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Paroles d'un UX Researcher

Interview – Ingénieur de formation, Benoit s’est rapidement orienté  vers l’ergonomie logicielle. En 2021, après plusieurs années au sein du ministère des Armées, il intègre l’Agence en tant qu’UX Researcher. L’occasion d’échanger avec lui sur les différences entre ergonomie et UX Research, de parler protocoles d’études mais aussi de psychologie et même d’heuristique !

Publié le 23 août 2021 par Guirec Gombert

Les UX Researchers en pleine discussion.

Justine, Benoit. Benoit, Justine. Tous deux forment notre équipe de choc d’UX Researchers. Un métier sur lequel nous avons déjà levé le voile, mais en partie seulement, et qui méritait donc que l’on s’y intéresse davantage. C’est aujourd’hui chose faite avec Benoit.

> Zoom sur le métier d’UX Researcher

Comment résumerais-tu le métier d’ergonome IHM ?

C’est une spécialisation de l’ergonomie, une discipline née avec l’industrialisation et l’émergence de la classe ouvrière. Elle consiste alors à réfléchir à la manière dont les travailleurs interagissent avec les machines.

L’ergonomie IHM (Interface Homme Machine) pense, elle, l’interaction entre l’homme et les interfaces graphiques des ordinateurs ou des smartphones et tablettes. Son but est de rendre cette interaction la plus simple possible et donc d’en faciliter l’usage pour les utilisateurs.

Mais encore….

J’aime bien dire que les utilisateurs sont à la fois tous pareils et tous différents. Je m’explique : tous différents car nous avons évidemment des goûts et des personnalités différents mais aussi des capacités différentes : il y a des personnes daltoniennes, des jeunes, des personnes plus âgées, en déficience visuelle, etc.

Et tous pareils car au fond nous avons un cerveau qui fonctionne de la même manière, avec les mêmes limitations en termes de perception et de mémoire. Malgré cela, lorsque nous naviguons sur une interface nous aimerions que les choses soient faciles à comprendre et à utiliser. D’où la ressemblance de tous les sites entre eux, afin de ne pas perdre l’utilisateur et de lui faciliter la vie.

> La loi de Jakob résume cela et postule que l’originalité n’est pas (toujours) une qualité en design web

Comment crée-t-on une interface qui s’adapte à tous ?

C’est impossible mais il faut chercher à la rendre la plus accessible à tous. Dans le cas de la daltonie, les boutons des sites ne doivent pas être pensés uniquement avec de la couleur mais en jouant sur leur forme par exemple. L’idée est de toujours proposer au moins deux possibilités pour ne pas bloquer les gens dans leur navigation.

Maintenant que tu es UX Researcher au sein de l’Agence, comment expliquerais-tu la différence avec un ergonome IHM ?

Interview Benoit, UX Researcher
Benoit nous explique son métier d'UX Researcher, entre ergonomie et psychologie.

Cette différence est encore débattue… Si l’on doit vraiment chercher une différence, je dirais que l’UXR s’intéresse davantage au côté émotionnel des utilisateurs, avant, pendant et après l’interaction. Et que l’ergonome est peut-être plus dans une recherche d’efficience quand l’UXR veut, également, mesurer le plaisir qu’un utilisateur a à naviguer.

Mais l’intérêt porté à l’observation des interactions des utilisateurs est dans les deux cas très proche.

Cette prise en compte des émotions, c’est le côté psy du métier ?

On peut dire les choses ainsi, à condition de ne pas oublier que la psychologie est une science qui cherche à expliquer les comportements humains. Dans mon travail, je me base sur des questionnaires et des scénarios d’études visant à mesurer des choses très précises. Nous ne travaillons pas au pifomètre !

Lorsque tu crées des scénarios pour des tests utilisateurs, comment les réfléchis-tu ?

Ces scénarios de test se basent sur la compréhension des tâches que veulent mener les utilisateurs. Je pars notamment des personnas et des parcours utilisateurs. A défaut, j’échange un maximum avec le client pour récolter sa connaissance utilisateur.

Les scénarios suivent un ordre logique et visent à vérifier une ou deux hypothèses à tester. C’est un travail itératif, mené avec les collègues et le client.

 

Si je te dis heuristique, tu penses à… ?

Au fait que c’est une partie de la science qui s’intéresse aux procédures de recherche et de découverte bien sûr ! (merci Wikipédia ;) ). Ce terme renvoie à la manière dont on explore scientifiquement un champ de recherche à partir de connaissances partielles.

C’est une très bonne définition du métier d’UXR : à savoir comment, à partir de connaissances partielles sur les utilisateurs,  récolter de manière organisée de nouvelles informations et comment les restituer au reste de l’équipe.

> À propose d’heuristique, (re)lisez notre article sur les 10 principes du Webdesign accessible et ergonomique

Quand on évolue dans un domaine que l’on connaît très bien, comment comprendre les personnes qui, elles, ne maîtrisent pas, ou peu, le sujet ?

Là encore, il n’est pas possible d’avoir une empathie parfaite, mais le rôle de l’UXR est d’avoir une empathie la plus importante possible. C’est pourquoi il faut aller à la rencontre des utilisateurs finaux pour comprendre leur manière de réfléchir, leur peur, voir comment ils interagissent sur l’interface…

Le questionnement, l’observation et l’analyse sont nos outils pour le faire de manière efficace.

Entre deux agences de design concurrentes, le rendu d’une interface peut-il être totalement opposé ?

Totalement, je ne pense pas. Comme je l’ai déjà dit, il y a des règles de conception tacites qui font que d’un site à l’autre, on retrouve de nombreux éléments communs. Mais des facteurs comme l’expertise ou le temps attribué à l’étude des utilisateurs, font que le rendu sera différent. Cela ne veut pas forcément dire qu’une agence ou l’autre aura fait un meilleur travail.

Dès lors que les besoins ont été compris, il est possible de proposer des choses différentes.

Pour ceux qui aimeraient encore mieux comprendre ton travail, peux-tu nous donner une référence (livre, films, etc.) ?

Pas un mais de nombreux ouvrages, actuels comme passés. Pour s’initier à l’UX, je conseille The Design of Everyday Things de Don Norman, considéré comme l’inventeur de l’UX. Pour les mordus de représentation graphique, il y a la Sémiologie graphique du cartographe Jacques Bertin. Cet ouvrage a plus de 50 ans mais pose les fondements théoriques permettant de faire ressortir de nombreuses informations sur une carte ou un graphique en utilisant non seulement les couleurs et les formes mais aussi les tailles, les orientations, etc.

Lisez les bouquins de référence mais, pour mieux comprendre le monde, intéressez-vous aux vieux ouvrages et pas uniquement à ceux en lien direct avec votre domaine. Et si l’UX vous intéresse vraiment, échangez, posez des questions … Bref, creusez votre propre sillon car l’essentiel au final c’est que cela vous plaise !

Rédigé par

Guirec Gombert
UX Writer (ne travaille plus chez LunaWeb)