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SLD #19 - Amélie Boucher, conférencière spécialiste UX

SLD #19 - Amélie Boucher, conférencière spécialiste UX

Figure incontournable de l’UX, Amélie Boucher nous fait l’honneur de participer à ce 19ème épisode de Salut les designers. Carrière, rédaction d’ouvrages, conférences… Amélie nous raconte comment elle est tombée dans le bain de l’UX !

Publié le 22 décembre 2021

Salut les designers rencontre Amélie Boucher

Pour le dernier épisode de l’année, Alizée et Damien ont eu la chance de recevoir l’incontournable Amélie Boucher, que vous avez certainement déjà pu croiser au détour de vos lectures puisqu’elle est l’autrice du désormais classique « Ergonomie web et UX design ».

Elle revient, avec la franchise qui la caractérise, sur son parcours, sa vision du marché de l’UX design ses dernières années, l’importance de faire des choix quand on débute sa carrière et son statut d’autrice reconnue.

Bonne écoute à tous et à toutes,

Les Designers de l’Agence LunaWeb.

La transcription

Alizée : Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans ce nouvel épisode de Salut les designers, le podcast de l’agence LunaWeb. Ici Alizée et Damien, salut Damien.

Damien : Salut Alizée !

Alizée : Nous avons la chance de recevoir aujourd’hui l’incontournable Amélie Boucher, que vous avez certainement déjà croisée au détour d’une lecture, puisqu’elle est notamment l’autrice des désormais classiques « Ergonomie web et UX design » et « Expérience utilisateur mobile » pour n’en citer que deux.

Amélie est également une conférencière reconnue. Vous l’avez peut-être vue à des événements comme Paris Web ou Blend Web Mix. Elle est aujourd’hui consultante avec sa structure ErgoLab avec qui elle va prendre prochainement un poste de VP Design chez D-Edge.

Bonjour Amélie, nous sommes ravis de pouvoir échanger avec toi aujourd’hui, comment vas-tu ?

Amélie : Bonjour à tous les deux, je vais très bien parce que je suis avec vous. Je suis très contente qu’on puisse échanger aujourd’hui.

Damien : Super merci Amélie. On avait envie de commencer en faisant un petit retour en arrière, revenir un petit peu sur tout ce que tu as pu vivre au cours de ton parcours.

L’UX design est au cœur de ta vie professionnelle depuis longtemps maintenant, bien avant sa prise de conscience globale dans le Web d’ailleurs.

Est-ce que tu peux nous expliquer pourquoi, à l’époque, tu avais choisi cette voie ?

Amélie : Est-ce que je l’ai choisie ? (rires)

Alizée : (Rires)

Amélie : En entendant ta question je me suis dit « est-ce que j’ai vraiment choisi ? » C’est difficile de dire que j’ai choisi en fait. C’est presque plutôt quelque chose qui m’est parvenu tu vois. Il se trouve que j’ai fait ça.

Damien : D’accord.

Amélie : Ce n’est pas une vocation, genre je veux être médecin, je vais sauver des vies ou même fleuriste. Je ne sais pas, je cherche tu vois des métiers à vocation, des trucs que tu choisis quand t’es petit, qui t’animent, ce n’est pas ça.

Damien : D’accord, ça a été plus une opportunité en fait ?

Amélie : Ça a été une opportunité et puis une histoire de parcours. J’ai un parcours très très classique en psychologie, orienté psychologie cognitive. C’est aussi des rencontres, une espèce de concours de circonstances. J’ai commencé la fac j’avais 17 ans, tu ne sais pas ce que tu veux faire, clairement. Et il y a une histoire aussi de choisir parmi ce qui se présente.

C’est difficile de dire que j’ai choisi l’UX. C’est plutôt quelque chose qui m’est parvenu.

Je me souviens, j’étais toute jeune, mon père m’a emmené du coup, un peu inquiet tout de même « Ah bon, tu veux faire une fac de psycho ? Et bien formidable, oui pourquoi pas » (rires). Mais j’ai des parents très ouverts, il m’a emmené à un espèce de forum des métiers, il y avait un livre, les métiers de la psychologie. Déjà, à ce moment-là, il y avait le mot ergonomie.

Mais je ne me suis pas dit à ce moment-là, « je vais être ergonome, ça va être formidable, je veux travailler dans le numérique » absolument pas.

Mes parents étaient très ouverts et lorsqu’ils m’ont emmenée à un forum des métiers, il y avait un livre, les métiers de la psychologie. Déjà à ce moment-là, il y avait le mot ergonomie.

Mais voilà, j’ai suivi un peu le cursus, le tronc commun de psycho. Petit à petit, ce qui me passionnait, c’était plutôt les cours de psycho sociale, de neuropsycho, de psycho cognitives. Je devais être la seule idiote à avoir vraiment bossé en fac de psycho. Mais voilà, je me suis vraiment plongé dans le truc, j’ai adoré ces années-là.

Et puis, petit à petit, je rencontre mon directeur de mémoire en maîtrise dans un labo à Rennes qui travaille dans les dispositifs homme-machine. Donc voilà le truc qui s’installe petit à petit.

Je me suis passionnée pour la psychologie sociale, la neuropsychologie, la psychologie cognitive.

Mais je n’ai pas choisi à un moment donné « je veux absolument faire ça et voilà ma voie ».

Damien : Ça ne semble pas avoir été un si mauvais choix, vu ton parcours ?

Amélie : Ah non, j’adore ce que je fais ! (rires) C’est une chance.

Damien : (Rires) Ça se ressent.

Comment as-tu senti évoluer le design UX – qui d’ailleurs ne s’appelait pas comme ça au début – au cours de ces quinze, vingt dernières années ?

