Florie de beewö : pousser la démarche grâce à l’écoconception de service
Nous l’avions déjà reçue au micro de Salut Les Designers, nous la recevons désormais sur notre blog, il s’agit de Florie Bugeaud-Remond !
Publié le 27 octobre 2025
Si vous nous suivez, vous savez que l’écoconception est un sujet qui nous anime beaucoup à l’Agence, en particulier l’écoconception web au vu de nos métiers. Mais parfois, nous imaginons un scénario idéal : celui où le site que nous écoconcevons promeut un produit ou un service lui-même engagé.
L’écoconception web est un premier pas que nous continuons d’applaudir. Mais nous aimerions aller plus loin, en encourageant nos clients à aller questionner leur démarche globale. C’est là que Florie, de beewö, intervient ! beewö est un partenaire précieux de l’Agence : celui que nous recommanderions les yeux fermés.
Nous n’en disons pas plus, l’interview est là pour vous faire découvrir Florie ainsi que son métier.
Bonne lecture !
Peux-tu te présenter ainsi que ton métier ?
Florie : Je m’appelle Florie, je suis la fondatrice et présidente de beewö. En termes de métier, on m’a rangée dans de nombreuses cases ces 15 dernières années. J’ai été ingénieure de recherche, analyste, business developer… En réalité, et bien que je n’ai pas fait d’école de design, je suis “designer de services” et même “éco-designer de services” aujourd’hui.
Le premier terme signifie que j’aide les entreprises à imaginer, concevoir, tester et donner vie à des offres de services à destination de leurs clients, utilisateurs, usagers… Ou à reconcevoir une offre lorsque celle-ci ne rencontre pas de succès ou est devenue obsolète, par exemple. Cela nécessite d’avoir à la fois une compréhension fine des enjeux et contraintes de ces entreprises, des profils, attentes et freins de leurs clients, mais aussi une analyse systémique du monde qui nous entoure. L’objectif étant de co-concevoir avec les métiers des systèmes de services “désirables, viables et faisables”.
Le second terme signifie que j’aide les entreprises à intégrer pleinement les enjeux et la dimension environnementale dans les projets de conception ou reconception de services que l’on me confie. Ensemble, nous analysons leurs impacts (possibles ou réels), identifions et mettons en œuvre des stratégies et pistes d’éco-conception, créons des concepts plus vertueux.. Le tout pour aligner leurs valeurs et engagements, leurs stratégies et leur offre de services !
Qu’est-ce qui t’a poussé à créer beewö et quelles attentes avais-tu de cette aventure entrepreneuriale ?
Florie : Le concept même de beewö me hante depuis des années ! D’une part, parce que pendant ma thèse de doctorat (soutenue en 2011) j’intégrais déjà la question de la prise en compte du vivant en matière de conception de services et que j’aspirais à revenir à ces considérations, alors lointaines pour mes employeurs et clients. D’autres part, parce que le triptyque dont je parlais juste avant (désirable, faisable et viable) a fini par m’agacer ! C’est une sorte de mantra en design mais il est très centré sur les désirs de l’humain et un objectif business à tout prix qui sont totalement déconnectés de la réalité de notre société et de l’état de la planète. Faire des services, toujours plus de services, les plus rentables possibles sans considération pour leurs impacts sur l’environnement (climat, biodiversité, ressources naturelles…). Cela n’a pas de sens et les services sont très clairement les impensés de l’éco-conception et des démarches de “transition” de manière générale.
En créant beewö, j’ai voulu diffuser ce message, revoir nos méthodes et nos pratiques pour tendre vers une démarche d’éco-design de services que j’ai nommée “Green Service Design”. Je voulais tout simplement m’engager, ne plus être passive face aux enjeux et aux conséquences du changement climatique, de l’érosion de la biodiversité ou encore de la surconsommation des ressources de notre planète, le tout étant intimement lié. Impossible pour moi de continuer à concevoir des services inutiles et délétères. Aujourd’hui beewö est un collectif d’experts engagés avec des compétences complémentaires et des valeurs partagées.
Ça ne te faisait pas peur de te lancer seule sur un sujet si niche ?
Florie : Pour être honnête, je n’ai pas eu peur de me lancer. J’avais conscience des risques mais je crois que j’avais suffisamment mûri le projet, que je n’avais plus peur de l’échec et surtout que j’étais prête à titre personnel. On se met souvent des barrières, en particulier nous les femmes. Il faut accepter de les faire tomber, de se donner une chance, de croire en soi et d’avoir aussi confiance en son entourage.
