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SLD #13 - Fibre Tigre, Narrative Designer

SLD #13 - Fibre Tigre, Narrative Designer

Nous avons eu la chance d’interviewer pendant l’édition 2019 des 360 Possibles Fibre Tigre, créatif multi-casquettes et scénariste bien connu de la scène indé du jeu vidéo.

Publié le 08 avril 2020

Fibre Tigre, Narrativ Designer

Retrouvez dans ce nouvelle épisode de Salut les Designers notre interview avec Fibre Tigre. Au programme un échange sur le quotidien d’un Narrative Designer, ses challenges, ses méthodes et l’avenir de ce métier particulier, entre innovations technologiques et style littéraire.

Bonne écoute !

La retranscription de l’épisode

Guillaume : Bonjour à tous et à toutes bienvenue dans ce nouvel épisode de Salut les Designers, le podcast design de l’agence Web. Aujourd’hui dans le cadre de 360 Possibles je reçois Fibre Tigre.

Fibre Tigre : Bonjour !

G : Bonjour Fibre ! On va être ensemble pendant une demi heure, trois quarts d’heure pour aborder la thématique du design à travers ton métier qui est celui d’auteur de fiction interactive, entre autre. Du coup peux-tu te présenter rapidement pour ceux et celles qui ne te connaîtraient pas ?

FT : Mon pseudo est Fibre Tigre, je travaille essentiellement dans le jeu vidéo même si c’est compliqué d’avoir une vision d’auteur dans ce secteur là. Je fais aussi de façon marginale de la bande dessinée et d’autres choses, des séries TV, tous ça.

G : Du coup on te connaît effectivement peu-être plus pour être auteur notamment de jeux vidéo. Qu’est ce qui t’a amené tous simplement à développer ça, à t’intéresser au game design et à la fiction interactive ?

FT : En fait à la base je ne sais pas dessiner et j’ai toujours voulu faire ce qu’on appelle des Point & CClick, c’est des jeux vidéo, ou il y a beaucoup d’animation 2D, qui marchaient très bien les années 90, aujourd’hui j’en ferais pas mais à l’époque quand j’ai commencé à avoir un peu de temps et de latitude et de surface intellectuelle, je commençais à faire ça et je me suis aperçu rapidement que je n’avais pas les moyens de faire ça. Et du coup je pouvais juste faire une chose, c’était produire du texte et à ce titre je me suis dis, je me suis renseigné sur la fiction interactive, qui est du texte interactif.

C’est vraiment le pire type de jeux vidéo, c’est vraiment ni sexy, ni intéressant. À l’époque il y en avait pas en français, mais par contre par exemple le marché malentendant était très intéressé pour ce type de texte à l’époque. J’ai commencé en 2000 à faire de la fiction interactive strictement et comme c’est une scène qui n’est pas très sexy, c’est une scène expérimentale. Du coup c’est comme si j’avais fait de l’expérimentation pendant quasiment 20 ans et jusqu’à aujourd’hui. Le texte est très malléable on peut faire plein de choses on peut aller très loin dans les concepts avec très peu de frais et très peu d’investissement de temps.

Et du coup effectivement j’ai appris tout un tas de recettes qui sont très intéressantes et qui m’ont beaucoup servi, quand j’ai basculé dans le jeu vidéo commercial.

G : Ok, à la base c’était vraiment un souhait de ta part de raconter des histoires et à travers l’écriture…

FT : Interactive !

G : Dès le début cette notion d’interaction était importante ?

FT : On va dire, d’ailleurs c’est une théorie que j’ai actuellement qui est peut-être fausse et qui sera peut être démontrée comme fausse mais il y a trois étapes sur l’escalier que l’on peut voir aujourd’hui dans la narration linéaire.

On lit un roman de A à Z, tu as la narration interactive qu’on peut voir dans les livres dont vous êtes le héro ou dans les jeux textuels. Et encore on pourrait faire des sous-marches parce qu’il y a des embranchements, il y a la narration objets mais voilà. Et aujourd’hui ça va un petit peu plus loin c’est ce qu’on appelle le procédural et l’intelligence artificielle. C’est à dire que l’ on est passé de : le joueur réécrit partiellement l’histoire en choisissant les embranchements à : demain une équation mathématique où une IA va carrément écrire l’histoire dont le joueur va choisir les embranchements. Ce sont des choses qui sont discutables mais voilà.

G : Du coup toi en tant qu’auteur de fiction interactive et sachant que tu bidouilles un peu l’intelligence artificielle aussi, est ce que tu penses qu’une des pistes d’évolution en tant qu’auteur ça va être de coder une intelligence artificielle pour créer des fictions interactives ?

FT : Alors l’air de rien, c’est la question à vraiment, j’allais dire un million dollars mais plutôt à un milliard de dollars. Non mais vraiment la question c’est…

Première question est ce que le procédural peut remplacer un humain ? Deuxième question est ce que l’intelligence artificielle peut remplacer un humain ? Aujourd’hui la réponse elle est rapide parce qu’un humain ça ne coûte pas si cher que ça, surtout un narrative designer. Du coup la réponse est souvent non. Et il se trouve, on peut rentrer dans le détail, mais des experts disent que oui c’est le futur. Je pense que non ce n’est pas le futur à titre personnel. Déjà parce que j’ai un avis de Français. Et ça l’air de rien parce que quand on manipule du texte français ce n’est pas comme manipuler du texte américain. C’est à dire qu’une fleur blanche aux états-Unis c’est « white flower », un sac blanc ça sera « white bag » alors qu’une fleur blanche, c’est Blanche c-h-e, tandis qu’un sac blanc c’est blanc b-l-a-n-c et la transition de blanc à Blanche, c’est une exception, ce n’est pas une règle qu’on peut coder. Et du coup là on arrive aux limites du procédural. Après une intelligence artificielle peut faire ça mais une IA elle tu la code avec un certain corpus de mots. Il faut que tu produise des mots en suffisamment grand nombre pour qu’elle soit efficace. Ce nombre c’est 3 milliards. Du coup ce n’est pas possible aujourd’hui d’avoir des corpus intéressants, thématisés. Pour toutes ces raisons et pour bien d’autres je pense que le futur n’est pas par là.

