la preuve sociale.

Est ce que tu peux nous en dire un peu plus ? Pourquoi et comment es-tu tombé dedans alors que ça ne faisait pas partie de ton bagage initial ?

Alizée : Alors oui, déjà, je tiens à préciser à tous ceux et celles qui nous écoutent ou vont nous écouter que je ne suis pas psychologue. Je n’ai pas de formation diplômante dans ce domaine.

Mais comme tout bon designer aujourd’hui, on a tous des sujets de prédilection qui vont nous intéresser et vont graviter autour de la thématique de l’UX design. Pour moi, la psychologie en fait grandement partie. Le fait d’analyser le comportement des utilisateurs, de les comprendre et de savoir qu’il y a des principes finalement qui expliquent, qui régissent nos comportements, qui vont les influencer ou même les guider, je trouve que c’est passionnant.

En tant que Designer UX, je considère que la psychologie fait pleinement partie du métier. Le fait de comprendre qu’il y a des principes qui expliquent et qui régissent nos comportements, c’est passionnant.

Et sans rentrer dans les détails, cette dimension, cette curiosité là s’est accentuée de mon côté en devenant maman. Parce que j’avais à cœur, à ce moment-là, de comprendre et notamment de savoir accompagner mon enfant dans son développement, dans sa compréhension du monde, dans sa capacité à gérer ses émotions.

C’est aussi là que j’ai appris beaucoup de choses et que ça m’a ouvert les yeux sur le comportement de l’Humain et sur les choses que l’on fait sans vraiment en avoir conscience.

Damien : Cette thématique de la psychologie est finalement assez vaste, est-ce qu’en quelques mots, tu peux nous expliquer ce que c’est ?

Alizée : Alors je pense qu’un psychologue serait plus à même de répondre à cette question que moi, mais pour la faire courte, la psychologie est une science qui permet de comprendre la structure, le fonctionnement de l’activité mentale et ses comportements.

Il y a une grande diversité de branches d’application de la psychologie, c’est un domaine qui est très vaste et on fait le rapprochement quand même avec notre métier.

Connaître les bases de la psychologie, c’est important pour prendre les bonnes décisions sur une interface et guider l’utilisateur au mieux dans la tâche qu’il a à accomplir. 

On se rend compte que la frontière est très fine sur certains sujets, que c’est intimement lié puisque notre métier nous invite à raisonner en tenant compte le plus possible des pensées et des comportements Humains. Et cela pour prendre les bonnes décisions sur une interface, guider l’utilisateur au mieux dans la tâche qui a à accomplir.

On peut citer par exemple le Paradoxe du choix, la Loi de Fitts, la Loi de Jakob, la Douleur du paiement ou encore la Fluidité de traitement. Il y en a beaucoup, on ne peut pas tous les expliquer aujourd’hui. Mais en tout cas, il y a beaucoup de lois qui régissent notre métier.

Damien : Tu parles de branche d’application de la psychologie, c’est quoi exactement ? Tu as un exemple à nous donner ?

Alizée : Alors je sais pas si ça on peut dire le terme « branche », mais en tout cas moi c’est comme ça que ça me parle. Je ne les connais pas toutes car il y a tellement de « branches » ! Il y a la psychologie du sport, la psychologie de la santé, la scolarité, la psychologie de l’enfant, la psychologie clinique. Du coup, moi je m’intéresse actuellement à la psychologie sociale.

Étudier comment les Humains sont liés les uns aux autres et à la société dans laquelle ils vivent, c’est ce qu’on appelle la psychologie sociale.

C’est l’exemple qui me parle le plus car c’est le fait notamment d’étudier comment les Humains sont liés les uns aux autres et à la société dans laquelle ils vivent. Parce que nous, en tant qu’être humain, on va avoir un comportement, des pensées, des cognitions, des émotions qui vont être influencées par nos interactions avec les autres et nos connaissances transmises par la société.

Damien : Ah oui, il y a aussi eu une expérimentation qui a été faite ou des enfants enroulent un fil de pêche ou quelque chose comme ça ?

