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5 idées reçues sur le conversationnel

Et si demain, seule la parole nous permettait d’utiliser un service (digital ou non) ?

Publié le 09 avril 2024 par Bérengère Godefroy

Photo issue de https://www.phonandroid.com/google-home-plus-besoin-repeter-ok-google-interagir-assistant.html

Rassurez-vous, nous n’y sommes pas encore (et il y a peu de chances qu’on y soit dans un format 100 % exclusif), mais c’est en tout cas une direction possible proposée par le conversationnel. Mais alors, qu’est-ce que le conversationnel et comment en tirer profit ? Nous tenterons de vous apporter des clés en parcourant les différents préjugés sur la thématique.

Préjugé numéro 1 : “Le conversationnel, c’est des chatbots.”

Alors non, le conversationnel ce n’est pas simplement des chatbots. C’est un domaine pluridisciplinaire vaste, qui regroupe plusieurs expertises (UX research, linguistique, UX writing, UI design, design conversationnel, data science, ingénierie NLU – Natural Language Understanding, data engineering, développement d’API – Application Programming Interface, etc.) vers un objectif commun : favoriser et faciliter l’interaction entre l’humain et la machine par la conversation.

Et là, vous pouvez vous dire : mais ça fait déjà un moment qu’on essaye de faciliter l’interaction entre l’humain et la machine (IHM), alors c’est quoi la différence avec le conversationnel ?

Le conversationnel est un mode d’interaction avec une machine basé sur la conversation par l’intermédiaire d’un assistant conversationnel. C’est-à-dire que l’utilisateur va utiliser la conversation avec cet assistant pour naviguer dans l’interface et atteindre ses objectifs.

L’interface conversationnelle peut être mise en parallèle avec l’interface graphique (considérée comme “interface classique”), où le mode d’interaction avec l’interface se fera  alors grâce aux éléments graphiques (comme par exemple des boutons). On notera qu’ici, nous n’opposons pas les deux types d’interfaces, car ces dernières peuvent cohabiter ensemble et être complémentaires.

Ainsi, l’interface conversationnelle peut se matérialiser sous forme de chatbots automatisés, mais ne s’y limite pas et peut revêtir plusieurs autres formats : un chat en direct avec des humains, un système de répondeur guidé ou bien encore une interface de commande vocale, et bien d’autres formats qui ne cessent de se développer aujourd’hui.

Ci-dessus, deux exemples d’interfaces conversationnelles, ChatGPT et Google Home.

Mais maintenant, on peut se demander : d’où cette discipline tire-t-elle ses origines et quel est son avenir ?

Préjugé numéro 2 : “Le conversationnel, c’est encore une nouvelle tendance, ça va passer.”

Alors, il est difficile de prévoir l’avenir, mais nous pouvons l’anticiper grâce à certains indicateurs et à quelques tendances que nous observons dans l’écosystème actuel.

Déjà, il faut savoir que le conversationnel n’est pas nouveau et qu’il ne sort pas de nulle part. Maaike Coppens nous explique dans son livre, que le conversationnel est issu du fruit d’un certain nombre de découvertes et d’inventions, que ce soit dans les technologies de transmission de message (télégraphe au XIXe siècle) ou de reproduction du son de la voix humaine (phonographe au XIXe siècle), ou encore dans les technologies facilitant l’interaction conversationnelle entre l’humain et la machine (dès le XXe siècle).

Phonographe Edison, photo issue de https://www.amismuseehoche.fr/collection-sciences-physiques/materiel-acoustique/phonographe-edison1/phonographe-edison1-1.JPG

De cette dernière catégorie, l’auteure en retrace l’historique : des premiers tests au XXe siècle (les “Imitation Game” de Turing en 1937, le logiciel Eliza dans les années 1960 par Joseph Weizenbaum au MIT, le modèle A.L.I.C.E en 1995 par Richard Wallace), à son développement plus massif grâce aux GAFAM (Siri lancé en 2010 par Apple, Alexa lancé en 2014 par Amazon, Cortana en 2014 par Microsoft, Messenger Bots en 2016 par Facebook Messenger, Google Assistant en 2016 par Google, Ouibot en 2018 par la SNCF, etc.). Le conversationnel n’est pas une nouvelle tendance et est bien ancré dans un historique de découvertes et d’inventions.

Logiciel Eliza, image issue de https://www.researchgate.net/figure/Example-of-ELIZA-ELIZA-a-chatbot-was-designed-by-Joseph-Weizenbaum-to-imitate-a_fig1_348306833

Comme on peut le voir au travers de cet historique, le conversationnel s’est installé petit à petit jusqu’à prendre de plus en plus d’ampleur et d’importance ces dernières années. Une tendance qui n’est pas étonnante, nous sommes de plus en plus entourés de digital et d’objets connectés. Par exemple, l’étude Research and Markets par Mordor Intelligence, prévoyait déjà en 2021 un taux de croissance du marché mondial des chatbots de presque 35 % par an (de 17,17 milliards de dollars en 2021 à 102,29 milliards de dollars en 2026). Il y a donc fort à parier que cette tendance ne cesse de croître dans les années à venir. On observe donc, qu’en plus de ne pas être nouveau ni sorti de nulle part, le conversationnel ne cesse de prendre de l’ampleur et des parts de marché sur les dernières années.