Le futur ne sera pas dans la génération d’histoires par des IA mais dans la manière dont les interactions entre joueurs en créeront de nouvelles.

Par contre le futur sera probablement dans l’intégration du multijoueur, c’est à dire que au lieu de dire : il y a un dragon qui a capturé une princesse, vous êtes le chevalier, il faut aller la sauver, ça va être plutôt : joueur B a capturé la princesse, il faut aller la sauver. Le joueur A arrive devant le joueur B mais il n’a pas forcément le tuer, il va peut être dire : bah on garde la princesse ensemble ou on laisse tomber la princesse on va jouer ensemble et il va se passer de l’interaction absolument inédite, comme tout ce qui se passe entre deux humains qui fait que ça va être des narrations intéressantes.

G : OK du coup dans le cadre de 360 possibles, tu as présenté une conférence sur le thème un peu des « Cheatcodes de la vie » et nous on aime bien demander aux gens qu’on invite un petit peu quel est leur quotidien en tant que designer dans la réalisation de leurs tâches ou dans la pratique de leur métier. Est ce que toi, même si la journée type n’existe pas forcément, est ce que tu as un peu une vision comme ça tu peux partager sur ça ?

FT : Je me lève quand je veux, ça c’est le privilège, après une bonne nuit de sommeil et je commence à travailler quand je veux, mais bon faut pas trop tarder non plus. Je m’occupe en premier des réseaux sociaux, je répond à tous mes mails, objectif boîte mail zéro. Toujours. Et, ensuite je m’occupe de mes réseaux sociaux, un petit message sur chacun de mes réseaux sociaux. C’est possible le plus pertinent possible qui peut m’attirer de la visibilité. Sachant que j’ai des réseaux sociaux dédiés à des projets désormais. Par exemple The Beautiful Walk ou Game of Rôles ont leurs propres canaux, donc il faut que… ce n’est pas simplement ma propre marque personnelle dont je fais la promotion mais les sous projets.

Et après j’attaque les projets en tant que tel, je consacre environ une heure par projet, donc je fais plusieurs projets les uns après les autres par petits bouts. Sachant que passer sur le projet 2 me repose du projet 1, ainsi de suite. Comme ça je peux tenir la distance. Et je fais des pauses quand je veux, généralement je les time, je fais des pauses d’une heure fixe, pendant lesquelles je joues au jeu vidéo, je fais autre chose et où je vais faire du vélo.

Et ce qui est important, le soir je fais deux choses, l’une ou l’autre ou les deux en même temps. Ça rentre dans le cadre du travail c’est que je fais de la recherche et du développement. C’est à dire que je me dis : tiens on va tenter de…

Par exemple en ce moment, j’essaie de créer une sorte de livre dont vous êtes le héros infini. Comment je pourrais faire pour que ce soit infini, de façon informatique, en regénérant des histoires toujours nouvelles mais tout en gardant l’intérêt. Je pense que c’est pas très fécond mais je n’ai pas d’autre sujets en ce moment donc je travaille là dessus.

Et deuxième truc que je fais aussi c’est je stream. Donc streamer c’est tu joues à un jeu vidéo où tu fais une activité avec d’autres personnes qui te regarde mais elles participent. Et je trouve, déjà c’est enrichissant. Tu es avec d’autres personnes c’est cool on peut se parler et on peut faire les deux en même temps, je peux dire : tiens je vais coder un générateur de plantes et il y a d’autres personnes qui sont là qui me regardent coder, qui me renseignent. Ça, quand tu as la force c’est très sain parce que ça te permet d’emmener tout ton crew avec toi et ils participent un peu au projet c’est vraiment cool. C’est une chose que j’essaie de faire. Ça c’est la journée idéale qui se passe bien.

G : Et tout à l’heure du parlais de réseaux sociaux. Est ce que tu peux nous parler 2 secondes de l’utilisation que tu fais de Linkedin parce que j’ai l’impression que tu as une activité un peu particulière dessus (rire)

FT : Alors Linkedin, c’est un réseau qui est très typé ambiance entrepreneur-winner, à tel point qu’il y a des gens qui caricaturent le réseau et le réseau on s’aperçoit que c’est des caricatures. Donc effectivement j’essaie de le prendre complètement à contrepied. C’est à dire… En fait on est dans un… Les gens sont tellement ennuyeux que si tu insultes les gens sur Linkedin ça va être tellement bizarre que les gens risquent de te trouver un job tu vois ? Donc voilà, toujours de l’humour, toujours j’essaie de publier des choses surprenantes, drôles. L’important c’est de faire rire. Je fais Linkedin parce que j’ai arrêté Facebook. Facebook a un problème c’est qu’à la fois tu as ton patron, ton client, ta petite sœur et ta mère et ton plan cul. En même temps. Et à un moment il y a un problème sur Facebook tu vois. Et Linkedin ce qui est bien c’est que tu as que tes contacts professionnels.

