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SLD #11 - Marine et Nicolas Rouit-Leduc de Meaningful

SLD #11 - Marine et Nicolas Rouit-Leduc, Design Strategists @ Meaningful

Dans ce nouvel épisode de notre podcast, nous sommes allés à la rencontre de Marine et Nicolas Rouit-Leduc juste après la conférence qu’ils donnaient à l’occasion de BlendWebMix 2019. On y évoque avec eux le design à la sauce Meaningful leur agence Parisienne.

Publié le 06 janvier 2020

Damien et Amélie ont rencontrés Marine et Nicolas Rouit-Leduc de Meaningful dans l'épisode #11 du podcast Salut Les Designers
Damien et Amélie ont rencontrés Marine et Nicolas Rouit-Leduc de Meaningful dans l'épisode #11 du podcast "Salut Les Designers".

Damien Legendre : Bonjour à tous. Bienvenue dans ce nouvel épisode de « Salut les Designers ». Aujourd’hui, nous sommes à BlendWebMix, l’édition 2019 et je suis avec Amélie et nous allons donc passer un moment avec Nicolas et Marine Rouit-Leduc de Meaningful. Bonjour à tous les deux et un bienvenue dans ce podcast.

Amélie Poirier : Du coup on va commencer avec une première question que je vais poser à tous les deux. Est-ce que en quelques mots vous pouvez vous présenter pour que l’on comprenne un petit mieux ce que vous faites dans votre quotidien ?

Nicolas Rouit-Leduc : J’ai rejoint l’agence Meaningful il y a deux ans aujourd’hui, qui à été crée par mon épouse. Et moi mon parcours c’est, je suis autodidacte à la base, j’étais plutôt musicien. Je voulais faire du rock et je pense que j’étais un peu trop… j’aimais pas trop sentir, je pense trop le chien en permanence. J’ai préféré faire un métier un peu civilisé. J’ai donc finalement opté pour quelque chose de plus vivable et pour faire très rapide, j’ai commencé par travailler dans le domaine du design et du digital chez Reporters Sans Frontières. Je m’occupais de toute la partie Internet et puis petit à petit je me suis mis au design au sens très large du terme de design de campagne notamment et j’ai touché beaucoup au numérique puisque j’étais responsable de toute l’infrastructures numérique, le site. Ensuite j’ai fait des enfants. Donc je me suis mis à mon compte. Mais je ne sais pas si je suis aussi bon entrepreneur que père, mais ça à pas super bien marché en tant qu’entrepreneur. Donc j’ai rejoint une agence qui s’appelle Attoma, une agence parisienne qui est spécialisée dans l’UX le design de service. Et là j’ai structuré le pôle de UX en tout cas on appelle cela comme ça aujourd’hui le design numérique, des produits numériques. Et puis après j’ai fait un petit passage chez Sylvie Daumal que vous connaissez peut être, dans la boîte qu’elle a monté.  Et puis puis j’ai rejoint, j’ai fini par rejoindre Marine au bout de quelques années.

Marine Rouit-Leduc : Moi c’est Marine je suis la fondatrice du studio de design Meaningful et moi je suis tombée dans le design quand j’étais petite. J’ai commencé très tôt à m’intéresser au design et très tôt à l’étudier puisque je viens d’une formation en arts appliqués. J’ai ensuite fait une école de design à Paris qui s’appelle l’ENSI et très tôt aussi je me suis intéressée au numérique et j’ai commencé à faire des passerelles entre le design au sens pourtant le plus couramment l’objet, le design industriel et les nouveaux champs du design que sont l’expérience et le numérique. J’ai commencé ma carrière dans l’industrie donc pas du tout dans le numérique, dans un très grand groupe industriel qui s’appelle 3M où j’ai découvert un peu plus d’un peu plus près ce que ça voulait dire d’innover avec le design ou pas d’innover tout court. C’est un groupe qui innove beaucoup et j’ai envie de travailler à mon compte en agence notamment l’agence Attoma pendant plus de 5 ans où j’ai conduit des projets à la fois numérique au nom de l’expérience utilisateur et un des gros projets sur lesquels j’ai travaillé à l’époque et a été assez fondateur pour moi : ça a été de repenser la signalétique du métro Châtelet à Paris, une espèce de Rubik’s Cube géant. J’aime bien raconter ça parce qu’on est vraiment au coeur de ce qu’est le design d’expérience. Et puis le marché étant ce qu’il est j’ai dérivé cette pratique du design d’expérience vers le numérique évidemment. Et aujourd’hui c’est une grande partie 100% de ce qu’on fait à l’agence a travailler sur des produits numériques dans toutes leurs dimensions à la fois business évidemment, expérience mais aussi identité de marque.