Mais alors, à quoi est dû ce développement massif ?

Préjugé numéro 3 : “Le conversationnel, c’est réservé aux start-ups, ça n’a pas d’intérêt pour nous.”

Alors, c’est faux. Aujourd’hui, la majorité des entreprises vendant des produits ou des services possède un service clientèle. Parmi eux, de plus en plus sont digitalisés pour être également présents en ligne, évolution d’ailleurs fortement plébiscitée par les clients. Dans son rapport “Focus sur le service client”, Salesforce indique que 57 % des clients préfèrent interagir avec une entreprise via des canaux digitaux et que 59 % préfèrent les outils en libre-service pour la résolution de problèmes simples.

Image issue de https://www.webotit.ai/blog/chatbot-de-service-client-utiliser-un-bot-dans-votre-relation-client

En partant du principe qu’aujourd’hui, la plus grande application du conversationnel pour les entreprises se situe dans le service client, il s’avère donc indéniable que le conversationnel ait un impact au-delà des entreprises complètement digitalisées.

Et les avantages sont nombreux, peu importe le secteur d’activité de l’entreprise :

  • une expérience utilisateur plus naturelle, engageante et personnalisée,
  • une meilleure satisfaction et engagement client,
  • une meilleure accessibilité à l’information de manière globale et pour les personnes en situation de handicap,
  • une assistance instantanée,
  • une réduction de la charge de travail sans valeur ajoutée, pour se concentrer sur les tâches à plus forte valeur ajoutée,
  • une meilleure efficacité opérationnelle,
  • une source de données illimitée (à condition de l’utiliser de manière éthique !).

Au-delà de l’utilisation du conversationnel dans les services clients, il semble certain que de multiples autres applications vont se développer pour continuer d’installer la conversation entre les entreprises et leurs clients au travers des moyens digitaux.

Mais alors, quel sera le rôle de l’interlocuteur humain dans cette nouvelle relation entre l’entreprise et ses clients ?

Préjugé numéro 4 : “Le conversationnel va remplacer les humains dans la relation qu’on entretient avec une entreprise.”

Alors, dans l’idée le conversationnel ne doit pas entraîner le remplacement des humains par des robots, ni détruire des emplois. Il faut voir cette technologie comme un moyen qui, combiné à l’expertise humaine, permet de décupler le champ d’action et donc de proposer une expérience utilisateur encore plus réussie.

Image issue de https://www.1e.com/blogs/infographic-what-your-it-teams-and-employees-really-think-of-chatbots/

Prenons l’exemple d’un chatbot dans un service client, ce dernier va permettre de réduire la charge de travail sans valeur ajoutée des conseillers humains pour leur permettre de se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée. Un rapport du MIT Technology Review de 2018 évoquait déjà que 90 % des entreprises interrogées indiquaient observer des améliorations significatives dans la rapidité de résolution des demandes au service client grâce aux chatbots. Et une autre étude de Salesforce de 2019, indiquait que 64 % des agents d’un service client qui utilise un chatbot IA peuvent passer la plupart de leur temps à résoudre des cas complexes.

Il peut s’avérer dans la pratique, que certaines entreprises fassent des mauvais choix, impliquant notamment le remplacement total de leurs employés par des bots par exemple. L’humain joue un rôle crucial et ne doit jamais être 100 % remplacé. La technologie doit être vue comme un moyen de décupler notre champ d’action, nos savoir-faire, et non pas comme un moyen de tout faire à notre place.

Mais alors, quel est l’impact des mauvaises stratégies des entreprises sur le conversationnel ? Il y a-t-il d’autres éléments qui peuvent freiner le développement de cette discipline ?

Préjugé numéro 5 : “Le conversationnel prétend avoir réponse à tout, mais au final, il ne comprend rien.”

Alors, c’est vrai et c’est faux. Il existe aujourd’hui plusieurs limitations qui peuvent bloquer le développement du conversationnel au sein des entreprises et donc favoriser la frustration en donnant l’impression que le conversationnel n’est ni performant ni la solution adaptée à un problème donné.