G : C’est vrai que j’ai l’impression quand je lis tes posts ou que j’en vois passer qu’il y a presque pour le coup un travail d’auteur. En tout cas ça rentre un peu en cohérence avec ce travail là de formuler des textes particuliers.

FT : Saches que ça ne prend pas plus qu’une minute par jour. C’est à dire vraiment je vais… En plus je me permets de faire des trucs honteux que je ne ferai pas sur Twitter. Par exemple sur Twitter quand je poste, quand je reprends une image de Reddit, je dis la source. Là pour une majorité, je la colle, je m’en fous. Je dis : « Hééé alors vous en pensez quoi Ubisoft bande de cons ? » Et c’est drôle parce que les gens ils rigolent un peu tu vois, un peu de poil à gratter mais c’est vraiment… C’est amusant de prendre ce réseau a contrepied. Je trouve qu’il y a aucun intérêt malheureusement dans Linkedin, les gens ne sont pas très intéressants.

G : OK. On le disait tu es auteur de fictions interactives et quelque part il y a aussi cette idée un peu de Game Design. Qu’est ce que tu peux dire sur ce rapport là que toi tu as entre quelque chose qu’on voit peut-être plus comme de l’écriture de ton côté on va dire et l’image qu’on se fait dans Game Design ou il va y avoir des niveaux, il va y avoir de la création d’un jeu avec un personnage. Comment on peut dire que l’écriture EST du game design ? Est-ce que c’est vrai, est-ce qu’on peut le dire déjà ?

FT : Je commence à la fin par une anecdote amusante. On est 2-3 dans le monde; en tout cas en France à faire de la fiction interactive depuis 20 ans. Et si tu veux à un moment tu connais bien le métier et tu n’as plus besoin d’outils. Toi tu me demande de faire une fiction interactive ? Je prends mon crayon et je l’écris tu vois, je ne fais pas de schéma je fais rien parce que je sais faire. Comme les gens qui parlent allemand toute la journée ils se mettent à parler allemand, ils ne réfléchissent pas les déclinaisons. Effectivement parfois c’est compliqué quand j’ai une équipe de prod, je leur livre un document, ils me disent : Ou est les schémas ? Je dis mais je n’ai pas de schéma. Mais comment t’as pu faire un truc sans schéma ? Parce qu’en fait c’est intégré en moi.

Maintenant le game design ce qui est intéressant. Le game design, la science de créer un jeu, c’est une science qui a 40 ans. Donc à la fois, va voir la science de la charpente, de construire un bâtiment en 40 ans après la guerre de la première brique, il n’y a pas grand chose donc il y a tout à faire.

Ce qui est intéressant c’est que il n’y a aucune structure des savoirs parce que les savoir faire sont jalousement gardés et il n’y a pas de propriété intellectuelle. Donc dans cet ecosystème là souvent on a des gens qui réinventent la roue en permanence. C’est à dire qu’il y a des gens qui arrivent avec l’idée du siècle qui a déjà été faite en 1983. Et les gens ne jouent pas aux classiques. Voilà. Je dirais que la grande perte de temps et d’énergie aujourd’hui c’est un manque de connaissance des classiques. Souvent quand on nous demande de faire un jeu vidéo sur un thème particulier, je dis quand je donne des cours à des professionnels, je leur dis vous devriez même pas réfléchir. C’est comme des joueurs d’échecs quand il y a des ouvertures. Les joueurs d’échecs, les 20 premiers coups ils réfléchissent pas, c’est des ouvertures, des contre-ouvertures et ainsi de suite mais là c’est pareil. Vous devriez pas être en train de dire : Quel game design je vais appliquer cette thématique ? Parce que vous devriez déjà l’avoir dans votre bibliothèque de coup. Par contre vous devriez vous dire comment le faire le plus homogène possible, leur donner du sens. Et ce qui est intéressant c’est que le game design a des signatures, c’est à dire que si tu me donne un jeu particulier avec un système de règles, « Ah ! c’est plutôt ce game designer là ».

Après c’est très vaste, il y a plein de choses, il y a les jeux au tour par tour, les jeux en temps réel… Et être innovant c’est à la fois compliqué mais le game design c’est une des choses qui ne tombe pas sous le coup de la propriété intellectuelle. Donc comme la science et contrairement au cinéma, comme la science vous pouvez prendre un game design qui a bien marché jusqu’à présent, et dire : Je vais prendre Super Mario et je vais faire encore mieux, ou je vais ajouter ce twist là. À la foi c’est pauvre comme système de game design et à la fois c’est riche. Enfin, ça nous permet de faire beaucoup d’expérimentation et d’aller loin. Ça a ses avantages et ses inconvénients.

G : Du coup toi en tant qu’auteur tu te dis parfois tiens je vais prendre ce concept de game design et puis je vais essayer de le retranscrire mais de manière textuelle, enfin… oui de manière textuelle. Est-ce que c’est le genre de choses qu’on peut imaginer ?