Damien Legendre : Et donc du coup vous êtes une agence de design. C’est quoi la façon dont vous aimez pratiquer design ? C’est quoi votre vision de ce design, de ce que vous avez envie d’en faire avec vos clients ?

Nicolas Rouit-Leduc : Peut-être la première chose, c’est qu’on a monté cette agence, Marine a monté cette agence précisément pour faire ce qu’on avait envie de faire et la manière dont t’avais envie de le faire. Déjà c’est ça c’est notre terrain de jeu, qui on va dire, est notre jardin aussi. Et on fait déjà, on essaie d’être assez innovant même si ce mot est un peu galvaudé sur la manière justement de faire. On n’a pas d’a priori sur comment conduire un projet. On essaie d’être toujours alerte sur les manières de faire mais une chose est sûre c’est que le numérique, si on veut qu’il soit approprié il faut le faire ensemble. Notre objectif c’est de pouvoir faire avec et de ne pas se mettre dans une posture de celui qui sait, de sachant, de celui qui a le geste, comme le geste architectural par exemple. Mais plutôt d’être contributif, ce qui ne veut pas dire qu’on est caché, qu’on n’a pas notre rôle à jouer. Je veux dire on n’a pas notre point de vue à donner, mais simplement que l’on met un soin particulier à ce que notre message soit entendu, approprié et surtout que ce qu’on fait soit utiliser. Finalement c’est par la maîtrise de l’art de la co-conception. On parle beaucoup de co-conception, peu le maîtrisent vraiment parce que c’est un art très très complet et très difficile. C’est comme ça que l’on voit les choses en tout cas.

« On n'a pas d'a priori sur comment conduire un projet. On essaie d'être toujours alerte sur les manières de faire. »

Marine Rouit-Leduc : Il y a un enjeu dans la pratique du design, c’est une forme de réconciliation. Je suis très frustré de sortir d’une école de design où il y a des élèves qui décident de faire de l’objet et d’autres du numérique. Que les deux champs ne puissent pas se parler. On oppose le design de services à ces méthodologies. Le design thinking et ces méthodologies à du vrai design. Je suis plutôt moi à essayer de réconcilier tout ça et me dire qu’en effet il y a une pratique intuitive du design qui doit exister et qui existe dans la plupart des projets qu’on mène à l’agence, avec une part de recherche d’inspiration. Au contraire je dirais il y a certes de la co-conception mais il y a aussi l’intuition du designer qui prime dans le projet. J’essaye moi de faire que les designers travaillent à l’agence aient le droit de leur intuition ce que souvent les méthodologies ont un peu essayer de gommer mais en même temps on s’appuie énormément sur toutes les méthodologies d’UX, de design de service, design thinking pour expliquer ce qu’on fait à nos clients pour lui donner une forme à peu près rassurante pour parfois aussi se structurer dans nos méthodes et dans nos outils. Moi je suis toujours. J’ai jamais la vérité de une méthodologie mais je suis convaincu qu’en fait c’est en réconciliant une approche peut être je dirais à la Starck du design et une approche à la IDEO qu’on va peut être trouver la solution. J’arrive pas à choisir mon camp et à me dire y a un moment il y a quelqu’un. Moi je suis IDEO parce que j’ai pris le truc j’ai pris le bouquin. Et finalement parce que je connais très bien la méthodologie je suis un bon designer ça je n’y crois pas. Et en même temps je suis convaincu qu’on peut dépasser le modèle ultra intuitif et l’ultra égo maniaque de Starck et qu’on peut peut réconcilier les choses. Moi je n’ai pas la réponse parfaite mais c’est un peu ça que je cherche toujours à réconcilier des choses un peu impossibles. Comme je l’ai montré tout à l’heure entre le papier et le numérique je ne pense pas qu’il faille opposer les choses et je pense que particulièrement dans la pratique du design on peut être structuré et créatif. On peut être intuitif mais en même temps avoir des outils pour aller conduire une interview. Voilà c’est ça qui fait un designer. En fait c’est une bonne connaissance des méthodes et en même temps la capacité à s’en libérer comme un bon journaliste par exemple voilà qui . Qui sait ce que sont les bases d’une pratique d’interview mais qui sait aussi passer le cap quand il sent l’opportunité.