Alizée : Oui, il y a l’exemple d’une expérimentation menée par Norman Triplett, qui était un psychologue américain en 1897, il y a plus d’un siècle. En fait, il avait demandé à des enfants de rouler un fil de pêche autour d’un moulinet et ils devaient effectuer cette tâche le plus rapidement possible.

Certains enfants étaient seuls pour effectuer la tâche quand d’autres étaient en situation de confrontation avec un ou plusieurs autres enfants. On s’est rendu compte que les enfants qui étaient en situation de compétition étaient du coup bien plus performants. C’est ce qui donne un petit peu aujourd’hui cette idée de compétition = dépassement de soi.

L’idée est de pouvoir creuser ces thématiques psychologiques pour mieux guider les utilisateurices et les rendre plus performant.e.s dans leurs objectifs à atteindre sur l’interface.

Donc l’idée, c’est de pouvoir creuser ce sujet pour analyser et voir comment on pourrait parfois guider ou être guidés pour être plus performant et atteindre des objectifs intéressants. On a des actions, des émotions, des pensées différentes, on l’a dit mais, mais nos comportements sont plutôt bien encadrés, notamment par des phénomènes collectifs et individuels comme ceux-là.

Et le but, c’est d’encourager à l’adoption. Lorsqu’on est en groupe, la façon de penser ou d’agir des individus se façonnent et on rentre un peu dans une sorte de conformité, avec des guillemets, qui nous rassure et qui nous aide parfois à faire des choix.

Damien : C’est un peu difficile de pas s’imaginer que ça peut être une technique de manipulation, d’influence, non ?

Alizée : Manipulation, je trouve que le terme est un petit peu pessimiste parce que finalement on n’oblige personne, il n’y a pas de contrainte, tout le monde reste libre de ses choix.

Une technique d’influence, oui. C’est également une des composantes de la psychologie sociale, qu’on peut appeler l’influence sociale ou preuve sociale même. Elle explique qu’un individu ne sachant pas quoi faire ou quoi penser va avoir tendance à adopter le comportement, le point de vue des autres personnes, et cela, consciemment ou non.

La preuve sociale est un bon biais à connaître, car elle explique pourquoi nous nous conformons à des réactions de groupe dans certaines situations.

En fait, une grande partie des décisions, des comportements qu’on peut avoir dans notre vie ont souvent été influencés par la preuve sociale et c’est un des biais cognitifs les plus puissants qui existent.

Damien : Ok ! Est-ce que tu as des exemples de ce mécanisme là ?

Alizée : Il y a plusieurs exemples oui, encore des expérimentations qui ont été menées sur le sujet. On peut reprendre une des plus connues, qui va sûrement parler à tous.

Par exemple Damien, si je te dis que demain, en vacances, tu cherches un restaurant dans une rue que tu ne connais pas ou peu. Il y a dans cette rue deux restaurants, un qui paraît assez vieux, ancien, et l’autre qui est très moderne. Celui qui paraît vieux possède une file d’attente de plusieurs personnes, tandis que l’autre semble désert, voire vide. Vers quel restaurant tu penses te diriger ?

Damien : A priori celui ou il y a du monde (rire).

Alizée : Voilà. Bon là, je biaise un peu forcément avec ma question, mais en gros, la plupart des individus suivent le comportement des autres et auront tendance à se retrouver plus facilement là ou il y a du monde. Parce qu’on va se dire tout de suite que ce restaurant là, il doit être délicieux.

C’est pour cela que même quand on se balade dans d’autres pays, il peut y avoir même des rabatteurs, des gens qui vont être là devant les restaurants, parce que les restaurants sont vides et ils vont pousser le client à rentrer dans le restaurant. Et une fois que tu es rentré, ils vont te positionner à un endroit ou les potentiels clients qui passent dans la rue vont te voir, pour que ça leur donne aussi envie de rentrer dans le restaurant.

Il y a aussi cette réplique d’un sketch de Jamel Debouze qui dit « Mais pourquoi tu cours ? Parce que TU cours ! » et on peut penser au fait de se retrouver dans ce type de situation d’imitation de comportement dans la rue, par exemple au moment ou l’on va voir une personne regarder vers le ciel.