FT : Ouais, par exemple, surtout si c’est très hétérogènes, un jeu de baston textuel admettons. C’est très, enfin, ça à l’air surprenant au début tu te poses 2 minutes, tu dis ouais c’est vachement facile et ça peut être cool, il peut y avoir plein de choses qui sont faites. Et c’est pas, enfin, c’est pas une bonne façon d’agir, la pire façon d’agir… En fait, on a un problème qui est : les magasins et la presse. La presse et les magasins, ils ont besoin de mettre des étiquettes sur les gens. Donc en gros ils vont vous dire : C’est un First Person Shooter, c’est un Real Time Strategy, c’est un jeu au tour par tour. Pour mettre votre jeu dans des cases. Ce qui fait que quand vous avez cette culture du jeu vidéo, vous allez vous lever un matin et dire je vais faire un First Person Shooter, mais il y aura des plateformes. Vous allez fonctionner comme ça. Alors qu’en fait la bonne stratégie serait de dire : J’ai envie de faire un jeu qui parle de comment les plantes poussent. Et après, je vais observer comment ça marche vraiment, les plantes elles poussent, elles construisaient l’écorce, comment ? Et en fait, juste en regardant comment le phénomène naturel se fait, les principes de jeu se développent tout de suite et tu n’as même pas à réfléchir. Donc cette façon très naturelle, c’est la meilleure, c’est la plus saine.

G : Tu en as un petit peu parlé tout à l’heure pendant ta conférence et puis on a un public aussi de gens qui sont plutôt typés étudiants qui nous écoutent. Par rapport à tout ce que tu viens de dire justement, est ce que tu aurais des conseils à donner pour des gens qui se disent : Ben moi j’ai envie de faire ça demain.

FT : C’est en général où le jeu vidéo ?

G : Le jeux vidéo, être auteur de jeux vidéo, être auteur de fictions interactives pourquoi pas, bosser dans ce dans ce milieu là

FT : Alors le jeu vidéo c’est un jeu vidéo qui recrute. Dans lequel il y a beaucoup de besoins, de talents notamment. Parce qu’en fait demain si vous êtes un écrivain talentueux et qu’on vous dit : Est-ce que vous préférez créer une série Netflix ou faire un jeu vidéo ? En général vous allez faire la série Netflix.

Ce qui est un mauvais… C’est un mauvais choix stratégique parce que vous allez être moins payés et vous allez vraiment vivre un enfer. Mais effectivement c’est par cette logique là, par cette représentation interne de castes, que la série télé – et Netflix en particulier – serait meilleure que le jeu vidéo, et bien les meilleurs talents ne sont pas dans le jeu vidéo. C’est pour ça que, encore aujourd’hui, mais ça va changer, je pense dans l’avenir, si vous avez un tout petit peu de talent vous serez le roi du monde dans le jeu vidéo parce qu’il n’y a aucun graphiste. Enfin, les graphistes vont me tuer avant (rires). Malheureusement il y a, effectivement, aujourd’hui il y a mille jeux qui sortent par jour. Il y a deux à 5-6 directions artistiques à tout casser : le pixel art, la représentation de la réalité, le low poly, et puis après quoi ? L’aquarelle et c’est tout. Je veux dire demain tu vas… J’ai jamais vu de jeux vidéo qui est naturellement et de façon massive d’autres pistes. En gros il y a une faiblesse de talent qui fait que l’on peut faire son trou.

Alors maintenant comment passer à l’acte. La première chose à faire si vous avez du temps libre, si vous avez six mois de loyer devant vous ou encore une maman qui vous fait des pâtes et vous avez un an, qu’elle accepte que vous restez un an à squatter, première chose à faire c’est de faire votre propre jeu vidéo. Faites votre propre jeu vidéo. Vous le faites le mieux possible. Vous essayez de faire le jeu le plus petit possible. Vous allez dans des salons ou le présenter et vous allez voir un éditeur qui veut dire : ça m’intéresse. Alors, ça a l’air d’être une histoire un peu folle mais en fait c’est une histoire assez commune. Sinon vous allez avoir votre jeu vidéo qui a été fait, qu’aucun éditeur à voulu vendre, vous allez voir Ubisoft ou n’importe quelle autre boite : « J’ai fais ce jeu vidéo, est ce que vous voulez m’embaucher ? » ils vont vous embaucher, vous allez accumuler six mois de loyer, vous allez vous casser et vous allez retenter l’expérience, autant de fois que possible. Donc en fait ce n’est pas plus compliqué que ça.

Effectivement vous êtes là et vous dire : Mais je ne sais pas coder, je ne sais pas créer un jeu vidéo. C’est pas compliqué. C’est à dire, et je vous le dis vraiment pas du haut d’une personne qui a de l’expérience, tout le monde a commencé comme vous à se dire je ne sais pas coder une fiction interactive, je ne sais pas coder un visual novel. N’importe qui peut le faire. C’est à la portée de quelqu’un qui sait écrire en français.

G : Et du coup dans ce cadre là, est-ce que tu recommanderais les Game Jam par exemple ? Est-ce que c’est un exercice intéressant ?

FT : La game jam est très intéressante parce que… La Game Jam rappelons ce que c’est : vous passez 48 heures avec d’autres professionnels pour créer un jeu vidéo en 48 heures. Et ça a deux effets hyper intéressants, enfin trois effets : premièrement ça vous montre que c’est le jeu vidéo, fabriquer un jeu vidéo, dans des conditions de crunch. Du coup vous savez si vous aimez ça ou pas…

G : Donc assez réaliste.