Sur un autre registre… Ça veut dire quoi beewö ?
Florie : Ça, c’est un secret que peu de personnes connaissent. Je vais vous le révéler mais attention ça reste entre nous ;-).
beewö vient de la contraction de “better” (be) et “world” (wo). Mais “bewo” ce n’était ni joli ni percutant… Alors j’ai ajouté un “e” pour la sonorité (non à la base je ne pensais pas aux abeilles !) et un tréma sur le “o” pour faire un clin d’oeil aux pays nordiques et à l’Allemagne qui sont les berceaux, mais aussi des terreaux fertiles, du design de services.
Cette idée m’est venue en regardant un documentaire sur les conséquences du changement climatique. Le narrateur a dit “better world” en parlant de celles et ceux qui se battent pour que l’avenir soit un peu moins sombre que prévu. Cela a fait tilte ! Moi aussi, à mon tout petit niveau, je voulais participer, utiliser mes compétences et mon énergie pour offrir à mes enfants et à toutes les générations futures un avenir un peu plus lumineux.
Qui sont tes clients ? As-tu des critères de sélection ?
Florie : C’est très varié car en réalité il y a des services partout ! Il n’y a pas de taille ou de secteur spécifique. Petites, moyennes, intermédiaires et grandes… tertiaires ou industrielles… Quasiment toutes les entreprises aujourd’hui proposent des services à leurs clients. Même le secteur public est concerné car l’Etat et les collectivités offrent de nombreux services aux administré.e.s et citoyen.ne.s que nous sommes. Mais comme je le disais, les services sont un impensé de la “transition”. Ces acteurs clés pensent généralement à l’isolation de leurs locaux, au tri des déchets, aux achats responsables et à l’éco-conception de leurs produits (biens tangibles) mais rarement aux services.
Je n’ai pas de critères de sélection à proprement parler. La sélection se fait naturellement car les dirigeant.e.s (PDG, directeur.rice RSE / stratégie / innovation / design, gérant.e ou co-gérant.e…) ou responsables de projets avec lesquel.le.s j’échange sont déjà sensibles à ces enjeux. Ils ont compris les conséquences, le risque pour la pérennité de leurs activités, la nécessité de revoir leur offre et parfois même leur modèle global. Le degré de maturité de l’entreprise est en revanche très variable.
Concrètement quelles sont tes missions ? Quels genres de livrables produis-tu ? Avec quoi repartent tes clients ?
Florie : beewö propose 6 types de prestations :
- la sensibilisation : ce sont des ateliers de sensibilisation à la question des impacts des services. Aujourd’hui, c’est sous la forme de conférences ou de sprints d’éco-conception de services mais bientôt, je proposerai une forme plus ludique,
- le diagnostic (quali ou quali-quanti) : il s’agit de l’ “audit” d’une stratégie de service et d’un portefeuille de services existants pour identifier les enjeux environnementaux associés au service. Il y a ensuite une phase d’idéation pour réfléchir à comment lever ces enjeux. Ça donne lieu à un début de feuille de route pour que l’entreprise complète son travail,
- la mise en œuvre : on crée un service performant, utile, désirable et le plus vertueux possible. On s’interroge sur le déroulé, les éléments requis, les partenaires, la manière de présenter l’offre aux clients, les process internes, etc., puis lancement ou relancement du service sur le marché,
- la recherche d’opportunités : plus en amont, on est plutôt sur le fait d’imaginer puis de créer un nouveau service qui va répondre à des besoins. Cela passe par un accompagnement à la compréhension des besoins réels sur le marché de l’entreprise pour identifier un concept de service utile, qui répond à des besoins tout en étant le plus vertueux possible. Les entreprises repartent avec un concept de service testé et validé. Puis il y a, pourquoi pas, la phase de mise en œuvre,
- la redirection du modèle économique : ici, j’accompagne une entreprise qui a déjà une stratégie servicielle mais qui veut la faire évoluer. Ça peut aussi être une entreprise industrielle qui s’interroge sur son modèle pour devenir plus serviciel,
- la formation-action : j’aide à la montée en compétences des collaborateurs qui sont dans une direction design ou marketing pour permettre à l’entreprise d’évoluer avec ses propres ressources.
En résumé, dans mon métier, il y a une part de sensibilisation, une part d’amélioration de l’existant (avec une réduction des impacts), une part d’innovation de manière vertueuse (recherche d’opportunité ou stratégie économique), et une part de formation.
Une journée type pour toi ressemble à quoi ?
