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SLD #31 · Flora Brochier, UX et service design

SLD #31 · Flora Brochier, UX et service design

À travers son travail sur le guide « Concevoir sans dark patterns », Flora Brochier nous raconte son parcours et ses engagements aux seins des Designers Éthiques.

Publié le 27 mars 2024

Bonjour à tous et à toutes et bienvenu·e·s dans ce nouvel épisode de Salut les Designers !

Ce mois-ci, Arnaud et Yohan reçoivent Flora Brochier, UX et service designer ! Spécialiste dans l’étude et la pédagogie autour des dark patterns, Flora explore ces pratiques de conception toxiques qui visent à tromper les utilisateurices.

De son Master design transculturel en Inde à la création du guide “Concevoir sans Dark Patterns” au sein des Designers Éthiques, découvrez le parcours de Flora.

Bonne écoute à tous et à toutes !

La transcription

Yohan : Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans ce nouvel épisode de Salut les Designers, le podcast de l’agence LunaWeb, ici Yohan, et je suis accompagné aujourd’hui par Arnaud, salut Arnaud !

Arnaud : Salut Yohan !

Yohan : Aujourd’hui, nous avons le plaisir de recevoir Flora Brochier, UX, service designer et spécialisée dans la conception responsable.

Bonjour Flora, Merci d’être parmi nous aujourd’hui, comment vas-tu ?

Flora : Bonjour à vous, je vais bien et vous ?

Yohan : Super.

Arnaud : Super aussi ! Avant de commencer Flora, pour celles et ceux qui ne te connaîtraient pas encore, peux-tu te présenter rapidement ?

Flora : Oui, du coup moi je viens du design. J’ai fait un bachelor en design graphique à l’école de design et après j’ai fait un master transculturel design en Inde. C’était avec l’école de design et c’est deux ans en Inde où on étudie les différences culturelles, comment est-ce que le design s’applique en France et en Inde.

Après un Bachelor, j’ai pu faire un Master transculturel design en Inde, pour étudier les différences de compréhension des signes graphiques dans la culture indienne.

Un exemple qui montre la différence, c’est les pictogrammes. En France, on a l’habitude d’utiliser des pictogrammes qui sont quand même assez stylisés, et en Inde, c’est des pictogrammes qui sont très peu compris. On a besoin que ce soit très réaliste, réaliste et très illustré.

Suite à ce master là, j’ai fait un peu de freelance et après j’ai repris un deuxième master à l’ECV Digital en UX Design. En fait, c’est vrai que j’avais une vision du design graphique qui était quand même très avec de la recherche utilisateur et avec toute la partie de recherche. Mais c’est pas quelque chose qui existait forcément dans le monde du travail ou que moi j’ai peu connu ou j’ai peu vu.

J’ai pu ensuite faire un Master en UX design à l’ECV Digital, qui m’a permis de commencer à travailler avec les Designers Éthiques.

Et du coup, en fait, au cours de ce master avec l’ECV digital, j’ai travaillé avec des Designers Éthiques sur le livre blanc de fin d’année et après j’ai continué. Du coup, dans l’entreprise où j’étais et j’ai continué également à travailler avec des Designers Éthiques. Et je continue encore aujourd’hui.

De 2019 à 2022 et j’ai aussi créé une autre association qui était UX Design Brest où on faisait des conférences dans le but de promouvoir le design UX, principalement à Brest. Après, il y eu le COVID, donc du coup c’était un peu partout en France, à distance.

Et aujourd’hui je continue en freelance et sur la partie du programme de persuasion où j’ai pris le relais de Karl Pineau qui continue de m’accompagner sur ce programme.

Yohan : Ok, super intéressant. Du coup, le sujet d’aujourd’hui porte principalement sur les Dark Pattern. Est-ce que tu peux nous expliquer à quoi ça correspond ?

Flora : Oui. Du coup les dark patterns ou design trompeur, c’est des éléments de conception dont le but est de pousser l’utilisateur à faire des choses qu’il n’aurait pas forcément fait initialement.

Les dark patterns ou designs trompeurs, ce sont des éléments de conception dont le but est de pousser l’utilisateur à faire des choses qu’il n’aurait pas forcément fait initialement. 