On va voir une personne regarder vers le ciel, on ne va pas y prêter attention. Deux personnes regarder vers le ciel ? On ne va pas non plus y prêter attention. Mais au bout de cinq, on se rend compte qu’il y a 80% des gens qui vont aussi imiter ce comportement et vont regarder vers le ciel.

La preuve sociale nous permet de savoir rapidement quel comportement adopter, notamment dans des situations d’incertitude.

Par exemple quand un grand nombre de personnes adoptent tous un comportement dans une situation particulière, notre cerveau va se dire que c’est souvent la meilleure chose à faire.

Il y a une vidéo que je vous invite à regarder sur YouTube qui est assez intéressante, qui concerne le conformisme dans une salle d’attente. Il y a une dizaine d’acteurices dans une salle d’attente et une vraie personne qui s’y rend pour un rendez-vous. Dans cette salle d’attente, il y a un bip sonore et en fait, à chaque bip sonore, les acteurices se lèvent de leurs chaises et s’assoient.

Une fois, deux fois, trois fois, la personne qui vient pour un vrai rendez-vous regarde, essaie de comprendre, d’analyser la chose. Et puis, au bout de la quatrième fois, la personne adopte également ce comportement sans rien dire, parce qu’elle se dit qu’il y a quelque chose qui doit être fait en ce sens. Donc elle suit un petit peu les autres et au fur et à mesure que les acteurs partent en rendez-vous, il y a d’autres vrais personnes qui arrivent dans la salle d’attente et qui se retrouvent dans cette même situation.

Dans cette expérience, on découvre qu’une personne peut être très vite influencée par le comportement d’un groupe, même si elle ne le comprend pas, et peut même aller jusqu’à transmettre ce comportement à d’autres personnes.

Vient ensuite le moment où il n’y a plus aucun acteur dans la salle. Et pourtant, toujours à chaque bip sonore, les individus vont continuer à se lever. Le comportement était clairement adopté.

Il y a quelque chose que je faisais aussi quand j’étais plus jeune, notamment pour des petits boulots d’été ou l’on faisait des paquets cadeaux et en gros, on avait notre petite cagnotte. Et les gens pouvaient placer dans cette cagnotte là un petit pourboire pour avoir fait leur paquet cadeau.

Avec mon amie, à ce moment-là, on enlevait toutes les petites pièces de 10 et 5 centimes pour ne laisser que les 1, 2 euros voir les billets de 5 €. En fait, en faisant ça, on s’était aperçu qu’on gagnait beaucoup plus d’argent parce que les gens suivaient ce qu’il y avait dans la cagnotte et venaient placer non pas 50 centimes mais bien une pièce de 1 euros pour avoir également ce même comportement.

Damien : C’est malin ! Et comment est-ce que tu fais le lien avec le métier du design ?

Est-ce que tu as des exemples sur le fait de guider l’utilisateur grâce à la preuve sociale sur Internet ?

Alizée : Le principe de preuve sociale se base sur la confiance envers les autres. En fait, comme le souligne Robert Cialdini, psychologue social américain, la croyance d’une majorité de personnes est plus forte qu’une personne isolée, c’est un principe de persuasion.

On l’a vu dans notre quotidien, on peut trouver des exemples assez rapidement de ce principe et sur le web, c’est pareil. Il faut pousser l’émotion pour nous faire prendre une décision.

Par exemple, on peut afficher des témoignages clients, ça apporte de la valeur et du concret. Attention par contre, aujourd’hui c’est un peu utilisé à tort et ça peut jouer à l’inverse sur notre confiance. Quand on ne sait pas si ce sont de vrais utilisateurs ou non. Donc il ne faut pas hésiter à mettre un visuel, un nom, celui de l’entreprise, etc. C’est également idéal lorsqu’il y a un lien ou un logotype, par exemple avec des avis Google. On prouve cette fois-ci avec la notoriété de Google que ce sont des témoignages qui sont vrais.

En design UX, on peut utiliser la preuve sociale pour afficher par exemple les commentaires d’autres utilisateurs, et ainsi renforcer les retours positifs sur une marque ou un service.