Amélie : Je ne vais rien vous apprendre, j’ai vu ce que tout le monde a vu. Quand j’ai commencé personne ne savait vraiment ce que c’était, fallait sortir les rames, argumenter. On savait faire de l’informatique, mais très clairement, quand tu parlais aux gens de design, même d’ergonomie, ils te regardaient avec de grands yeux. Aujourd’hui, c’est un peu l’inverse, j’ai l’impression. Personne n’oserait lancer un projet sérieux dans le numérique sans designer.

Quand j’ai commencé, on savait faire de l’informatique mais quand on parlait aux gens de design ou même d’ergonomie, ils vous regardaient avec de grands yeux.

Après paradoxalement, je ne sais pas si on est dans le “mieux”. On est dans le “plus” en tout cas, c’est sûr, ce qui est déjà pas mal. C’était ce qu’on cherchait à l’époque, que tout le monde soit convaincu, qu’il n’y ait plus de questionnements, que ce soit une discipline au même titre que le développement.

C’était ce que l’on cherchait à l’époque, que tout le monde soit convaincu, qu’il n’y ait plus de questionnements, que l’UX soit une discipline.

On ne peut pas se passer d’un développeur parce que sinon on n’a pas de code, rien qui existe. On peut toujours se passer d’un designer mais aujourd’hui, je ne rencontre pas de projets où il n’y a pas eu, au moins à un moment donné, un designer. Ou quelqu’un qui ait appris cette compétence, ce qui peut être différent mais en tout cas que la compétence ait été là à un moment du projet.

Damien : Tu le disais, tu as fait une fac de psycho parce que tu t’étais intéressée à l’ergonomie. Aujourd’hui il y a davantage de formations pour devenir UX designer ou UX Researcher – peu importe comment on les appelle, il y a tellement d’appellations.

Quels conseils donnerais-tu aujourd’hui à des personnes qui voudraient se lancer dans ce cursus pour choisir le type d’école ou tout simplement pour entrer dans le domaine de l’UX ?

Amélie : Le type d’école, je ne sais pas trop. Je n’ai vraiment pas un panorama assez complet de tout ce qui existe et puis c’est vrai qu’il y en a de nouvelles qui se montent un peu tout le temps. Mais au-delà de l’école, et peut-être aussi parce que je ne pense pas avoir appris mon métier à l’école, il y a ce qu’on en fait et comment on pratique. Et c’est un des premiers conseils qu’on donne aux jeunes designers, c’est de faire des projets. Et dans se « faire » ce que je trouve important aujourd’hui, c’est qu’ils ont le choix de faire des choix, de ne pas vouloir, ils sont pas obligés de tout faire.

Le premier conseil que l’on donne à de jeunes designers, c’est de faire des projets. Ce que je trouve important dans ce « faire » c’est l’idée d’avoir le choix de faire des choix.

Ça peut passer d’ailleurs par essayer plein de choses, pour trouver sa voie « ça j’aime, ça j’aime moins, ce domaine est hyper intéressant, celui-là je ne me sens pas à l’aise ou je sens que ce n’est pas mon truc ». Ça demande d’essayer pour savoir – sinon tu es incapable de savoir. Et le fait qu’il y ait suffisamment de place aujourd’hui sur le marché pour pouvoir se spécialiser, c’est une chance incroyable. Ce n’était pas le cas quand j’ai commencé.

Et puis c’est aussi bien la discipline « est-ce que tu es plus User Research ? Conception, UI, design de service ? » que sais-je, mais aussi le domaine. Est-ce que tu es plus attiré par des services B to C, B to B ? Entre un site d’e-commerce, un service public en ligne, une solution SAAS pour des professionnels, il y a un monde, quoi.

Damien : Il y a beaucoup de choses très différentes, effectivement. Si un étudiant venait de voir et te posait des questions sur nos métiers, comment est-ce que tu lui exposerait la réalité du métier de façon très sincère ?

Amélie : Aaah, est-ce qu’il faut être sincère, je ne sais pas… (rires)

Damien : (Rires)

Amélie : Dans ta question, évidemment, on entend un peu un début de réponse et tu sais que l’on partage ce point de vue. Évidemment il y a travailler l’écart entre la promesse de ce qui peut se dire à l’école, dans les livres, sur les articles Medium – les faux trucs – et la vraie vie. Et cet écart là, on le rencontre forcément quand on commence sa carrière professionnelle. Soit on est un peu préparé parce que l’on est câblé comme ça, ou que l’on a rencontré les bonnes personnes et donc ça se fait un peu en douceur, soit on se prend un grand mur.

Il y a travailler l’écart entre la promesse de ce qui est dit dans les écoles, dans les livres, sur les articles Medium et la vraie vie.

Mais en fait c’est un truc que l’on retrouve dans la vie en général, tu vois. La différence entre ce qui est visible sur Instagram et la réalité, c’est exactement la même chose en fait. Tu lis un article Medium qui te raconte « oui alors, je suis Head of design, voilà comment j’ai organisé mon équipe et c’est trop génial et on travaille de façon collaborative et c’est des Bisounours et on est géniaux et mettez nous des like ». Je prends les paris d’aller voir ces gens là en entreprise et leur quotidien et évidemment qu’il y a un gap.

Alizée : Si tu avais l’opportunité de donner un conseil, une recommandation à un designer qui a besoin d’un nouveau souffle dans sa carrière, ça serait quoi ?

Amélie : Dans ce que tu dis « avoir besoin d’un nouveau souffle dans sa carrière » ça signe un truc. Sans grande originalité mais se poser sur ce que signifie ce besoin là, sur les racines de la chose quoi.

Si tu en vient à faire ce constat là, c’est que tu es déjà assez loin dans ta réflexion et qu’il a du coup matière à décortiquer. Pourquoi ça t’arrive ? Pourquoi à ce moment-là, pourquoi dans un tel contexte ?