Donc par exemple, il y a tout ce qu’on connaît comme le scroll infini, l’autoplay, des liens qui peuvent être mis en avant lorsque par exemple on essaye de réserver un billet de train ou un hôtel.

Arnaud : Ok, du coup tu as donné quelques exemples. Est-ce que, pour que nos auditeurs, nos auditrices puissent se projeter, est-ce que tu as d’autres cas concrets de dark patterns très connus ou même un petit peu moins connus ?

Flora : Oui, bien sûr. Par exemple, si on prend un site de réservation d’hôtel, imaginons, on veut aller réserver un hôtel pour, par exemple, pour une conférence, on arrive sur le site et il peut y avoir des hôtels qui vont être mis en avant ou des destinations qui vont être mises en avant avant même qu’on ait rempli en fait notre destination.

Les exemples de dark patterns sont nombreux, mais c’est vrai qu’on en trouve par exemple beaucoup dans les sites d’hôtellerie, avec des services proposés en plus ou des options de cashback obscures.

Une fois qu’on remplit notre destination, pareil, là du coup, il y aura des hôtels qui vont être mis en avant parce qu’ils ont des contrats avec le site par exemple, ou autres éléments. Et sur les éléments du coup d’hôtels, on peut également avoir des indications comme « Plus que deux chambres disponibles » ou « Réserver dans moins d’une heure et vous aurez une réduction ».

Et pareil, une fois qu’on a réservé l’hôtel, il peut y avoir un système de cashback. Donc là c’est un système qui va nous pousser à consommer puisque du coup on a une pochette, on va dire d’argent qu’on peut réutiliser sur un site partenaire.

Yohan : Il me semble qu’il y a un grand nombre de termes qui gravitent autour des dark patterns, j’en ai en tête en particulier, c’est le design persuasif. Est-ce que tu peux nous en parler un petit peu ?

Flora : Oui, en fait c’est vrai que les définitions sont assez… Enfin, ce sont des mots qui sont assez proches. Le design persuasif d’un point de vue vraiment de sa définition, c’est vraiment un design dont le but est de guider l’utilisateur à adopter un comportement particulier.

Le design persuasif est considéré comme une spécialisation du design UX, donc du design centré utilisateur. Mais c’est vrai qu’il y a peu de différences avec la pratique des dark patterns.

Et du coup, le design persuasif est considéré comme une spécialisation du design UX, donc du design centré utilisateur. Il y a peu de différence en soit avec les Dark patterns, elle est très minime.

Au sein de designer éthique, on considère que « Persuasion » c’est un peu un terme chapeau et que Dark Pattern c’est un terme qui est en dessous.

Yohan : Ok. Est-ce que tu sais s’il y a une notion de respect de l’attention utilisateur à garder en tête avec ces sujets là ?

Flora : Oui. En fait, il y a un autre terme qui est souvent utilisé avec l’idée de dark pattern ou de persuasion, c’est tout ce qui est lié au design de l’attention, et c’est tout ce qui est le design qui est autour de l’attention, qui est souvent utilisé dans le but de capter l’attention dans le but de le monétiser.

Et en fait, on peut voir que notre attention aujourd’hui, elle a tendance à être sur-sollicités. Il y a de plus en plus d’interfaces et d’éléments qui vont jouer sur notre attention dans le but de la capter pour la monétiser derrière.

Un autre terme qui est souvent utilisé quand on parle de dark pattern ou de persuasion, c’est celui du design de l’attention, capter l’attention dans le but de la monétiser.

Et il y a un autre élément qui prouve que notre attention est très sollicitée, tous les jours, c’est par exemple les notifications. On reçoit aujourd’hui beaucoup de notifications par jour. Je ne sais plus c’est quoi la moyenne, mais quand les notifications ont été inventées, c’était vraiment un élément qui a été conçu pour qu’on en ait moins de moins de cinq par semaine grand maximum. Aujourd’hui, je crois que la moyenne des gens doit être… Si on en a 50, c’est très peu. En tout cas, on a énormément de notifications par jour.