Damien Legendre : Une curseur ça semble assez bien placé quand c’est au milieu finalement.

Marine Rouit-Leduc : Ouais ou quand on accepte de faire, moi j’apprends aussi justement à me dire « est ce qu’on peut ? » On ne peut jamais être tout à fait au centre donc c’est plutôt un mouvement permanent avec les deux. Et accepter ce mouvement. Des fois on est structuré, des fois on ne l’est pas. C’est pas toujours une gymnastique facile, parce que c’est plus facile de tout le temps être dans la structure ou tout le temps et dans l’intuition. C’est un peu le débat souvent qu’on a entre nous à l’agence. Mais moi je suis convaincu que justement ça peut se faire qu’en équipe, que avec un groupe d’individus avec leurs personnalités variées. Moi je ne pourrais pas résoudre ça toute seule parce que je peux être plutôt de mon côté cartésien qui prime au début et que j’ai besoin de d’autres personnes, de monter une équipe qui pourra m’apporter toutes les complémentarités que dont je sais pertinemment qu’elles ont de la valeur mais que je ne saurais pas mener de front tout seul. Et puis les clients viennent aussi dans cette danse et elles nous apportent aussi cette brique à l’équation. Il est important de savoir mener tout ça ensemble. Et je suis convaincu qu’on peut faire.

Damien Legendre : Finalement, vous n’avez pas cité le mot « co-conception », mais vous avez parlé de « travailler avec » et d’ailleurs j’avais une question subsidiaire qui venait de tout ça : quand vous dites ça, c’est que vous travaillez avec le client ? Ou est ce que vous travaillez avec le client et les utilisateurs vraiment de ce client ? Vous avez parlé tout à l’heure, on a eu la chance d’aller à l’instant à votre conférence avec Amélie, de visite d’usines, de terrains industriels. Finalement vous allez voir les gens quand vous parlez de concevoir avec, vous parler au sens large c’est aussi bien le client que les utilisateurs finaux.

Nicolas Rouit-Leduc : Absolument. Tu as cité le mot réconciliation. Je pense que c’est le bon terme c’est que c’est vrai que ça pose la question de quel client on parle ? Quel est l’utilisateur ? C’est quoi la différence entre un utilisateur final, entre le client, lui qui est chef de projet c’est pas vraiment un utilisateur. Mais il fait quand même partie du projet. Ou celui qui achète la mission design, lui il est aussi dans l’équation en fait. C’est un peu le mythe aussi de l’UX strict qui serait de dire la vérité est dans le client final et dans l’utilisateur. Et en fait on est tout seul. Non c’est ce que dit Marine. Moi je pense qu’on est vraiment dans l’idée de mettre toutes les parties prenantes autour de la table. Alors c’est vrai que ce n’est pas simple mais ce qu’on a montré dans la conférence qu’on est capable d’aller sur le terrain et avec des méthodologies structurées de faire remonter des enseignements du terrain. Je parle des gens lambda des utilisateurs finaux dans l’univers du BtoC et de les faire remonter au milieu de la table de la co-conception. On co-conçoit en général non pas avec les utilisateurs finaux on conçoit plutôt avec co-conçoit avec nos clients. Mais il y a toujours l’utilisateur au centre de la table.