Si je fais un pas en arrière, je me dis qu’en effet, dans une carrière, il y a forcément des cycles et des moments un peu différents. Mais peut-être d’oser ? Je rebondis sur ce qu’on se disait sur les jeunes designers et le conseil et la spécialisation. Je reprends cette idée qu’on a une chance incroyable d’être dans un secteur hyper porteur. On peut essayer des choses, c’est pas grave si on se plante, le marché est tellement pénurique. Et ça c’est une chance incroyable, se dire que l’on peut essayer quelques mois, se rendre compte que ça ne marche pas, tester autre chose.

L’UX est un secteur très porteur. On peut essayer des choses et se tromper, ce n’est pas grave. C’est une chance incroyable.

Et pourquoi je donne ce conseil, parce que ça veut dire aussi être dans l’action. Il y a énormément de gens qui disent « j’ai besoin d’un nouveau souffle, ça ne va pas, je m’ennuie », il y a des gens qui passent des années, voire une vie, à penser ça en fait. C’est très introspectif, ça donne souvent lieu en plus à une espèce de pas de raisonnement « c’est nul, ma vie est nulle, les autres sont nuls, mais je fais rien quoi ».

Pour se renouveler, il faut oser ce tout premier petit mouvement d’action vers quelque chose d’autre. Peut-être que ce n’est pas dans le travail, peut-être même que c’est quelque chose en dehors de la vie professionnelle.

Et donc le tout premier petit mouvement d’action vers quelque chose d’autre – et peut-être que ce n’est pas un truc dans ton travail, c’est peut-être un truc à côté, peut-être que c’est même un truc en dehors de ta vie professionnelle, complètement – et qui va peut-être te donner un nouveau souffle ou alors qui te fait mettre le pied à l’étrier pour aller vers quelque chose d’autre.

Alizée : Le but c’est de tenter, ne pas avoir peur de se tromper notamment et de tenter autre chose ?

Amélie : Oui, ça dépend de ce qu’on met derrière “se tromper”. Est-ce qu’essayer et se dire “ça ne me va pas” c’est se tromper ? Je ne suis pas sûr.

Alizée : Oui tout à fait.

Aujourd’hui tu te présente comme Head of Design (Responsable du Design), puis nous le disions prochainement VP Design (pour Verification Plan).

Est-ce que tu peux nous expliquer ce qui se cache derrière ces deux fonctions,  leurs différences ?

Amélie : Oui. Je vais parler de la fonction plus que du titre.

Parce que l’on est en France et que selon les boîtes, en France en tout cas, parfois il n’y a aucune différence entre un Head of, un Directeur du design, voire un VP design. C’est hyper variable mais normalement et dans de très grandes organisations, de très grosses boites, notamment chez les géants du numérique, ces rôles là sont très hiérarchisés. Un VP design est au-dessus d’un Directeur du design qui est au-dessus d’un Head of. Mais en France, je vois des réalités extrêmement hétérogènes.

Parfois en France il n’y a aucune différence entre un Head of, un Directeur du design ou un VP design. Chez les géants du numérique, ces rôles-là sont très hiérarchisés.

Donc, je vais peut-être plus parler de la fonction de « manager du design », quel que soit le titre qu’on donne. D’abord c’est évidemment un poste d’encadrement. Tu n’es pas Head of si tu es seul (rires). Mais pas seulement. Un patron du design doit aussi porter une voix créative et stratégique. Et c’est peut être ce qui manque aujourd’hui dans les postes comme ça en France. En tout cas, dans ce que je rencontre chez mes confrères, on attend surtout du manager qu’il gère ses équipes, tu vois. Surtout les designers sont souvent assez chiant (rires)

Alizée : (Rires)

Amélie : S’il peut y avoir quelqu’un qui les tempère, c’est pas mal. Et en fait je trouve que c’est assez représentatif de la vision du design qu’on a en France. C’est Jean-Louis Fréchin qui dit qu’on est un pays de designers et pas de design. Et en disant ça, il y a vraiment ce qu’on met derrière le design et qui est aujourd’hui encore, et ce n’est pas le cas chez nos voisins, de l’ordre de ce qui est décoratif.

Un Head of c’est évidemment un poste d’encadrement, mais il doit aussi porter une voix créative et stratégique.

Alizée : Oui tout à fait.

Amélie : Et dans le numérique on retrouve ça encore plus. Parce qu’évidemment, on est sociétalement dans un moment où l’on est beaucoup dans la quantification, dans la mesure, dans l’objectivation des choses, donc ça laisse pas beaucoup de part à la création et à toute la subjectivité qui peut l’entourer.

Ce qui me tient à cœur, c’est de dire qu’un patron du design qui n’a qu’un rôle de manager, il ne fait qu’un morceau du travail. C’est Peter Merholz  qui présente une répartition idéale de quel pourcentage de ton temps en tant que patron du design doit être consacré au management au sens large et quel autre pourcentage à la vision créative et stratégique. Je grossis le trait mais c’est à peu près 30% pour la création et 30% pour la stratégie (ce qui relève de l’executive).

Tout le monde en France surnage au-dessus de son planning et n’a absolument pas le temps de s’occuper de sujets stratégiques ou créatifs.

Et il a cette formule intéressante « c’est un signal très percutant de se rendre compte que tu n’as plus le temps de faire de la création et de la stratégie au profit du reste, parce que le reste va toujours occuper ». Quelqu’un va toujours venir toquer à ta porte. Le management de gens, c’est quelque chose que t’es obligé de faire. Parce que les gens existent, ils sont là, ils vont venir vers toi, il va y avoir de la demande. Et très vite ça peut remplir 100% de ton temps.