Au sein des designers éthiques, nous avons un projet qui est l’alternative design où on travaille sur les notifications et concevoir des notifications plus respectueuses de l’utilisateur.

Et c’est pour ça que, par exemple, au sein de designers éthiques, on a un projet qui est l’alternative design où on travaille sur les notifications et concevoir des notifications plus respectueuses de l’utilisateur. Et du coup, au sein de ce projet, on va étudier comment sont vécues les notifications et comment est-ce que les utilisateurs agissent et paramètres sur les notifications. Est-ce que c’est quelque chose de bien, de pas bien ? Et comment concevoir des notifications plus respectueuses ?

Yohan : Ok, donc ça va être sur la notion de quantité, sur la façon dont c’est tourné, dans les… Dans les mots ?

Flora : C’est ça. Je pense que ce sera un peu de tout ça. Le projet n’est pas encore finalisé, on est au stade d’interview pour l’instant, donc on suit une méthodologie de design. Donc on a fait de la veille, là où on est, aux étapes des interviews et après on va réaliser des personas et des scénarios d’usage pour arriver sur du prototypage, réaliser quelque chose qui va être réutilisable après par les designers que designer vont pouvoir réutiliser et appliquer au quotidien.

Actuellement, nous en sommes aux étapes des interviews et avant la réalisation de personas et de scénarios d’usage pour arriver enfin sur du prototypage.

Et après, l’idée c’est vraiment d’avoir quelque chose qui soit clé en main. Donc oui, je pense qu’il y aura autant sur le paramétrage que des bonnes pratiques à utiliser. Ça sera assez large.

Yohan : Ah oui… Dans les préférences par exemple…

Flora : Oui !

Yohan : Ce qu’on peut gérer soi-même. Ok.

Arnaud : Et d’ailleurs c’est intéressant. Sur ces notifications, sur l’économie de l’attention de manière générale, toi tu arrives à voir un petit peu comment les grandes compagnies, elles s’en emparent ?

Est-ce qu’elles y sont un peu sensibles, est-ce qu’elles travaillent dessus, est-ce que pour l’instant pas du tout ? Est-ce que tu sais un peu ça ou pas trop ?

Flora : On a pu voir quand même un mouvement il y a quelques années, vers 2017-2020, avec les grands de la Silicon Valley qui sont un peu rebellés et qui ont dit, qui ont montré du doigt les éléments des choses pas forcément top qui étaient faites comme avec le livre de Nir Eyal.

À partir de 2017, les big tech se sont rendu compte de soucis liés à l’usage du numérique et ont commencé à mettre en place quelques outils, comme la visibilité du temps d’écran chez Apple.

Et là, en fait, il y a eu des choses qui ont été mises en place, comme sur iPhone. Il y avait le temps d’écran qui a été mis en place. On a pu voir combien de temps par jour on passait sur nos téléphones.

Donc il y a des petites choses qui ont été mises en place, mais il y a encore beaucoup de choses à faire.

Arnaud : Ok, tu sais, tu sais comment ce mouvement s’est créé entre guillemets. Si c’est une prise de position collective, s’il y a quelqu’un qui a un peu tiré la sonnette d’alarme ?

Flora : Il y a Tristan Harris qui est assez connu, comme figure de ce mouvement. C’est un mouvement qui vient plutôt des Etats-Unis et de la Silicon Valley avec les grands du numérique.

Après, je n’étais pas là bas, donc je ne pourrais pas dire exactement ce qu’il s’est passé et je ne pourrais pas dire si c’est un mouvement collectif ou si c’est des individus.

Arnaud : Ok ça marche.

Toujours pour rester sur le sujet des dark patterns, selon toi, est-ce que tu saurais dire comment les designers peuvent aujourd’hui éviter ce genre de pratiques ou comment ils peuvent convaincre leurs clients de ne pas s’en servir ?

Flora : C’est une question qui n’est pas forcément simple, effectivement.