Marine Rouit-Leduc : ça dépend des projets. C’est vrai que dans certaines typologies de projets plus grand public c’est plus difficile. Parfois il faut se battre pour pouvoir aller sur le terrain parce que notre porte d’entrée ça reste nos clients et que prendre ce temps là etc. On trouve toutes les manières de faire même si ce n’est pas « from the book » pour aller sur le terrain d’une manière ou d’une autre. Mais là on n’est pas dans la conception avec les clients on va plutôt faire remonter les choses du terrain et parfois du coup pour faire ça avec le client final on amène nos clients sur le terrain. ça c’est la meilleure manière aussi de leur faire prendre conscience que la manière dont ils avaient projeté leurs produits et leur expérience n’était pas bonne du coup on les amène aussi dans leur pratique d’observation et nous on a le problème que pourrait avoir certains anthropologues ou chercheurs puristes qui vont dire « non, moi je fais le terrain, il ne faut pas embrouiller les pistes », nous on y va. On est pas à 25 mais si on peut mettre deux personnes on va plutôt prendre un client et un chercheur, un designer plutôt que trois designers. Et l’autre contexte c’est l’industrie où là c’est très particulier. En effet quand on travaille dans l’industrie on travaille souvent sur site de production et donc là on a moins de mal à avoir accès aux utilisateurs finaux. Donc on va consulter en amont dans la phase d’observation et on va plutôt les interviewer. Mais ensuite on va consulter très rapidement dans les ateliers de co-conception, de manière itérative. Et donc là on va pouvoir, non seulement, leur montrer des choses qu’on a déjà prototypé mais ensuite les impliquer un peu plus par le biais de ces tests dans la l’itération dans la conception sur ces produit. Ça on peut le faire parce que l’on retourne toutes les semaines dans l’usine pour affiner la proposition et donc là ils ont vraiment l’impression de contribuer dans la conception. Ils n’ont pas juste l’impression, ils contribuent à la conception. Évidement pas à la première esquisse, puisqu’il faut qu’il y ait un objet à critiquer pour pouvoir contribuer. Mais dès qu’il y a une première proposition on les amène dans la salle, on leur fait tester la maquette et donc y ils contribuent en nous disant « mais t’as rien compris au projet, c’est pas ça du tout ». En fait par effet de corrections ils contribuent à l’amélioration de l’interface. Et donc il y a un sentiment de fierté qui ressort aussi de cette contribution puisqu’ils y contribuent. Mais ils vont aussi être aussi l’utilisateur, ils vont devenir le promoteur de la solution en interne puisqu’ils vont l’avoir conçu. Il vont penser, ils vont évidemment mieux l’utiliser mais aussi mieux en faire la promotion auprès de leurs collègues qui n’ont pas participé à tous les ateliers et à qui il pourront expliquer les partis pris de design. Ils vont devenir vraiment les propres promoteurs de la solution design. Donc ça dépend des contextes, mais oui, on va jusqu’à faire de la co-conception. En effet avec les utilisateurs finaux, sans le systématiser pour autant.

« On trouve toutes les manières de faire, même si ce n'est pas "from the book" pour aller sur le terrain d'une manière ou d'une autre. »

Amélie Poirier : Et du coup on entend que vous mettez en place cette forme de co-conception vous mettez un peu « les mains dans le cambouis » mais vous utilisez aussi une méthode UX etc. et au sens large qu’est ce qui vous inspire ? Quand vous arrivez sur des projets aussi différents quand ça passe par l’industrie ou bien par des kits plus pédagogiques, scolaires etc. Est ce qu’il y a des choses qui reviennent constamment ou pas ?

Nicolas Rouit-Leduc : Il y a un côté magique dans le fait d’aller dans les coulisses. Quand on va dans le nucléaire par exemple, quand on va Chez Safran regarder comment sont réparés les moteurs d’avions. Quand on voit, l’industrie c’est notre monde en fait. Tous les objets qu’on a autour de nous sont en très grande majorité des produits industriels, mais on ne sait absolument pas comment ils sont fabriqués et chaque type de projet, à chaque fois sert à découvrir la réalité de ce qui se cache derrière. C’est comme aller dans les coulisses d’un spectacle, c’est un espèce de plaisir éternellement renouvelé : « Ah ouais c’est comme ça que ça marche » et ça il y a aussi l’autre côté aussi mais ça c’est plutôt sur les autres projets. Il y a un côté Sherlock il y a une énigme à résoudre. Typiquement c’est « Mon interface n’est pas utilisé, mon produit n’est pas utilisé, mon produit n’est pas compris ». Il y a un mystère qui est posé au milieu de la table c’est aussi ça l’un des drivers je pense c’est aussi ça. C’est aussi aller résoudre cette équation, juste le challenge intellectuel de dire « okay ».