FT : Nan parce qu’en fait, quand on travaille longtemps dans le jeu vidéo, au bout d’un moment, vous pouvez en être dégouté. Ensuite vous vous faites des relations : Ah, ce graphiste j’ai aimé travailler avec lui, ce codeur est cool et en plus il n’a pas de boulot en ce moment mais je vais lui proposer mon game design, voilà. Et enfin troisième point, ça arrive souvent, enfin ça arrive parfois : le jeu vidéo qu’on crée en jam sont excellents et ils sont publié. Donc la game jam pour moi c’est très très sain. Et si vous êtes quelqu’un qui dessine bien, qui écrivez bien des textes, pas forcément un codeur et pas forcement un créateur de jeu vidéo, vraiment venez au Game Jam les mains dans les poches vous trouverez… un musicien n’en parlons pas, alors là, on aura vraiment besoin de vous (rire).

FT : Par rapport justement à toutes ces petites choses de développement de capacités, de compétences ou de choses comme ça, est ce que toi t’as une démarche perso d’amélioration ? Tu parlais de recherche et développement tout à l’heure, il y a d’autres choses que tu fais pour t’inspirer ?

Alors, je vais donner deux conseils qui sont contradictoires. Le premier c’est qu’il faut jouer à beaucoup de jeux vidéo différents. Si vous passez toute votre vie sur Call of Duty ou Elite Dangerous ou n’importe quoi, si vous passez 1000 heures à un jeu, vous n’êtes pas destiné à être game designer. Parce qu’en fait vous allez manger de la mousse au chocolat pendant mille heures et du coup vous allez vous priver 1000 fois de plein de plaques qui pourront alimenter votre imaginaire donc il faut vraiment une diversité.

Pour cultiver un style, il faut s’exprimer avec sincérité, il faut faire les choses que l’on aime. Faites les choses que vous aimez.

Il faut vous forcer naturellement à aller vers des jeux qui sont contre-intuitif avec votre personnalité. Des jeux de gestion, des jeux d’équitation, des Jeux de pêche, des jeux pornographiques, des jeux étranges. Et en fait vous allez comprendre les faiblesses, les forces, pourquoi ça marche et forcément vous allez créer votre bibliothèque de coup, ça c’est mon premier conseil. Mon deuxième conseil que je tiens de Fanette Mellier, qui est une graphiste avec qui j’ai travaillé beaucoup, qui est très reconnu dans son secteur. Elle m’a dit : Moi je regarde pas ce que font les autres, parce que j’ai peur d’être influencée.

Et effectivement, autant je vais voir des jeux d’équitation autant les jeux qui sont vraiment ma spécialité, le narratif, J’essaie d’éviter. Parce que soit ça va me tirer vers le bas soit ça va me tirer vers le haut mais dans une direction qui ne sera pas la mienne naturellement. J’essaie d’éviter, avoir son style c’est très précieux, c’est quelque chose qu’on peut perdre facilement. On est très influencé, on a envie de faire du House of Cards, on a envie de faire des choses comme ça. Donc il faut garder son style. Même si il a l’air médiocre (rire).

G : Et du coup comment tu fais pour cultiver ce style ?

FT : Il faut t’exprimer avec sincérité, il faut faire les choses que t’aimes voilà. Fais les choses que tu aimes.

G : Alors pour le coup, si on ne va pas voir ce que font les autres avant, est ce qu’on s’intéresse à ce que les gens disent de notre travail. après ? Pour un peu challenger sa manière de faire, ou les retours c’est aussi à prendre avec des pincettes ?

FT : Un retour… Les retours sont intéressants déjà quand ils sont menés dans une démarche assez qualitative. Si tu vas montrer ton jeu à la Paris Games Week qu’on dit que ton jeu c’est de la merde, le retour n’a aucun intérêt. Mais les retours d’un point de vue commercial sont intéressants. Tu vois quand tu montes ton jeu sur un salon si tu vas faire des ventes, ça c’est intéressant. Maintenant, le retour… Enfin moi, je vais dire un truc qui a l’air vachement arrogant mais qu’un mec me dise j’aime ou j’aime pas ton truc, aucun interet tu vois. Ça m’intéresse pas parce que moi je donne quelque chose que je pense être le meilleur possible. Je te donne tout mon amour voilà, je te donne ça. Si t’aimes pas, tant mieux pour toi, si t’aime je m’en fous. En fait en vrai je veux juste apporter quelque chose de nouveau. Par contre effectivement si on me dit : C’est du déjà vu, ça ressemble à ça, ouais c’est un peu embêtant. Mais bon, j’essaie de faire différemment.

G : C’est effectivement intéressant, je te rejoins complètement sur ce que tu dis, sur cette capacité à garder un peu solide entre guillemets son ambition et la vocation qu’on a initiale, en tenant compte des retours mais pour pas se faire couper l’herbe sous le pied au premier mauvais retours qu’on peut avoir. Parce que ça peut freiner beaucoup de gens de se dire : J’ai mis beaucoup d’énergie dans quelque chose, et puis comme j’ai mis beaucoup d’énergie je vais prends très à cœur ce qu’on va me dire et du coup ça va me dégoûter tout de suite.

FT : J’ai une philosophie de vie, c’est à dire que je considère que ce que je fais se sont mes enfants. Et je dis mon enfant si c’est un génie ou un mongolien, je l’aime pareil. Donc il y a des projets que j’ai faits qui ne sont vraiment pas bien qui ont échoué totalement. Je les aime autant que ceux qui ont cartonné, voire même plus peut être, ils ont besoin plus d’amour.