Arnaud : Oui (Rires)

Flora : Déjà, en tant que designer, pour éviter de mettre ce genre de pratiques dans la conception de tous les jours, l’idée c’est de s’informer, de les connaître pour savoir que cet élément là, il est néfaste à l’utilisateur. Parce que c’est vrai qu’on a tendance à copier ce qu’on voit partout et on se dit qu’il y a cet élément là sur cette interface qui est sympa, on va faire la même chose, mais on ne se rend pas forcément compte des conséquences.

En tant que designer, pour éviter de mettre ce genre de pratiques dans la conception de tous les jours, l’idée est de s’informer, de connaître ces pratiques pour savoir quels éléments sont néfastes pour l’utilisateur.

Donc c’est pour ça que nous, on a sorti un guide en octobre dernier sur comment concevoir avec le moins possible de Dark Patterns et en expliquant en fait pourquoi tel élément est néfaste et qu’est ce qu’on peut faire, Qu’est ce qu’on peut mettre en place comme alternative à la place de cet élément là.

Arnaud : Ouais, on pourrait en parler un petit peu après. 

Répéter ce qui existe déjà, c’est quelque chose qui peut être fait en tant que débutant dans le métier.

Est-ce que tu as l’impression qu’aujourd’hui, avec les meilleures connaissances que l’on a par rapport à il y a dix ans, que ça change un petit peu ? Qu’il y a une prise de conscience au niveau de l’éthique ?

Flora : J’ai l’impression que oui. Après, je suis quand même dans une bulle donc j’ai du mal à me rendre compte si c’est juste les gens autour de moi qui sont qui sont plus conscients ou si c’est vraiment la profession en général.

J’ai le sentiment que ça bouge depuis 10 ans vis à vis des dark patterns, mais je suis aussi dans une bulle de concepteurices éthiques donc c’est difficile d’avoir des certitudes.

Donc ça reste assez dur à dire aujourd’hui. J’espère en tout cas que c’est une mouvance collective et que c’est pas juste autour de moi.

Arnaud : Rires

Yohan : Est-ce que tu sais justement s’il y a des réglementations, des sanctions justement pour recadrer un petit peu tout ça ?

Flora : Oui, il y a la plus connue on va dire, c’est le DSA : Digital Services Act qui est rentré en vigueur il y a peu de temps. Et dedans en fait, il y a l’article 25 qui interdit spécifiquement les dark patterns.

Yohan : Oooh

Flora : Cette réglementation est assez importante parce qu’elle va sûrement changer pas mal de choses.

La législation arrive, ces derniers mois, le DSA : Digital Services Act est entré en vigueur avec l’article 25 qui interdit spécifiquement les dark patterns.

Pour l’instant, elle est très large. Elle est pointe du doigt trois cas particuliers, mais il n’y a pas vraiment de cas spécifiques. Et c’était aussi la volonté qui était derrière, c’était d’avoir quelque chose d’assez généraliste pour pour ne pas devoir le réécrire à chaque fois.

Arnaud : Ok, c’est quelque chose qui est international, ou c’est …

Flora : C’est du coup c’est une recommandation qui est européenne.

Arnaud : Européenne, ok.

Je crois que récemment, il me semble qu’on a vu un truc sur… En Inde aussi, il me semble qu’il y a eu des dark patterns qui ont été spécifiés et interdits en Inde. Ou alors j’imagine un truc ? Je vais faire des recherches en même temps, j’ai peur de dire une bétise, ça te dit rien ?

Flora : Ça ne me dit rien, après c’est possible que j’ai manqué l’information.

Arnaud : Ça vient tout juste de sortir…

Flora : En France il y a X anciennement Twitter, qui est le premier service numérique, qui a été en procédure formelle pour l’utilisation de Dark Pattern. Donc ça, c’était en décembre dernier que la procédure formelle a été ouverte et ça concernait en fait les coches bleues, les petites check bleues, je ne sais pas comment est ce que vous les appelez…

En France, X anciennement Twitter, a été le premier service numérique mit en procédure formelle pour utilisation de dark patterns.

Yohan : Ah oui. (rires)

Flora : En fait, avant, on les avait parce qu’on était quelqu’un qui était important entre guillemets, enfin, quelqu’un de vérifié, un statut vérifié, et aujourd’hui, en fait, c’est une coche qu’on peut avoir si on l’achète. Donc ça a tendance à tromper les utilisateurs.