C’est ce que je vois très très souvent chez mes confrères en France. Tout le monde surnage au-dessus de son planning et n’a absolument pas le temps de s’occuper de sujets stratégiques ou créatifs. Ce qui est un peu paradoxal parce qu’en fait souvent on va recruter des gens qui sont excellents dans leur discipline, qui sont brillants et très rapidement en fait ils n’ont plus le temps nécessaire de faire cette activité là.

Ce qui est paradoxal c’est que l’on va recruter des Head of qui sont excellents en design mais qui, très rapidement, n’ont plus le temps d’exercer leurs expertises.

C’est le moment où il faut recruter quelqu’un qui va être Head of design ops ou directeur du design pour pouvoir prendre une partie de ces activités là.

Damien : Merci pour ces éclaircissements sur ces postes qui ne parlent pas forcément à tout le monde.

On sait également que tu fais du coaching de designer, est-ce que tu veux nous en parler ?

Amélie : Je veux bien, oui (rires) ! C’est quelque chose qui vient d’une demande en fait. Je ne me suis pas dit en me levant un matin « tiens, ce serait sympa de coacher des gens » (rires). Pire, c’est même quelque chose qui m’a longtemps dérangé. Ça va paraître très paradoxal mais je déteste, dans certaines pratiques de coaching, tout ce que je déteste dans la vie en général. Des méthodes un peu mécaniques, des trucs à cocher, rentrer les gens dans des cases, tout ce que ça peut avoir d’artificiel, on va dire.

Je me suis rendu compte au détour de missions que je commençais à rencontrer des équipes et des personnes avec les mêmes symptômes, les mêmes sources de mal-être, de malaise.

Mais il est vrai qu’avec l’évolution du domaine du design en France en particulier, l’internalisation des compétences, tout simplement le nombre de designers dans le numérique et puis évidemment le fait que avançant en âge, j’avançais aussi en expérience, je me suis rendu vite compte au détour de missions que je commençais à rencontrer des équipes et des personnes avec des symptômes qui revenaient. Toujours les mêmes, un espèce de mal-être, de malaise. Et donc c’est de là qu’est venue cette activité de coaching, en fait.

Damien : Tu évoquais tout à l’heure ces plannings dans lesquels on a un peu tendance à surnager, à utiliser plus que de raison, pour finalement consacrer plus de temps à nos tâches professionnelles qu’à d’autres choses.

Est-ce que tu t’es trouvé une sorte d’équilibre entre tes activités professionnelles et personnelles ? Une façon de mieux gérer ton temps et d’avancer dans tout ça plus sereinement ?

Amélie : Absolument pas, ne suivez pas du tout mon exemple, pitié (rires)

Alizée : (Rires)

Amélie : Plus largement, j’ai toujours eu un peu de mal avec la recherche de l’efficience à tout crin, du « toujours faire mieux » ou « plus optimisé ». Il y a ce livre hyper intéressant, c’est déjà un peu vieux, ça date de 2015 ou 2016 je crois, qui s’appelle le Syndrome du bien-être. Les auteurs sont Carl Cederström et André Spicer. J’en parle parce que ça questionne cette recherche du bien-être optimal et du coup des dérives, de ce que ça provoque chez les individus.

Du coup, même si je suis théoriquement très attaché à justement bien différencier ce qui est de l’ordre du professionnel et du personnel, je n’équilibre rien du tout (Rires). Je regarde toujours avec beaucoup d’admiration ces freelances qui ouvrent leur bureau à 9h, le referme à 18h et basta. Je suis l’inverse total de ça et ce n’est pas par volonté. J’aimerais bien faire autrement, mais j’ai un rapport très contrasté au travail. J’ai une grande force de travail, j’adore ce que je fais, mais évidemment que ça reste une aliénation.

On retrouve chez les designers ce même sentiment d’interrogation, toute la journée devant un ordinateur. « Si le monde part en sucette, comment je m’inscris là dedans ? ».

Si je gagnais demain au loto, je ne continuerais pas à faire la même activité. Je serai en activité, ça c’est sûr, mais je ne ferai pas ça.

Alizée : Et que ferais-tu ?

Amélie : Je ferais certainement – et c’est encore une histoire de tensions et de contrastes – un truc qui m’éloigne de l’ordinateur. On retrouve dans les symptômes chez les designers ce truc là quand même, de faire « clic clic » toute la journée et le pourquoi, et l’utilité, « à quoi je sers au monde ? Le monde part en sucette, comment je m’inscris là dedans ». Donc, il y a forcément un truc avec les mains, le manuel. Quand je dis aux gens que j’adore rien de plus que faire du jardinage, du bricolage ou même du ménage, ils hurlent « mais ça va pas ou quoi ? ». Mais en fait, je crois qu’il y a un rapport direct entre cette activité là – faire le ménage – et un effet visible, immédiat, de ton activité (rires).

Alizée : Complètement. 

Amélie : Genre tu passes le balai, il n’y a plus de poussières, « Oh c’est formidable », tu vois. Et c’est un truc qui n’existe pas dans nos métiers. On exerce sur un temps très long. Ça vaut pour le numérique au global mais encore plus pour un designer. On a régulièrement 6 mois d’avance sur ce qui va sortir. C’est une espèce de déconnexion un peu bizarre.

Donc voilà,  je reviendrai très certainement à des choses un peu plus manuelles.

Alizée : Manuelles, oui ok.

Damien : Ça permet d’activer la mécanique de récompense de son cerveau assez facilement, effectivement, de se lancer dans des choses un peu courtes. Ça change un peu du quotidien et on voit tout de suite ce qu’on en fait.

Amélie : Ça et puis être en action physique. Il y a quand même, en plus, un vrai rapport au corps.

Damien : Ça fait un peu d’une pierre deux coups, en plus on se bouge un peu !