G : En terme de méthodologie ou même d’outils, est-ce que tu aurais des conseils éventuellement pour justement alimenter un petit peu sa pratique au quotidien, se motiver ?

FT : Il y a un syndrome que j’appelle le syndrome de la bibliothèque Linux. C’est que en fait souvent t’as des gens qui commencent à travailler à un projet et ils se disent : Putain mais ce framework est carrément mieux et il recommence le projet à zéro. Moi je pense que tu as commencé à bosser sur un autre qui bien, tu le finis ton projet et après on verra. Mais surtout à mi chemin ne refait pas ta technologie. Je ne connais aucun aucun aucun aucun exemple de personne qui a dit : Tiens je vais utiliser cette bibliothèque en plus, ou je vais faire refaire cet élément là, et le projet a été meilleur et il a été livré dans les temps, il a été livré même plus rapidement. Ça n’arrive pas. Souvent c’est des catastrophes. Donc ça c’est en terme de gestion d’outils ça c’est très important.

Après ça pose la question de est-ce que j’ai le bon outil ? Et également, dans le jeu vidéo en particulier – je vais donner un exemple très important – c’est que Il faut que vous ayez l’outil, et malheureusement il y en a pas beaucoup – c’est à dire il y a Unity et Unreal – Il faut que vous ayez l’outil qui build sur le plus de plateformes possibles potentiellement. C’est à dire que si vous avez un outil génialissime mais qui sort du Macintosh, il y a deux scénarios qui sont possibles : Votre jeu ne marche, pas tant pis. Votre jeu marche et là vous êtes dans la merde parce qu’il va falloir faire une version PC, il va falloir recommencer à zéro sur un autre outil. Donc en gros, effectivement, il faut mieux de base avoir des outils, notamment Unity il est gratuit jusqu’à un certain point qui permet de Builder sur plein de plateformes.

Là il y a un jeu excellent qui vient de sortir qui s’appelle Slay the Spire, qui est vraiment très très bien. Ils l’ont fait sur un certain certains outils, c’est un succès fantastique. Le jeu a été porté sur Switch ils ont dû le recoder en entier à nouveau, et le code est insupportable, et le jeu plante à fond tu vois. Donc voilà, il ne faut pas passer 100 milles ans non plus. L’addition est très facile, c’est quoi l’outil que vous prenez les gars ? On prend tous Unity ? Ok, Unity et on avance. Demain ce sera un autre outil et voilà.

G : Et c’est pas vraiment un outil mais ça peut être une ressource intéressante, tu parlais justement de tester plein de jeux différents, et-ce que toi tu as des ressources en particulier pour trouver ces jeux ? Parce que c’est aujourd’hui que les stores comme Steam c’est tellement infini presque en terme de catalogue que c’est un peu compliqué de s’y retrouver. Est-ce qu’aujourd’hui il y a des manières de mieux s’y retrouver ?

FT : Déjà, si vous prenez les 100 jeux les plus joués sur Steam. Enfin, c’est compliqué parce que ça coûte cher aussi. Prenez les jeux soldés par exemple en bundle, testez les jeux et ne vous lancez pas dans des jeux infinis. Tu vois par exemple Elite Dangerous, j’y ai joué 40 heures après j’ai dit : C’est bon j’ai vu ce que c’était, tu vois. C’est à dire que dès que tu as dépassé le stade de : J’ai eu tout ce que le jeu pouvais me donner, que tu commences à jouer parce que tu es accro, parce que tu veux jouer, là tu es…

G : L’objectif est un peu perdu quoi.

FT : Ouais t’es pas en train de t’alimenter. Après il ne faut pas faire que ça. De toute façon si tu veux travailler dans le jeu vidéo tu vas être condamné à un moment à ne voir le jeu vidéo auquel tu joues que sous l’angle de sa création et tu vas comprendre la souffrance derrière et voilà, donc c’est compliqué.

G : Ok. Peut-être je ne sais pas des auteurs éventuellement ou des gens à suivre sur les réseaux qu’ils peuvent éventuellement aider à apprendre des choses intéressantes ou à faire de la curation ?

FT : Il y a moi !

G : Ben voilà on a la réponse du coup (rire) ! Cela dit blague à part, c’est une vraie question du coup est ce que tu donnes, si on suit sur les réseaux ?

FT : J’ai un thread que j’alimente tous les dimanches sur le Narrative Design. En toute modestie je pense qu’il n’y a pas meilleur thread sur le narrative design sur Twitter. Non mais je suis un peu arrogant mais à un moment, il faut poser les choses tu vois.

Après il y a un journaliste français qui s’appelle, enfin son compte c’est Netsabes, un ancien canard PC qui aujourd’hui n’est plus journaliste de jeux vidéo mais il est au taquet sur les jeux vidéo. C’est à dire que nous entre professionnels du jeux vidéo, le jeu c’est de savoir le truc que Netsabes ne sait pas et souvent c’est dur, voilà. Et puis c’est tout (rire). Non mais il y aura peut être des créateurs pertinents mais, quand je vais sur Twitter c’est peut-être pour me libérer l’esprit, j’ai plus envie de voir les gens parler du boulot (rire).

Si attend, j’en ai encore un, c’est un streamer qui s’appelle ExServ. Et en fait ce type là, à chaque fois qu’il a dit : ça c’est le meilleur jeu du monde, à chaque fois c’était un super jeu. Et vraiment, à chaque fois je disais : Mas pourquoi il dit ça ? J’ai pas envie d’y jouer ? Et je me forçait et à chaque fois que je me suis forcé, c’était un très très bon jeu.