Arnaud : Ouais, ok.

Du coup, j’ai un peu fact-checké ce dont je parlais tout à l’heure et effectivement il y a un article du 26 décembre 2023 apparemment qui dit que le gouvernement indien aurait interdit treize dark patterns sur des plateformes de e-commerce.

Yohan : À suivre.

Arnaud : À suivre ouais. Ça a l’air de bouger en tout cas.

Flora : C’est ça qui est intéressant.

Yohan : Je me posais une question, est-ce que ça était déjà arrivé dans ton travail de designer d’avoir affaire à des demandes qui se rapprochent de Dark Pattern ? Ou même dans ton entourage, des gens qui en ont parlé ?

Flora : Alors moi, heureusement, non. Après si, j’ai eu un élément, c’est l’infinite scroll. Ça c’est quelque chose qui revient assez facilement, mais c’est autant du dark pattern que de l’éco-conception. J’avoue que j’ai plus mis en avant les arguments liés à l’éco-conception que à l’attention. Ça, c’est un élément qui est revenu, mais sinon jamais.

L’infinite scroll, c’est souvent une demande que l’on a de la part de client. Ça c’est quelque chose qui revient assez facilement, et c’est autant du dark pattern que de l’éco-conception.

Après je pense que les gens savaient aussi parce que j’étais aussi connu pour pour me spécialiser dans la conception responsable. Donc on ne va pas forcément demander ça, heureusement. Et j’ai aussi très peu travaillé avec le marketing et c’est souvent lié en fait au marketing, tous ces éléments là.

Yohan : Oui, d’accord ok.

Arnaud : Concernant le démarrage d’un projet, est-ce que tu penses que si on a une réflexion plus systémique, pas forcément portée par le marketing, c’est plus simple de ne pas créer de dark patterns, de ne pas tomber dans ce genre d’écueils ?

Flora : Oui. En fait c’est vrai que la pensée systémique et la réflexion systémique, elle aide vraiment à penser de manière globale et de visualiser les impacts et de voir les impacts négatifs, ceux qu’on voudrait diminuer, ceux qu’on voudrait augmenter. Et du coup de comprendre quels vont être les impacts négatifs qui vont être enclenchés.

La pensée systémique, la réflexion systémique, aide vraiment à penser de manière globale et de visualiser les impacts, en particulier les impacts négatifs

Et en faisant ce travail là de visualisation des impacts, on peut comprendre en fait que tels éléments, ils vont avoir des impacts, par exemple sur l’attention des personnes ou sur tel ou tel élément. Et du coup, proposer une alternative pour diminuer cet impact.

Et en plus c’est un élément, tout ce qui est réflexions systémiques et le risque systémique, ça fait partie de la réglementation du DSA pour certains types d’entreprises. Il faut qu’ils aient compris en fait et qu’ils aient fait un travail sur quels sont les risques systémiques de leur plateforme.

Arnaud : Hmmm. D’ailleurs, je me posais une question là-dessus qui est qui est finalement assez globale et qui n’est pas vraiment une mécanique un petit peu isolée, avec vraiment un élément UI identifié.

On voit de plus en plus de grosses FAQ qui vont être là pour faire office de pansement sur une jambe de bois, pour éviter d’avoir un numéro de téléphone directement affiché.

C’est quelque chose que tu observes aussi ? C’est quelque chose qui est considéré comme un dark pattern ?

Flora : Ce n’est pas forcément un dark pattern en fait. Tant que l’information est là et que l’utilisateur trouve l’information, en soi, ça n’a rien de néfaste. Après d’empêcher tout contact avec l’entreprise, si vraiment il y a un problème, je ne dirais pas que c’est un dark pattern, mais c’est quelque chose qui est néfaste, en tout cas pour l’utilisateur.

Arnaud : Ok, d’accord.

Du coup, depuis le début de la discussion, on parle de dark patterns, de mauvaises pratiques, on a un peu d’exemples, d’acteurs qui ont pu en abuser.