Amélie : (Rires)

Damien : En octobre, tu as donné une conférence à Paris Web qui avait pour thème « Tous sur écran, quels enjeux éthiques ?« . On aimerait bien que tu nous en parle un peu.

Amélie : Oui, le sujet de l’éthique dans le numérique, c’est un thème qui s’impose depuis un bon moment maintenant. C’est marrant parce qu’il y a quelques temps ou quelques années, j’avais pu râler un peu sur ce sujet. Ma pensée était que c’était devenu presque le seul sujet un peu entendable dans les cycles de conférences design et ma problématique à l’époque – et en fait elle est toujours là – c’est que ce sujet de l’éthique dans le numérique est souvent porté par des gens qui peuvent se saisir du sujet, qui on une voix, un impact opérationnel.

Ma problématique c’est que ce sujet de l’éthique dans le numérique est souvent porté par des gens qui peuvent se saisir du sujet, qui ont une voix, un impact opérationnel, peu par les gens qui, au quotidien, peinent à s’en saisir.

Mais la plupart du temps, c’est entendu et reçu par des gens, à l’inverse, qui peinent au quotidien à en faire quelque chose. Et j’étais très gêné par ce contraste là, parce que ça peut donner parfois des discours ou des injonctions un peu paternalistes qui sont forcément positives – qui te dirais « non, je préfère faire des trucs pas éthiques » c’est ridicule – mais dont on sait bien que dans la réalité de l’entreprise, c’est difficile d’avoir des idéaux de ce type-là versus la position que tu as dans l’organisation et la liberté ou pas de choix que tu as.

Bref, passons sur cette intro, ce sujet Paris Web en effet. Du coup, je me suis résolu à en parler (rires). Sur l’éthique dans le design numérique, j’ai essayé d’avoir un discours pour expliquer que, de mon point de vue en tout cas, il ne fallait pas le poser de façon binaire. Genre « ça c’est éthique, ça ce n’est pas éthique ».

J’ai essayé, sur l’éthique dans le design numérique,  d’avoir un discours pour expliquer que, de mon point de vue, il ne fallait pas y porter un regard binaire.

Parce que c’est précisément quand on fait comme ça que les designers en exercice ne peuvent pas s’emparer du sujet parce que c’est trop gros du coup. Parce qu’on a l’impression de ne jamais rien pouvoir faire ou de ne faire que des trucs, pas éthiques.

Alizée : Oui, c’est trop lourd à porter.

Amélie : Et c’est terrible ! Tu imagines tous les soirs tu termines le travail en te disant « Je suis nul·le ». Donc il y avait cette idée de montrer que c’est plus plus actionnable en fait – on revient à ce truc d’action tu vois – de penser l’éthique comme une combinatoire avec plein de niveaux de gris et que le niveau d’éthique d’une pratique va dépendre de plein de choses comme la finalité de cette pratique – à quoi ça sert ? – sa force, son intensité, son effet sur sur l’utilisateur et sur le monde, à plus ou moins long terme, sur la fréquence de l’exposition.

La combinatoire est un outil clé et cette notion de petits pas est très importante. Parce que ça veut dire que je peux non seulement y aller graduellement, mais aussi y trouver de la satisfaction.

C’est tout ça combiné qui va pouvoir te donner un espèce de score d’éthique, on va dire. Et ce qui est intéressant là dedans, c’est que du coup on peut travailler sur chacun de ces plans. On est pas obligé de se prendre le truc en pleine face de manière complètement unitaire « c’est éthique, ce n’est pas éthique », mais tu peux aller jouer sur les différentes possibilités de la combinaison. Je ne sais pas si c’est très clair (rires).

Alizée : Si ! L’idée c’est de faire ces fameux petits pas. On ne peut pas se dire « je suis designer éthique ou je ne suis pas designer éthique » mais plutôt amener une sorte de granularité dans son travail et de pouvoir prendre position, savoir dire à un moment quelles sont ses valeurs, les affirmer et voir si ça passe ou non.

Amélie : Et puis dans cette idée de comment agir, la combinatoire est un outil hyper clé parce que du coup – tu le disais, tu as bien regardé la conférence –  cette notion de petits pas elle est hyper importante. Parce que ça veut dire que je peux non seulement y aller graduellement, mais aussi avoir de la satisfaction à dire « voilà, j’arrive à quelque chose ». C’est très important pour moi de dire que le plus important là dedans, ce sont les initiatives au niveau du collectif plutôt qu’en tant qu’ individu tout seul.

Alizée : Oui c’est d’amener à faire bouger les choses et à réfléchir aussi sur ce qu’on est en train de faire au moment voulu.

Amélie : Ensemble.

Alizée : Oui, ok. Si l’on revient sur ton travail avec notamment l’éditeur Eyrolles, on sait que tes livres sont incontournables, ils sont éclairants et ce n’est pas commun de se lancer dans de tels projets.

Qu’est-ce qui t’as motivé à écrire la toute première fois ? Comment as-tu fait ce travail de recherche et de synthèse qui est vraiment conséquent ?

Amélie : Il y a plein de choses dans ta question. Alors la première fois, ça date, j’étais toute petite. C’est ma première éditrice qui est venue vers moi qui m’a proposé le projet. Elle s’appelle Muriel Shan Sei Fan, elle fait autre chose aujourd’hui mais je l’en remercie. Ça s’est fait assez naturellement en fait, elle me propose la chose parce que j’écrivais…

Alizée : Parce qu’elle te connaissait ? Tu écrivais déjà, d’accord.