C’est le même principe que par exemple des blocs qu’on intitulent « ils ont parlé de nous » et ou l’on fait une ribambelle de logos associés qui viennent prouver notre connaissance, notre compétence dans un domaine.

Ça va aussi jouer beaucoup sur le nombre. Par exemple, si l’on cherche un produit sur un site d’e commerce, on va déjà dans un premier temps se fier à la notation. Donc on va regarder les petites étoiles, comme quand on choisit un Airbnb quelque part. Et puis, par exemple, si demain on nous présente deux produits à peu près notés pareil, notre choix ira la plupart du temps vers le produit qui aura le plus de commentaires. Si sur un site d’e commerce, je vois un produit qui est très bien noté mais qui n’a que deux commentaires et qu’à l’inverse je vois un autre produit qui est assez similaire, très bien noté mais avec plus de 1000 commentaires, Mon choix va se porter vers celui qui a plus de 1000 commentaires.

La preuve sociale par le nombre est aussi très utile en UX Writing pour proposer des textes qui valorise une adhésion massive.

Et cet exemple, si je reprends celui du nombre, ça peut aussi se jouer sur le contenu d’un site avec tout ce que l’on fait aujourd’hui en UX writing, qui est très important pour inspirer confiance. Par exemple, avec des accroches comme « Faites comme plus de 4 millions de sociétaires, assurez-vous« , ça indique qu’il y a du monde derrière et que c’est prouvé.

Damien : OK, merci pour ces exemples un peu plus concrets par rapport à notre travail au quotidien. Quelques mots pour conclure ce sujet ?

Alizée : Je dirais qu’en tant que designer, c’est intéressant de comprendre les sciences humaines et que bien utiliser la preuve sociale va permettre par exemple d’augmenter la crédibilité, d’inspirer confiance. Et ça va ainsi augmenter les ventes quelque part parce que ça encourage à l’adoption et ça valorise le service.

En tant que designer, il est très intéressant d’avoir de l’intérêt pour les sciences sociales, mais attention à ne pas en faire un mauvais usage, au risque de produire l’effet inverse attendu.

Il faut juste faire attention à ne pas faire l’effet inverse inverse, c’est à dire avoir peu de partage, peu de commentaires qui ne donnent pas envie aux utilisateurs, on se rappelle du resto vide dont on a parlé un petit peu plus plus tôt. On évite aussi également de les assommer d’informations qui les fera fuir à l’avance. On peut penser aussi aux rabatteurs qui vont avoir parfois un effet un peu trop intrusif et qui vont plutôt nous faire fuir. Il faut faire attention aussi à ces deux composantes là.

Damien : Merci beaucoup pour cet éclairage sur l’apport de la psychologie dans notre travail de designer !

Alizée : Merci à toi Damien.

Damien : On comprend mieux comment on peut concevoir une interface en tenant compte de ce qui se passe dans nos cerveaux et ça donne envie d’être un peu plus attentif dans notre quotidien à toutes ces petites expériences de guidage qui sont souvent presque invisibles finalement, si on n’y prête pas attention. 

Encore merci Alizée, on se revoit bientôt pour un nouvel épisode !

Alizée : À bientôt !

Damien : Vous pouvez d’ores et déjà retrouver ce format la Capsule Design tous les deux mois, en compagnie d’une personne de l’agence. Retrouvez également nos épisodes en format long avec des invité.e.s expert.e.s de leur sujets.

Le mois prochain, ce sera au tour de Rémi Guyot, VP Product Design chez Blablacar et surtout co-auteur du livre Discovery Discipline, de venir nous retrouver.

N’hésitez pas à vous abonner à la newsletter du podcast pour retrouver l’ensemble des ressources de nos épisodes, les tips et conseils de nos invité.e.s, c’est sur le site web que tout ça, se passe, à très bientôt !

Découvrez tous les mois un nouvel épisode de Salut les Designers consacré au design et à ses méthodes. UI, UX, motion, accessibilité, éco-conception, recherche, nous échangeons avec des professionnel·le·s passionné·e·s au grès de nos rencontres pour mieux comprendre leurs méthodes de conception centrée utilisateur.

Un retour, une question ? Contactez-nous sur salutlesdesigners@lunaweb.fr ou sur Linkedin.