Est-ce que, à l’inverse, toi tu as des exemples de bonnes pratiques, de bons élèves sur lesquels on peut s’inspirer en tant que designer ?

Flora : Oui, moi j’en ai deux que j’utilise souvent. C’est Trainline qui est assez simple en fait, à utiliser pour réserver un train. Et en fait, c’est plus lié à la fluidité du parcours où il y a peu d’éléments additionnels. Et en fait on réserve un train très facilement où on a peu de publicité, on a tout ce qui est additionnel en fait est enlevé du parcours.

Des exemples comme les sites Trainline ou Loom sont à observer pour la clarté de leur parcours et la transparence de leurs informations, notamment liées à l’achat.

Et du coup, l’autre exemple que je prends souvent, c’est le site Loom. C’est un site de vêtements français et ils ont un parti pris où ils ne font pas de soldes. Ils ne mettent pas de chiffre rond avec le 99 à la fin et ils essayent de ne pas inciter en fait à ce qu’on consomme plus avec très peu de vêtements, pas de cookies et une démarche le plus respectueuse possible.

Après c’est des sites qui ne sont forcément pas parfaits mais qui essayent au maximum de faire au plus parfait possible.

Arnaud : Ok, et apparemment c’est des sites qui marchent quand même il me semble. C’est cool je pense de valoriser, même dans des benchmarks j’imagine, de montrer ces bonnes pratiques à un client.

Flora : Oui.

Yohan : Et justement, est-ce que tu aurais des outils, des méthodologies à partager aux designers pour en savoir plus justement à ce sujet là ?

Flora : Il y a le guide « Concevoir sans dark patterns« , forcément de Designer Éthique.

Après, au niveau des méthodologies, il y en a encore peu qui existent. D’un point de vue recherche académique, il y en a plusieurs. D’un point de vue vraiment pratique pour l’utilisateur, il y a aussi une matrice qui a été réalisée il y a quelques années de Designer Éthique qui peut permettre de connaître le niveau de captation d’Internet.

Le guide “Concevoir sans dark patterns” est une bonne base pour se familiariser avec le sujet et intégrer des bonnes pratiques dans sa conception.

C’est une matrice qu’on est en train de retravailler. Je ne pense pas qu’elle sortira en 2024, mais peut-être plutôt en 2025.

Après, au niveau des outils, il y a pas mal de choses. Il y a tout le travail du LINC, le labo de la CNIL qui font pas mal de guides top. Le travail de la Fing par exemple aussi, avec le rétro design de l’attention, leur travail dessus.

Aussi tout ce qui est plus grand public. Il y a arte avec les vidéos « Dopamine« . Ce sont de courtes vidéos où ils vont nous expliquer par exemple WhatsApp, comment ça marche, ou ils vont prendre des cas d’usages spécifiques et nous les expliquer.

À destination du grand public, la série documentaire “Dopamine” sur arte est très intéressante sur ces questions.

Pareil, il y a « Derrière nos écrans de fumée » de Netflix le documentaire.

Yohan :  Aaah oui

Flora : Et sinon, dans les vidéos, il y a aussi « Ethics by Design » de designers éthiques où il y a plusieurs vidéos de conférences qui peuvent être intéressantes sur le sujet.

Arnaud : Concernant le guide sur lequel tu as travaillé, est-ce que tu peux nous présenter un petit peu ce qu’il y a dedans ? Nous partagez comment vous l’avez créé ?

Flora : Oui. J’ai commencé à travailler dessus en décembre 2022. On a travaillé avec l’association Designers éthiques. C’était un peu de comprendre qu’est ce qu’on pouvait faire dans le domaine de la persuasion, quels outils on pouvait mettre en place.

Il y avait le “Guide d’éco-conception de services numériques” d’Aurélie Bâton et d’Anne Faubry qui existait déjà et qui marchait très bien. Et l’idée, c’était un peu de dupliquer le modèle de ce guide là pour concernant la persuasion.

C’est un guide qui est assez pratique parce qu’il suit les étapes d’un projet de design avec des idées, des bonnes pratiques et des exemples et des arguments pour donner, pour convaincre la hiérarchie vers la fin.