Amélie : J’écrivais déjà des articles en ligne en français en fait. C’était suffisamment rare, je pense, pour attirer son attention. Ça n’existait pas, personne ne faisait ça. Et j’ai dis oui parce que c’était juste super chouette. Je n’avais même pas 25 ans, il faut se rendre compte que le soir, dans mon lit, je dévorais des livres en langue anglaise. J’apprenais en fait un bout de mon métier dans ces livres. Et là, l’opportunité de faire un livre et de transmettre le truc en français, c’était juste génial.

À 25 ans, l’opportunité de faire un livre et de transmettre ses connaissances en français, c’était juste génial.

L’activité d’écriture de façon générale, c’est un truc qui me représente pas mal. Quand je dois faire un cadeau, genre j’écris un poème, c’est important pour moi le mot (rires). Même si dans la sphère professionnelle, le travail d’écriture c’est complètement autre chose, c’est beaucoup plus technique. Voilà comment ça s’est fait.

Alizée : C’est la quatrième parution de ton premier livre sur le design. Est-ce que tu as changé ta manière d’écrire ? Est-ce que tu as entièrement revu cette quatrième édition ou est-ce que tu as juste mis à jour certains exemples ?

Amélie : Oui, il y a cette particularité d’une nouvelle édition. C’est important de le souligner parce que ce n’est pas du tout la même chose qu’un nouveau projet.

En fait, on traîne un peu le boulet… (rires)

Alizée : Oui, c’est ça ! (rires)

Amélie : C’est un truc qui te suit. Et puis bon, tu pourrais arrêter et dire « non je ne ferais pas de nouvelle édition », mais ce livre là en particulier, c’est un livre de fond, qui marche bien, qui est bien quand on débute, qui est assez vulgarisant tout en apprenant quand même quelques techniques et méthodes, qui est très illustré. Donc voilà ça marche bien.

Faire la nouvelle édition d’un livre c’est intéressant aussi sur ce que ça dit d’une discipline qui semble changer mais qui, en réalité, est la même depuis 20 ans.

La nouvelle édition s’impose un peu d’elle-même. Entre la troisième et la quatrième, il y a de longues années, j’ai un peu tardé. Mais oui j’ai tout revu, mais surtout les exemples. C’est un livre extrêmement illustré, tu avais 400 exemples donc tu as 400 nouveaux exemples et ça fait presque le corps en fait de l’ouvrage. Ce qu’il ne se revoit pas en revanche, ça va être le squelette, le fond. Et en réalité c’est intéressant aussi parce que ça dit que la discipline, elle fait semblant qu’elle change et qu’il y a des modes, des méthodes, etc, en fait en réalité, on fait la même chose depuis 20 ans, simplement, on met des mots différents dessus.

Alors il y a des éléments de fond qui ont changé. J’ai enlevé beaucoup de choses, j’ai beaucoup écrémé. J’écris sans doute mieux aujourd’hui qu’à l’époque donc à chaque fois que je me relie, c’est terrible, (rires) c’est écrit avec les pieds, il faut changer. Donc j’essaye de changer mais à la mesure de mes moyens.

Il y a un truc dont les gens qui consomment les livres ou les conférences pro ne se rendent pas compte, c’est qu’écrire est quasiment un acte militant. Il y a quelque chose d’un peu sacrificiel dans ces activités.

Il y a un truc hyper important et dont les gens ne se rendent pas compte, les gens qui consomment des livres ou des conférences pro, c’est que c’est quasiment un acte un peu militant d’écrire ! Il y a quelque chose d’un peu sacrificiel dans ces activités. Ça se passe forcément le soir, la nuit, le week-end, quand ces fameux gens qui vont lire le livre sont eux à l’apéro avec leurs copains, moi, je suis derrière l’ordi à potasser. Il y a vraiment de ça ! Et de longues heures, c’est immense comme travail.

Damien : On imagine bien la quantité de travail que ça peut être et le terme de sacrifice ne doit pas être totalement faux.

Et pourtant, parmi nos auditeurs il y a certainement des personnes qui retiennent leur plume, si je peux m’exprimer ainsi, qui peuvent manquer d’assurance ou qui peinent à s’organiser aussi, peut être pour se lancer alors qu’ils ont très certainement des choses intéressantes à raconter.

Est-ce que tu aurais des conseils à leur donner pour franchir le pas de l’écriture ?

Amélie : C’est marrant parce que tu as parlé de « gens qui peinent à s’organiser », je dois être la personne qui peine le plus du monde à m’organiser, tu vois ? (rires). Non mais c’est intéressant aussi de se rendre compte que quelqu’un qui écrit un livre, ce n’est pas un dieu. Il y a toujours une espèce d’image complètement fausse.

Pour écrire il est important de partir d’une base fouillée, et ne pas être trop surfacique dans ses savoirs.

Pour écrire un bouquin, préparer une conférence, même juste écrire une préface, c’est d’abord une espèce de gros vrac, fouillis immonde. Si j’ai des idées sous la douche, il a un carnet à côté, je note des trucs en vrac, je sors je ne suis même pas séchée, je prends mon téléphone, faut tout de suite écrire l’idée parce qu’après elle va m’échapper. Ce sont des petits bouts de trucs qui, petit à petit, on ne sait pas par quelle magie, commencent à prendre corps. Et pour moi, ce moment du vrac est hyper important et hyper difficile parce que ça veut dire que tu observes le fouillis de ton propre cerveau, « comment je vais arriver à faire le tri », c’est terrible…

Alizée : À restructurer tout oui, c’est ça.

Amélie : Voilà complètement. Et bon, moi je me laisse un peu emmener dans le truc et il y a souvent la pression temporelle qui fait qu’il faut y aller (rires) et qui aide en fait à restructurer un peu et puis arrêter de s’éparpiller. C’est un peu l’histoire du double diamant finalement. On diverge puis après, à un moment donné, on converge. Moi je converge parce qu’il y a une pression temporelle, mais il y a des gens qui convergent juste parce qu’ils sont bien organisés.