G : Du coup on pourra retrouver, on fera des liens dans la retranscription sur ces bons conseils ! Nous notre cœur entre guillemets de métier, et puis les gens qu’on interviewe beaucoup chez Salut les Designers, c’est des gens qui sont un peu professionnels de l’expérience utilisateur, l’UX. Est-ce que toi c’est une notion qui a un sens dans ton métier ?

FT : L’UX c’est très très très très très très très très importante dans le jeu vidéo, très très importante. C’est quelque chose qui est pris très au sérieux, d’ailleurs c’est une des rares choses qui est très respectée dans le jeu vidéo. Parce que… Mais il manque… Il y a comme un manque flagrant de vocabulaire. C’est à dire que quelque chose comme le feedback, il a deux sens dans le jeu vidéo, deux sens complètement différents dans deux domaines différents. Donc il n’y a pas de normalisation mais c’est une science jeune. Mais pour donner un exemple, aujourd’hui on estime que 60% du plaisir de jeu c’est les retours d’interface. C’est à dire que tu joues à Candy Crush, tu appuies sur un bouton ça fait « bloupbloup » comme ça, t’as du plaisir de jeu et les personnes vont revenir jouer à ce jeu uniquement pour cet instant qu’ils ont vécu et pas pour le game design, la narration, tout ça. Donc effectivement c’est capital. En exagèrant un tout petit peu c’est là où est l’argent, en gros, voilà. Donc effectivement, les typographies, les interfaces sont porteuses de sens, sont porteuses de narration parfois, donc c’est quelque chose à prendre très au sérieux.

G : C’est vrai que dans les grosses boites on voit le recrutement depuis quelques années de profils issus des neurosciences ou des choses comme ça, dans le jeu vidéo.

FT : Oui, pour créer des boucles d’addiction un petit peu

G : Oui pour des choses qui sont plutôt négatives entre guillemets ou en tout cas pas forcément… Enfin, bonnes pour le jeu en lui même mais peut être un petit peu plus perverse pour le joueur.

FT : Non mais on oublie parfois que le jeu vidéo c’est simplement s’amuser devant un écran tu vois, ça ne va pas plus loin que ça. Et effectivement avoir un bouton et que ce soit rigolo quand on appuie dessus, franchement ça marche très bien. Et ça c’est du pur UX. Il n’est pas besoin de mettre une histoire hyper dense derrière et ça effectivement c’est chouette. Voilà, si vous êtes un spécialiste de ça, allez y, faites-le, c’est top.

G : Ok on va rentrer dans un peu la conclusion de cet épisode sur des choses un peu plus de prospectives, même si tu en as aussi un petit peu parlé. Dans les années qui viennent pour toi c’est quoi un peu le visage notamment de la fiction interactive, mais au global, toi, ton activité dans les années qui viennent ? Est-ce que tu vois une continuité là dedans, une révolution un moment donné ou une évolution tout simplement ?

FT : Moi je vais probablement arrêter les jeux vidéos à court terme, parce que c’est un métier qui s’industrialise beaucoup comme l’a été le cinéma à un moment. C’est à dire qu’aujourd’hui on pouvait encore faire des jeux vidéo comme avant, on pouvait avoir, Orson Wells avait sa caméra et il était à la fois acteur, scénariste, musicien, tu vois ? Aujourd’hui on a ça encore dans le jeu vidéo. J’aurais aimé être ce type de personnes. Je ne suis pas aujourd’hui, je pense que je ne le serai jamais. Et ça va disparaître, comme aujourd’hui le cinéma appartient à la Fox et à Disney et à Marvel et à compagnie et c’est des choses très normées. Là on va vers ça et à ce titre le jeu vidéo m’intéresse plus.

G : Malgré le fait que aujourd’hui il y est une sorte de valorisation des petites structures à taille humaine, des studios ?

FT : Ah non non, pas du tout

G : C’est une fausse idée ça ?

FT : Non non, complètement pas. Non aujourd’hui, soit tu es tout petit et tu meurs de faim ou tu fais un hit et voilà, soit tu es moyen, et là tu galères parce que tu fais ton jeu vidéo et tu as des commandes clients, soit tu es très gros et tu fais des blockbusters avec des millions. Et la part des blockbusters est de plus en plus grosse. En fait les petits sont destinés à devenir des laboratoires de recherche et développement des gros.

Mais voilà, ça va être de très bons jeux vidéo avec des gens talentueux, de plein de façons différentes, ce n’est pas du tout quelque chose dans lequel je vais m’épanouir, donc je vais probablement arrêter. Ça c’est une décision qui assez récente dans ma vie d’ailleurs, c’est une réalisation. Je me suis aperçu que de plus en plus j’écrivais et les gens me disaient : « Mais ce n’est pas ça que je veux, je veux quelque chose qui soit plus en rapport avec les besoins du marché ». Et comme je l’ai dit, moi je veux développer mon style, je veux faire des choix, quitte à être isolé. Et ça c’est la première chose. Au niveau de la fiction interactive pure, les experts disent qu’il y aura beaucoup d’intelligence artificielle par le réseau neuronal. Je ne pense pas ou alors je suis à côté de la plaque. Par contre je crois en la narration émergente entre joueurs.