Marine Rouit-Leduc : Moi je me suis beaucoup battu dans la phase d’inspiration et d’immersion contre le uniquement UserCenter c’est à dire penser qu’on démarre et puis la méthode classique. C’est on va voir les utilisateurs et c’est qui va nous donner la clé de notre produit et en général moi j’essaye toujours de faire qu’on on ait aussi de l’inspiration en décalé par rapport à la problématique. Donc c’est peut être d’aller regarder dans le cinéma, des interfaces métiers pour s’inspirer ne serait ce qu’en termes d’identité, de branding, de l’interface parce que même dans l’industrie on a bradé les expériences ou même en termes de gestuelle même si c’est dans des contextes qui n’ont rien à voir. Essayer d’aller justement ramener des choses. Et là on parle plus user research, on parle vraiment d’inspiration de design, voilà dans des contextes totalement différents. Après l’inspiration elle est au quotidien je voyais l’une des séries « Abstract » sur le typographe qui voit des typo partout. Nous c’est un peu pareil en fait. On va regarder un film, on va voir on va voir une interface, on va dire c’est réaliste, c’est pas réaliste. Mais en tout cas là, on va capter aussi des choses dans notre quotidien qui peut parfois. On va essayer de le ramener dans les produits qu’on conçoit. Et moi je milite en tout cas pour avoir une zone d’inspiration au début des projets qui ne soient pas uniquement centrés sur la problématique du process du client de ce qu’il a à faire et de son opération on va dire mais vraiment sûr aussi nourrir le projet de flux. L’inspiration ça peut être dans le cas d’un projet qui va être plus sur l’expérience globale et où il y a des enjeux business. On va essayer aussi de regarder des business models analogues, essayer de comprendre dans d’autres industries, comment on peut s’inspirer pas seulement en termes d’expérience, en termes de modèle économique, en terme de proposition de valeur, en terme de manières de formuler les choses aussi, en terme de mots clés. Voilà donc en fait selon les projets on va dimensionner la phase d’inspiration et on va aller chercher soit de l’inspiration visuelle, soit de l’interaction, soit l’inspiration business, peut être dans des domaines très variés qui peuvent être celui du champ dans lequel on travaille, voire plutôt en dehors de ce champ. Parce que nous on a la chance nous de passer d’un domaine qui est l’énergie, à la santé et à l’industrie. Donc on peut faire des passerelles et des croisements hyper intéressants pour nos clients. C’est une valeur qu’on leur apporte comme on n’est pas mono secteur je dis on je dis le designer c’est pouvoir faire ces passages et du coup de ramener des choses qui sont évidentes dans une industrie de les ramener dans autre industrie où même inconsciemment même dans les représentations dans les métaphores d’interactions qu’on va utiliser. Voilà justement je faisais allusion tout à l’heure entre les codes de l’énergie et de la température avec le timer qui me minutait pendant ma conférence. C’est la même représentation des chiffres qui changent de couleur mais pas du tout le même contexte d’usage. Voilà il y a des passerelles qui se font déjà sans trop s’en rendre compte. On peut en faire plein d’autres.

Damien Legendre : Et du coup la vous nous exposer qu’effectivement il y a pas mal de sources d’inspirations pour vous qui vont être des projets qui vont dans des séries. Dans votre métier de designer, dans votre vie de designer. Est ce qu’il y a des clients, d’autres éléments, des séries des inspirations qui ont vraiment changé votre façon de designer? Il y a quelque chose qui vous vient en tête comme étant le truc qui fait pivoter peut être dans votre façon de faire du design ?Est ce que ce n’est pas arrivé ? C’est possible aussi.