Il y a l’idée que quand on écrit quelque chose de fouillé, on approfondit en fait son expertise, on apprend en même temps que l’on essaie de transmettre.

Donc donner un conseil d’organisation à des gens, ça me paraît un peu déplacé . (rires)

Par contre vous parliez de la peur de se lancer… Peut-être l’idée de commencer petit. Je parlais de pied à l’étrier tout à l’heure, commencer par un article de blog, ça paraît idiot mais voilà. Et on revient sur l’histoire du petit pas. Si on a l’envie ou le rêve de créer un livre, se faire la main sur quelque chose de plus petit, c’est un bon exercice. Et je trouve – mais ça m’est peut-être trop personnel – que travailler sur quelque chose de fouillé aussi est hyper important. C’est-à-dire de vraiment approfondir et de ne pas être juste surfacique. Comme la plupart des articles qu’on lit sur Internet aujourd’hui.

Alizée : Oui, d’apporter de vraies nouveautés ?

Amélie : Je ne sais pas si c’est de l’ordre de la nouveauté. Franchement moi je n’ai rien inventé et rares sont les gens qui inventent quelque chose. Ça n’existe pas en fait, on est toujours fait de tout ce qu’on voit partout et ça prend sens à un moment donné. Mais en tout cas dans le fait de fouiller, il y a l’idée de dire que quand on écrit quelque chose – en tout cas quand moi j’écris quelque chose – ça me permet en fait d’approfondir mon expertise et d’apprendre en même temps que j’essaie de transmettre.

Alizée : Complètement.

Damien : Amélie, tu fais partie des professionnels qui ont permis à toute une génération de designers de mieux comprendre L’UX à travers tes ouvrages, notamment.

Qu’est ce que ça te fait d’être identifié comme une figure de proue du design UX ? Est-ce que c’est pénible ou est-ce qu’au contraire, c’est intéressant?

Amélie : Non, non, ça n’a jamais été pénible (rires), ça serait indécent de dire que c’est pénible. Le seul truc peut-être un peu pénible là-dedans pourrait être qu’éventuellement les gens pensent que je gagne ma vie on ne sait pas comment – je peux le dire, ce n’est pas en écrivant un livre –  que je n’ai peut-être que ça à faire, de prendre des cafés ou du temps pour parler de questionnements existentiels, de doutes ou juste de discuter. Bon ça, ça m’arrive tout le temps, c’est peut-être le seul côté un petit peu embêtant.

En vrai, évidemment que c’est chouette et hyper intéressant. Ça me permet d’avoir des interactions avec plein de gens aux profils hyper diversifiés. Donc non je ne retiens que que l’intérêt de la chose.

Damien : Est-ce que tu as des lectures différentes de ton côté ? Tu parlais tout à l’heure de ton goût de l’écriture, de la poésie notamment.

Amélie : On parlait tout à l’heure du rapport à l’équilibre « vie professionnelle/vie personnelle ». Évidemment que, même si je travaille la nuit, c’est toujours involontaire et je ne déteste rien de plus que de me dire « je suis encore en train de penser au travail » ou « c’est encore une idée de travail ». Toujours dans cette tension de me dire « est-ce que là je suis en train de travailler ou pas ? ».

Je vis avec un mec que j’ai rencontré au travail, qui exerce strictement la même activité que moi, avec une grosse part de télétravail donc forcément, ça rend la frontière entre pro et perso compliquée. « Est-ce que quand on discute de cette problématique, je suis en train de le cocher ? », c’est terrible.

Donc oui, j’ose espérer que quand on écrit des livres sur l’UX on s’autorise à lire d’autres choses, sinon ce serait d’une tristesse insondable. Parce que je suis taré, mais pas à ce point là. Qu’est ce que j’ai lu dernièrement qui m’a plu ? Il y a deux jours, j’ai acheté vraiment d’une manière complètement hasardeuse – ce qui m’arrive rarement, souvent je choisis vraiment ce que j’achète – un livre de Arthur H, le chanteur qui s’appelle Fugue et qui raconte majoritairement la vie de sa mère et ses différentes fugues, mais aussi les siennes. C’est très rigolo et très facile à lire.

J’avais vu passer un court message sur les réseaux sociaux qui disait « vous en savez assez, arrêtez. Si vous ne lisez pas cet article là, si vous n’écoutez pas ce podcast là, ce n’est pas grave ».

Je lis beaucoup, je suis très spectacle vivant, je lis aussi beaucoup de livres jeunes publics parce que j’ai deux gamins. Mais oui, évidemment qu’on lit autre chose. Et je pense que j’ai jamais autant moins lu sur mon travail qu’aujourd’hui. Sans doute parce que je suis un peu réac et pour essayer de participer à lutter contre la profusion de « il faut toujours lire plus, écouter plus, en savoir plus, apprendre plus ». Tu n’en a jamais fini, c’est l’enfer quoi.

Je ne sais plus du tout, mais j’avais vu passer un tweet ou un commentaire rapide sur Linkedin d’une femme qui disait « vous en savez assez, arrêtez. Ce n’est pas grave. Si vous ne lisez pas cet article là, si vous n’écoutez pas ce podcast là, ce n’est pas grave ». C’est terrible de dire ça quand on enregistre un podcast. (rires)

Damien : Oui. (rires)

Amélie : Mais en fait je suis vraiment toujours très vigilante à me dire « ça va être encore un truc de plus, est-ce que les gens ont besoin de ça ? » Et je ne suis pas sûr.

Damien : Une invitation à stopper la boulimie de lecture, d’intégration de connaissances, de contenu, ok !

