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L’ère du numérique nous a conduit depuis plusieurs années à repenser nos modes de conception web, régis par une tendance du toujours plus rapide, toujours plus performant, à l’instar des dernières prouesses technologiques. Aujourd’hui, quelle place devons-nous donner à l’humain dans cette nouvelle dimension ?

Nos créations, gravitant dorénavant de plus en plus autour des univers de l’intelligence artificielle, des objets connectés, de la réalité virtuelle et/ou augmentée, à destination de services innovants, marquent une tendance à se focaliser sur l’Interface homme/machine.

Une dynamique qui nous pousse, de ce fait, à bien souvent privilégier l’étude de l’utilisabilité, au risque peut-être d’oublier que l’expérience utilisateur est avant tout humaine et de considérer les besoins, les attentes, les usages et les ressentis de celui-ci. Car oui, l’humain est bel et bien le sujet de toutes nos réflexions !

 

L’humain à cœur ouvert

Lors de notre interview/podcast avec Carine Lallemand, celle-ci soulignait justement l’importance de la notion des moteurs de l’expérience « créer des systèmes qui répondent à des besoins fondamentaux, à des valeurs » et soulevait qu’en ce cas le terme « utilisateur » pouvait être réducteur.

En effet, chaque utilisateur a sa propre identité, sa propre sensibilité, une observation différentielle tant au niveau de la variabilité intra-individuelle que de la variabilité inter-individuelle. Le but initial d’un test utilisateur ne réside-t-il pas dans l’appréhension du comportement humain pour améliorer son quotidien ? Or, nous savons que nous ne sommes pas tous égaux face à nos ressentis. Ne vaut-il donc pas mieux parler d’expérience humaine alors ?

Là où notre approche est fonctionnelle lorsqu’il s’agit de parcourir l’architecture d’un site, elle devient émotionnelle en phase décisionnelle. Dans son analyse, Edith Khairani Cresson fait notamment mention de 3 facteurs émotionnels négatifs pouvant influencer l’orientation d’un utilisateur : l’inquiétude, l’intensité, l’interprétation. L’état de stress est souvent l’élément déclencheur de perceptions et surgit lorsque les utilisateurs font face à des fonctions qui les empêchent d'atteindre leurs objectifs.

Qui n’a pas vécu ce genre de situation, où face à un environnement web douteux, incertain voir complexe, on préfère quitter la sphère ? De l’importance donc de capter les émotions de ses internautes afin d’anticiper les besoins et concevoir des services numériques adéquats et confortables dans un environnement non anxiogène. Toucher sa cible, c’est avant tout une question d’observation, d’échanges, de mise en confiance et cela passe par de la bienveillance.

Montre moi tes émotions

Composante nécessaire pour la compréhension de l’utilisateur mais pas exclusive, l’empathie concède une approche personnalisée pour identifier les besoins et résoudre les problèmes. L’empathie en tant que composante émotionnelle de la simulation mentale, désigne la capacité que nous avons de nous mettre à la place d’autrui pour comprendre ce qu’il éprouve.

Pour Jen Brisseli, qui a exploré le sujet, l’empathie ne se limite pas à imaginer ce que ressent l’internaute mais ouvre une autre perspective plus ciblée lors d’une démarche UX. Comme le fait remarquer Elisabeth Pacherie nous pouvons observer une différence entre se mettre à la place de l’utilisateur afin de réfléchir aux types de problèmes qu’il pourrait rencontrer (faire preuve d’empathie) et vraiment ressentir les émotions et les affects auxquels il est confronté (faire preuve de sympathie).

observatoire

 

L’empathie oui, mais…

C’est là où l’empathie tend ses limites, car si la bienveillance est un élément pivot d’un process de conception réussi, rappelons que chaque utilisateur a sa propre identité dans son entièreté mais pas seulement. Il est important de mesurer également que chaque utilisateur n’a pas la même mobilité !

Parlons ainsi de l’accessibilité web pour les personnes à handicap et les personnes âgés rencontrant des difficultés dues au vieillissement. La notion humaine prend dès lors toute sa signification car aussi grande soit l’empathie, il semble alors difficile pour tout un chacun de comprendre les diversités de handicaps et leurs complexités.

Dans son dernier billet, Marie Guillaumet pointe avec justesse le manque de prise en compte de la pluralité des handicaps dans les méthodes de simulation d’utilisation d’interfaces et met en exergue l’intérêt fondamental de solliciter les personnes concernées par les tests. L’accessibilité, pourtant reconnue comme un droit universel depuis 2006, se heurte malheureusement encore à de nombreuses résistances en France et ceci, soit par un manque de savoir faire aiguisé ou soit parce que mal connue.

Gageons que l’essor des méthodes UX visant à mettre en avant l’humain dans toute son hétérogénéité, permette à l’accessibilité d’être à l’avenir un point sine qua non à l’élaboration de projets numériques.

Et si le futur s’annonçait plus centré humain qu’on ne le pensait ?