Nicolas Rouit-Leduc : Ce n’est pas facile comme question surtout quand on est autodidacte. Mais il y a un moment qui me vient à l’esprit c’est justement quand j’étais designer chez Reporters Sans Frontières. En fait je cherchais à comprendre comment ça marche et finalement le design qu’est-ce que c’est que ce trucs ? Il y a un moment, j’ai basculé. Je n’ai pas été inspiré par quelqu’un mais j’ai compris un truc c’est qu’en fait c’est la magie du design. C’est qu’en fait il suffit de se représenter le résultat final et cette capacité, c’est ça le design. C’est ça qui permet tout faire aujourd’hui. Je suis donc passé de cette phase de très grande frustration. Je n’ai jamais réussi à représenter moi ce que j’avais en tête et j’en ai fait, finalement, une force. C’est qu’aujourd’hui je m’interdis même de finir la représentation pour qu’on puisse la finir collectivement. C’est à dire que je vois le résultat. J’ai compris ça le grand « trick » il est là en fait comment je suis passé de musicien à designer. C’est grâce à ça, grâce au fait d’avoir vraiment intégré le fait qu’il suffit entre guillemets de visualiser. De visualiser le résultat. C’est la grande magie au sens, l’illusion du design. Et comme j’étais plutôt autodidacte, comme je le disais, je ne suis pas forcément passé par ce chemin là mais c’est ça. Aujourd’hui j’arrive à ne pas terminer tous les points pour volontairement. Je m’interdis de voir la solution complète. Je ne vois que flou et je laisse le flou. Et je laisse justement aux gens les parties prenantes les clients les utilisateurs les autres designers  de finir l’histoire pour moi. Ce qui est assez confortable en fait en vrai.

« Il suffit de se représenter le résultat final et cette capacité, c'est ça le design. »

Damien Legendre : C’est marrant de parler de l’histoire parce qu’on a envie de faire l’analogie avec le travail d’un auteur qui a travaillé sur un roman par exemple. En gros il a une idée de la fin dès le début et puis finalement c’est toutes ces tribulations d’écritures, des trames etc. d’interaction avec d’autres… Donc typiquement ici les utilisateurs, où en fait finalement la fin ne va plus du tout ressembler à ce qu’on avait pensé parce qu’il y a eu tellement de choses qui se sont passées que finalement la fin si on l’avait avait écrite on l’aurait totalement réécrite.

Nicolas Rouit-Leduc : Absolument tout à fait. La métaphore est très juste.

Damien Legendre : Sur un autre sujet, là vous êtes au format agence, il vous arrive parfois d’avoir à recruter des collaborateurs, des designers. Vous semblez avoir une façon de voir le design qui est très marquée, qui s’est construite en fait, au fur et à mesure de vos expériences. Qu’est ce que vous attendez aujourd’hui de quelqu’un qui rejoindrait votre équipe ? Quel designer vous avez envie qu’il soit ? Ou en tout cas qu’est-ce que vous avez envie qu’il apporte pour justement, vous, il vous fasse changer votre façon de faire le design aussi peut-être ?

Amélie : Ou qu’est ce qui vous met aussi en confiance de vous dire : Est-ce que c’est le bon choix, la bonne personne avec laquelle vous allez pouvoir mener vos travaux ?