Du coup ça ne va pas tout à fait avec la question suivante mais c’est pas grave, je te la pose quand même. (rires)

Amélie : (rires)

Damien : Est-ce que tu as un projet d’écriture ?

Amélie : Non, je n’ai pas de projets. J’ai toujours mille idées mais j’ai surtout celle de me dire « non, patiente encore un peu ». Parce qu’en réalité, pour être honnête, après l’excitation des débuts il y a un vrai labeur, on en parlait, donc si je peux encore un peu profiter de mon temps libre, je prends quoi. C’est encore une histoire de tension. Et c’est la même chose avec les conférences, tu réponds à un appel orateur ou tu dis oui à quelque chose, moi je suis vraiment animé par le sujet, par l’envie, etc. Mais au moment où il faut s’y mettre, c’est terrible, j’ai juste plus envie, je me demande « comment je pourrais reculer ». (rires)

J’ai toujours mille idées mais j’ai surtout celle de me dire « non, patiente encore un peu ».

Et dans le livre, il y a tout ça, sauf que c’est beaucoup plus long et plus dur. Donc il faut faire bien attention quand même aux engagements qu’on prend et c’est plus facile à 25 ans qu’à 40 ans, et on a peut-être plus envie à 25 ans qu’à 40 ans.

Damien : On rentre dans un tunnel, je suppose oui. On est rentré dedans, la seule issue c’est de le finir pour en sortir.

Amélie : Et puis Il y a une histoire de cycles. Je ne suis pas auteur, ce n’est pas ma vie et ma vie n’est pas d’écrire des livres en réalité. Et je ne vis pas de ça non plus. Je trouve que cette histoire de cycles est hyper intéressante. Se dire « je suis à fond pendant tant de temps, et puis après je fais une pause, je m’arrête, je fais complètement autre chose » pour au final, à un moment donné, être rattrapé par la chose parce que ça ne m’arrive pas par hasard. J’aime ça et je sais bien qu’à un moment donné, je vais raccrocher les wagons, prendre une de ces idées et en faire quelque chose.

J’aime écrire, même si ce n’est pas ma vie. Les mots me définissent bien. Je sais qu’à un moment, je prendrais une de ces idées et en ferais quelque chose.

Alizée : Dans ces milles idées, qu’elle serait celle qui te donnerait le plus envie d’approfondir un sujet, de le mettre en lumière ?

Amélie : Il y a deux choses je pense, l’une très très pratico-pratique, mais j’ai besoin d’un bouquin – je parle sur le plan professionnel – très orienté sur les outils professionnels. Je suis souvent assimilé à quelqu’un qui est très B to C, e-commerce, j’ai été biberonnée à ça et c’est tout à fait normal vu mon parcours. Mais ce qui me passionne réellement et ce que je trouve hyper intéressant aussi parce que ça s’éloigne du marketing – qui est peut être un peu moins ma tasse de thé – c’est toutes ces problématiques d’efficience, le travail sur des outils que les gens utilisent 8h par jour, comment ça donne un peu plus de place à l’ergonomie versus des choses qui vont plus vers la conversion, la séduction. Et aussi parce que je trouve qu’il y a peu ou pas ce genre de choses, en tout cas par l’exemple.

Il y a beaucoup de livres qui existent sur la théorie, la méthode, le comment faire mais on a peu d’exemples…

Alizée : Concrets ?

Amélie : Oui, et c’est difficile en réalité. Parce que oui, aller faire une capture d’écran d’un truc pour aller le poser dans un livre, ça n’a aucun sens. (rires) Mais c’est un bon prétexte pour expliquer les choses puis aller décortiquer petit à petit. Ça fait longtemps que j’ai envie de faire ce truc là. Peut-être un jour.

Alizée : Pour terminer cet échange, on pose toujours notre petite question phare !

Dernièrement, que ce soit personnellement ou professionnellement, qu’est-ce qui a pu te bluffer, que ce soit un livre, une rencontre, un sujet, un événement ?

Amélie : Ça va être personnellement, parce que pour être honnête, ce qui me touche est forcément personnel, mon métier ça reste seulement mon métier, on en parlait tout à l’heure. Sur le plan personnel, ce qui me vient en premier c’est un spectacle de Charlotte Rousseau, de la Presque Compagnie, c’est de la danse, qui s’appelle Jusqu’au soir. Il y a ce spectacle là mais il y a aussi là dedans le fait de renouer avec le spectacle vivant qui m’a tant manqué. Donc là, je suis un peu dans une phase maniaque où je vais voir un maximum de choses, avec sans doute en sourdine l’idée que ça risque peut-être de nous être interdit de nouveau un moment, donc là j’en profite. Donc voilà, Charlotte Rousseau, Jusqu’au soir.

J’ai eu besoin de renouer avec le spectacle vivant qui m’a tant manqué l’année passée.

Et puis en céramique, parce que je suis dingo de céramique. Le travail d’Héloïse Bariol, qui fait de la terre vernissée, c’est très joyeux, très coloré. C’est une céramiste que j’aime beaucoup en ce moment.

Damien : Super merci Amélie.

Amélie : Merci à vous.

Damien : Il ne nous reste plus qu’à te remercier de nous avoir accordé un peu de ton temps pour cet échange passionnant. Il donnera peut-être à certains et certaines l’envie de se motiver ou de se remotiver dans la pratique du métier d’UX Designer. On fantasme même à l’idée d’assister à la naissance d’aut.rice.eur.s et d’orat.rice.eur.s suite à cet échange, qui sait ? Une sorte de coaching audio en somme !

Bonne journée Amélie, et merci encore !

Alizée : Merci Amélie.

Amélie : Merci !

Damien : Depuis septembre, Salut les Designers est devenu un rendez-vous mensuel. On se retrouve donc dès le mois prochain pour un nouvel épisode, soyez au rendez-vous !

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