Florie : Les journées ne se ressemblent pas vraiment même s’il y a des points communs parfois lors des accompagnements : observations, entretiens, évaluations, ateliers d’idéation sur des pistes d’éco-conception… Les sujets adressés sont différents mais les méthodes et outils utilisés sont souvent les mêmes.
Être entrepreneure cela veut dire être multi-casquettes (stratégie, prospection, communication, administratif… et production). Sur une journée, tu réponds à tes clients sur les sujets en cours, tu prépares tes ateliers ou formations, tu évalues les services de tes clients, tu travailles sur ta com’ et ta prospection, et la partie administrative prend du temps. C’est aussi très variable selon les urgences. Mais mes journées préférées, ce sont les ateliers clients !
Il y a aussi le volet “dossiers de demandes de subventions” qui prend du temps car il existe des aides de l’ADEME et de BPIFrance pour bénéficier d’un aide financière. beewö est référencé auprès de ces organismes pour ses prestations. Cela permet aux entreprises de se lancer sur ces sujets-là. Le reste à charge est faible mais tout cela nécessite un peu d’administratif. J’aide les entreprises à relire leurs dossiers pour que ce soit validé voire j’aide à l’écriture même de ce dossier. Cela fait partie de mon quotidien car cela permet de lever la contrainte financière.
Aujourd’hui, beewö a tout un réseau de partenaires. Peux-tu nous en dire plus ? Quel genre de partenaires ? Sur quoi les choisis-tu ? La complémentarité des compétences ?
Florie : Là aussi je n’ai pas de critères de sélection, cela se fait naturellement au gré des rencontres. Bien sûr, l’idée est de pouvoir proposer à nos clients des briques de compétences complémentaires (communication et graphisme responsable, green ux, éco-conception numérique, éco-conception de produits, etc.) et des accompagnements sur-mesure, le tout avec des valeurs communes que nous défendons haut et fort.
L’idée aussi est de pouvoir proposer des accompagnements de proximité avec des experts locaux. Nous sommes mutuellement de bons relais. Mais c’est avant tout une histoire d’humain.e.s ! J’ai eu la chance de rencontrer des personnes réellement engagées, ultra-compétentes et attachantes comme chez Lunaweb ! Je suis fière d’avoir fait monter à bord de beewö ou d’avoir collaboré avec elles et eux. Les retours clients sont d’ailleurs toujours très positifs car il y a une réelle complémentarité et une confiance mutuelle.
Mais sur ces questions de coopération et de diffusion de l’éco-conception de services, beewö va vivre de grands changements dans les mois à venir. Je n’en dis pas plus !
Depuis le temps que tu fais ce métier, as-tu l’impression que les opinions sur l’écoconception s’améliorent ?
Florie : L’éco-conception de produits est passée dans les mœurs. L’éco-conception web et numérique est en train de le devenir aussi car nous avons la chance d’avoir une communauté forte en France. Mais l’éco-conception des stratégies et offres de services, ce n’est pas encore ça. C’est très récent et cela demande de la pédagogie.
De manière plus générale, on assiste quand même à un recul majeur sur les questions environnementales depuis l’année dernière et encore plus depuis début 2025.
Est-ce que dans le bassin rennais tu rencontres beaucoup d’entreprises intéressées ou ça reste encore majoritairement en région parisienne ?
Florie : Le territoire breton est très dynamique sur ces questions ; les entreprises mais aussi les pouvoirs publics (cf. Rennes Métropole). J’espère pouvoir aider à faire de ce territoire un pionnier et un exemple. Mais à l’heure actuelle, il n’y a pas de territoire qui se démarque. On fait appel à beewö de partout.
Un peu d’auto-promo pour ton livre ?
Florie : Avec plaisir :-)
Green Service Design est le 1er et seul ouvrage qui parle d’éco-design de service. J’ai eu carte blanche de la part du Pôle Eco-conception, qui est partenaire de beewö et l’éditeur du livre. Il s’adresse à différents profils, reprend les bases du design et de l’éco-conception pour mieux proposer une démarche d’éco-design spécifique et adaptée à la complexité des services. Et le livre est entièrement éco-conçu grâce à l’aide de Lucile Quero, pionnière en matière de communication responsable (cf. son propre livre : l’écoconception pour les graphistes).
L’interview touche à sa fin. Un grand merci à Florie pour avoir pris le temps de nous répondre. Nous espérons qu’elle vous aura inspiré, donné envie de travailler avec beewö ou motivé à questionner vos services.
Nous sommes à votre écoute si un projet de site écoconçu est dans les cartons de votre côté !