Image issue de https://www.conferencecalling.com/blog/conversational-marketing

La première est une limitation liée à un manque de stratégie et/ou de connaissance de la part de l’entreprise utilisant le conversationnel. Par exemple, si l’entreprise ne définit pas le cas d’usage précis pour lequel le conversationnel va être mis en place, ou si elle entraîne mal l’interface conversationnelle à fournir des réponses appropriées, il se peut alors que l’utilisateur ait l’impression d’une interface qui ne “comprend rien”. Effectivement, l’interface conversationnelle peut avoir réponse à tout, à condition qu’elle ait été bien pensée, entraînée ou programmée initialement et qu’elle continue à l’être tout au long de son fonctionnement pour parer aux cas d’usages imprévus. Autrement dit, si l’interface conversationnelle “ne comprend rien” ou n’a pas “réponse à tout”, c’est en partie de la faute de l’entreprise.

La seconde limitation est technologique. L’interface conversationnelle imite une conversation avec un humain, mais elle ne le remplace pas, et pour le moment les technologies sont encore limitées pour se calquer aux conversations humaines et donc avoir plus facilement des réponses pertinentes. Par exemple, si l’utilisateur utilise le second degré auprès de l’interface conversationnelle, cette dernière ne sera pas capable de l’interpréter, et la réponse sera probablement inappropriée.

Pour illustrer ces propos, on peut reprendre une donnée de l’étude Zendesk sur les tendances de l’expérience client 2022, qui indique que 60 % des répondants déclarent ne pas obtenir de réponses précises avec un chatbot. Ce point illustre bien que l’on a encore du chemin à parcourir pour tendre vers des interfaces conversationnelles performantes.

Il existe également d’autres limitations, comme celle liée à la notion d’apprentissage de l’interface : si l’interface conversationnelle “ne comprend rien”, c’est peut-être lié à la manière dont les demandes vont lui être formulées et donc à l’apprentissage nécessaire à l’utilisateur pour l’utiliser efficacement.

Il est donc important de prendre en compte que le conversationnel est une technologie qui se met en place et qui va s’améliorer de plus en plus, dont le temps d’apprentissage pour les utilisateurs va se réduire avec l’habitude d’utilisation, mais qui dans tous les cas nécessitera toujours une réelle stratégie du côté des entreprises.

Il est également important de noter que le conversationnel n’est pas toujours la solution, certaines situations se prêtent plus à son usage que d’autres (Par exemple : pour renseigner sur une information, plutôt que pour traiter des situations d’urgence vitale), et que dans tous les cas, il ne doit pas être la seule solution (Par exemple : laisser la possibilité d’avoir accès à un interlocuteur humain dans un chatbot de relation client).

Alors, c’est quoi la conclusion dans tout ça ?

Allons-nous tous finir par naviguer sur le web par la voix ?

Alors, comme nous l’avions déjà “spoilé” en introduction, il n’est pas d’actualité que le conversationnel devienne le seul moyen d’interagir avec une machine (mais qui sait ce que l’avenir nous réserve ?), mais il est fort possible que ce mode devienne de plus en plus utilisé et habituel dans les années qui arrivent.

Rappelons-le, le conversationnel est un mode d’interaction avec une interface basé sur la conversation par l’intermédiaire d’un assistant conversationnel. Loin d’être seulement une tendance, il est le fruit d’un certain nombre de découvertes et d’inventions depuis le XIXe siècle, et ne cesse de prendre de l’ampleur depuis ces dernières années.

Alors, tout comme l’interface graphique, l’interface conversationnelle s’imposera probablement comme l’un des modes d’interaction, dans certains cas d’usages précis. Les formats sous lesquels il se peut se matérialiser sont par exemple les chatbots automatisés ou les interfaces de commande vocale. Mais il y a fort à parier que ces formats et applications vont se diversifier de plus en plus pour continuer d’ouvrir la conversation entre les humains et les machines.

Et vous, allez-vous prendre le train en marche ou allez-vous rester sur le quai ? Beaucoup d’entreprises l’ont déjà adopté pour les nombreux avantages qu’il promet : meilleure expérience utilisateur & satisfaction client, meilleure accessibilité à l’information, assistance instantanée, réduction de la charge de travail sans valeur ajoutée, meilleure efficacité opérationnelle. Et les applications possibles sont nombreuses et encore trop peu exploitées, aujourd’hui la majorité se concentre sur l’intégration de ces interfaces dans les services clients (pour remplacer les FAQ ou les conseillers humains par exemple) uniquement.

Mais attention, c’est à double tranchant, et une mauvaise intégration du conversationnel peut présenter bien plus d’inconvénients que d’avantages. Parmi les fausses bonnes idées qu’on observe : remplacer toutes les interactions humaines par des interactions en conversationnel avec un robot, faire du conversationnel “maison” sans s’entourer d’une équipe pluridisciplinaire expérimentée sur le sujet, partir dans le conversationnel “parce que c’est la tendance” du moment sans avoir de stratégie définie ou sans prendre en compte les limitations technologiques actuelles, etc.

Alors, prêts à ouvrir différemment la conversation entre vos clients et vous ?

Rédigé par

Bérengère Godefroy
UX Researcher

Blog

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