On met plusieurs joueurs ensemble. Aujourd’hui, le marché a été dominé l’année dernière par ce qu’on appelle les Battle Royale. En gros c’est 100 joueurs ensemble, chacun un fusil et que le meilleur gagne. C’est ça en fait. En fait il se passe des choses intenses juste avec ça et demain ce sera, on prend 100 joueurs, on les met dans une ville et il y a eu un meurtre, et en fait l’un des joueurs est un Serial Killer, allez-y on va le trouver. Ça va être des choses comme ça. On rêvait que ce soit en ARG, donc dans la vie réelle avec des joueurs, mais ce sera tout simplement dans des systèmes virtuels demain. Et ça, ça va créer de véritables narrations émergeantes à peu de frais.

Demain, un Narrative Designer ne vendra plus d’histoires mais des maisons de poupées, et il dira aux joueurs : amusez-vous avec !

C’est à dire que le narrative designer va plus créer l’histoire puisque l’histoire va être créé par les joueurs. Il va juste… En fait il va vendre des maisons de poupées. Il va vendre les poupées et les maisons de poupée et il va dire : amusez vous avec. On va retrouver le même système de jeu.

G : Et du coup à titre personnel si le jeu vidéo n’est plus un milieu dans lequel tu comptes épanouir, est ce qu’il y a d’autres sphères qui t’intéressent ?

FT : Là en ce moment je fais de la fiction audio donc très linéaire et je ne sais pas. Ah si en fait, ce que j’aimerais faire en ce moment, je fait des œuvres artistiques interactives. Effectivement faire participer les gens, leur faire transmettre des messages, ça peut être intéressant. C’est des choses que je trouve, en étant hors de la contrainte commerciale, c’est intéressant.

G : Dernière question qui est souvent la plus difficile mais peut être que toi tu vas avoir en tête quelque chose tout de suite. Est ce que tu peux nous parler de quelque chose qui t’a inspiré ces derniers temps ? D’habitude on dit « bluffer », dans ce que tu as vu, qui t’as un peu retourné le cerveau, en tout cas qui t’as dit : ça c’est un peu nouveau ?

FT : Ouais, ça, c’est un jeu justement recommandé par Xserv qui s’appelle Subnautica. Subnautica, tout le monde disait : il est très bien, j’y ai joué 30 minutes je me suis dit aucun intérêt.

Et Xserv m’a dit : mais vraiment mec, ce jeu est bien. Je m’en suis remis, et Subnautica, c’est un jeu qui est extraordinaire. Parce que c’est un jeu dans lequel on est sur une planète océan et on doit plonger et donc explorer les fonds marins de cette planète. Et normalement, si j’avais fait ça, j’aurais écrit une histoire, j’aurais fait des séquences dans lequel « il y a un requin qui nous poursuit, on a très peur » tu vois. J’aurais fait… et rien de tout ça en fait. Ils ont juste créé, juste par la structure du fond marin, qui n’est pas une structure procédurale, elle est fixe donc à chaque partie c’est la même. Ils ont fait en sorte que la seule chose qui te bloque dans ton avancement, c’est ta propre peur. C’est à dire : Oula, il y a des algues, il y a du noir, j’ai pas envie d’y aller, mais il faut y aller parce que c’est là bas qu’est le truc et t’as peur, t’as peur, t’as peur. Et tu y vas, woush, et à un moment donné tu es bien et tu as un autre endroit qui est encore plus terrifiant, vachement plus… où tu vas aller tu vois ! Et cette lutte que tu as contre toi même, qu’ils ont réussit à créer dans le jeu, c’est quelque chose que j’ai découvert. Je me suis dit : Wow ils sont forts tu vois.

Mais voilà, je me suis dit : Et juste sans… sans… il n’y a rien de pire qu’un mec qui a une histoire et qui veut l’enfoncer de force dans la bouche. C’est affreux. Et là ils ont une histoire et ils la montrent à peine et c’est toi qui doit aller la chercher. Et en plus pour aller la chercher, tu dois vaincre la peur. Qui en plus une peur à la fois qui très simple, c’est à dire il n’y a pas de monstres, il y a juste le noir qui t’attend. Il y a peut être un requin qui en plus n’est pas un mec, un requin affreux, c’est juste un requin qui ne veut pas se faire déranger et qui a faim de temps en temps. Donc on est que dans des systèmes complètement normaux et juste avec ça ils ont réussi à créer une aventure de science fiction exceptionnelle et inoubliable. Donc bravo à eux. Ça a été un développement de longue haleine de 5-6 ans. Jamais je n’aurais pu faire ça et en terme d’endurance pour faire le jeu et en terme de génie, donc bravo, voilà.

G : Donc Subnautica, dispo sur a peu près toutes les plateformes.

FT : Ouais, sur tout, sur tout. Et jouez plutôt sur PC parce que sur console il ne marche pas très bien (rire). Nan mais le jeu est techniquement à la ramasse. Mais l’expérience vaut le coup.

G : OK très bien. Avant de se quitter, ou est-ce qu’on peut te retrouver ?

FT : Essentiellement sur Fibre Tigre donc @Fibre Tigre sur Twitter, voilà.

G : Ok et sur des projets du actuels comme Game of Rôle par exemple ?

FT : Mon gros projet effectivement du moment c’est un jeu de rôle filmé sur une Web TV qui est JVTV, qui a beaucoup de succès.

G : Ok très bien merci de ce petit temps d’échange avec toi

FT : Merci Guillaume !

G : À bientôt pour de prochains épisodes de Salut les Designers !