On s’est beaucoup inspiré du “Guide d’éco-conception de services numériques” pour ce nouveau guide, en complément de l’aide d’Estelle Hary pour les données personnelles et d’Anne-Sophie Tranchet pour la rédaction.

Comment ça s’est passé ? En fait, j’ai commencé à travailler en décembre, donc en fait il y a déjà un gros travail de squelette du site.

Donc, qu’est ce qu’on met dans chaque partie ? Qu’est ce qui est intéressant ? Quels sont les exemples ? Et puis après, de remplir ces parties là. Il y a une partie sur les données personnelles qui a été, qui a été dirigée par Estelle Hary, qui travaillait à la CNIL à ce moment-là, qui a une meilleure connaissance des données personnelles et tout ce qui est lié au RGPD.

Et après, il y a plusieurs bénévoles et personnes de l’association qui ont travaillé à la relecture et à donner des exemples. Et durant l’été, il y a aussi eu un gros travail avec Anne-Sophie Tranchet qui est intervenu en plus je crois, dans un ancien épisode…

Arnaud : Effectivement.

Flora : Qui m’a aidé à écrire, à simplifier en fait tout le texte et donc pas forcément écrire de manière… en écriture simplifiée, mais simplifier le texte pour qu’il soit le plus lisible possible et qu’on puisse le lire en diagonale.

Donc en fait, on a pris les tous les chapitres qui étaient les plus compliqués et on a simplifié tous ces chapitres avec des phrases courtes, avec des mots les plus simples possibles, et puis aussi avec beaucoup de bullet points, des titres et plein de sous titres et de titres, ce qui permet en fait de lire facilement en diagonale le guide.

Yohan : Plus agréable en plus à la lecture.

Arnaud : Il me semble aussi que vous avez fourni un… si mes souvenirs sont bons, un PDF, que tu peux télécharger ?

Flora : Oui oui, oui, il y a un PDF. On n’a pas trop communiqué dessus, mais il y a un PDF disponible, en novembre ou en décembre on l’a mis sur le site. Et il y a la version anglaise qui arrive, qui va arriver bientôt, qui est en traduction.

Yohan : Ok super.

Et bien merci beaucoup d’avoir répondu à nos questions, de nous avoir éclairé et aidé à prendre pleinement conscience de ce sujet.

Avant de te quitter, nous aimerions te poser notre traditionnelle question, est-ce que tu aimerais nous partager quelque chose qui a inspiré dernièrement ou simplement une recommandation à faire à des auditrices et nos auditeurs ?

Flora : Oui en fait, l’élément qui m’est revenu en tête, c’était vraiment la conférence de presse du 1ᵉʳ février dernier. Il y a eu la Journée de l’éco conception numérique à Paris et il y a eu une conférence, la conférence d’introduction. David Maenda Kithoko, si je prononce bien son nom sur l’Écologie décoloniale du numérique.

En février, la conférence de David Maenda Kithoko, pendant la “Journée de l’éco-conception numérique” à Paris, évoquant une écologie décoloniale du numérique, était dure mais importante.

Et en fait, c’était une conférence qui nous présentait un peu l’envers du décor, de toutes les ressources abiotiques. Comment est-ce qu’elles étaient récoltées, qu’est ce qui se passait en fait derrière tout ça ?

Je pense que c’est une conférence qui est extrêmement intéressante et un sujet qu’on a peu l’occasion de voir et d’entendre, mais qui est très important.

Arnaud : Ok, super ! Merci à toi Flora.

Flora : Merci à vous.

Arnaud : Il ne nous reste plus qu’à vous remercier d’être toujours plus nombreux à suivre notre podcast !

Nous espérons que ce nouvel épisode vous aura plu.On se retrouve le mois prochain pour un nouvel épisode de notre court format intitulé “Capsule Design” !

En attendant, n’hésitez pas à écouter ou réécouter les précédents épisodes et à vous abonner à la newsletter du podcast pour retrouver l’ensemble des ressources de nos épisodes, les tips et conseils de nos invités ! C’est sur le site salutlesdesigners.lunaweb.fr que ça se passe.

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À bientôt pour de nouveaux épisodes de Salut les Designers !