Marine Rouit-Leduc : Oui, c’est vraiment une question d’actualité pour nous, parce que cela pose tous les jours en ce moment. Et on a un peu « shifté » récemment. Comme je disais, nou on a vraiment ces deux niveaux et on a toujours eu… Enfin, en fait ça c’est un incontournable chez nous. C’est, comme vous avez pu le voir dans la conférence, ou si vous allez voir notre site web, qui pourrait être plus précis. Mais on voit ça. On est très « end zone ». On est très pragmatiques et on aime bien quand les choses sont faites et bien faites. Et on pense d’ailleurs qu’on a encore beaucoup de marge d’amélioration. Et donc pour nous, déjà, la première qualité d’un designer, ça peut paraître évident mais c’est quelqu’un qui a une verticale. Qui sait faire quelque chose de bien. Mais la difficulté qu’on a c’est quelqu’un qui vient à l’agence, il ne va pas être spécialisé dans un domaine ou même dans une méthodologie il va devoir être assez tout-terrain. Passer de sujets qui peuvent être très stratégie business à des sujets très UX dans l’industrie, très méticuleux dans la résolution d’un problème complexe etc. Et donc il nous faut des gens un peu tout terrain intellectuellement. Donc c’est vraiment pas simple parce que les formations aujourd’hui forment soit des gens très bons dans le « craft » mais qui n’ont pas forcément réussi tout de suite à appréhender toutes les dimensions et la complexité des projets qu’on mène. Soit à l’inverse des gens qui ont des têtes super bien faites, mais qui n’ont aucune notion d’une sensibilité esthétique, plastique, graphique. Enfin qui ne vont pas apporter une sensibilité particulière. Et donc aujourd’hui on est vraiment un peu pris entre deux feux, entre ces deux feux qu’on essaye de réconcilier mais qu’on n’arrive pas toujours à trouver le candidat idéal. Finalement on a trouvé quand même des gens qui sont vraiment supers dans notre équipe. Mais ce qu’on a observé c’est que c’est des gens qui se sont rencontrés justement plutôt par le « faire ». Qui avait une très grande humilité dans leur gestion et leur capacité à aborder la complexité au départ mais qu’on a fait monter sur ces questions là au fur et à mesure en les accompagnant. Et qui aujourd’hui arrivent à parler de sujets d’accompagnement, de création d’un programme d’accompagnement avec Facebook et donc de pilotage de ce programme d’accompagnement, où finalement le rôle du designer est plus d’accompagner des start-up que de faire soi même ou des projets comme on a vu où vraiment on conçoit une interface dans Sketch, on prototype, on fait des animations, etc. Et donc aujourd’hui on est assez fiers parce que les profils qu’on a à l’agence sont vraiment de ce type là et on milite beaucoup pour qu’un designer ne soit pas coupé en tranches et qu’on dise toi t’es UX, toi t’es UI, toi t’es user researcher. Mais en fait ils font tout les designer à l’agence donc c’est hyper difficile, c’est hyper challengeant. Mais du coup la principale qualité finalement c’est que cette personne elle a envie d’être challengé et qu’elle cherche à s’améliorer. Et en fait au final quand on a quelqu’un qui a ce goût du challenge, on trouve toujours et les opportunités à l’agence pour qu’il travaille sur des projets qui l’intéresse. Parce que l’on crée aussi des opportunités en interne. On crée des projets et les gens peuvent apporter des projets qu’ils ont envie de développer etc. Et on trouve toujours la manière de faire évoluer ou d’évoluer avec cette personne en fonction de ses affinités et de ses qualités. Mais on n’a pas trouvé la recette magique. C’est vraiment pas facile le recrutement.

Nicolas Rouit-Leduc : Non et puis c’est difficile à détecter aussi. Parce que là on est en train de parler qu’il faut déjà des gens matures y compris en stage qui ont à la fois une capacité à faire et une capacité de réflexivité sur ce qu’ils font . Donc être capable de parler de ce qu’ils font de comprendre ce qu’ils font. Ce qui n’est quand même pas du tout évident. Mais en complément de ça, moi ce que j’ai noté dans ma carrière quand j’ai eu à manager des designers, ce que j’ai vu c’est que finalement ce qu’on cherche aussi et ce qui est ce qui fait un bon designer typiquement d’interface, c’est paradoxalement le fait qu’il soit capable justement de réconcilier la dimension physique et la dimension d’information. On voit souvent l’opposition entre le design produit, c’est ce que tu as dis Marine, et le numérique. Comme si les deux étaient exogènes. En fait ce n’est pas le cas. En fait il y a une vraie dimension tangible dans l’objet numérique. On parle de bouton, on ne parle pas d’un truc abstrait. Un bouton un bouton. Ce n’est pas autre chose. C’est pas parce qu’il n’est pas physiquement un bouton que ça n’est pas un bouton. Et c’est souvent les bons designers avec lesquels on aime travailler, même en Freelance, c’est ceux qui ont bien compris cette jonction là. C’est le fait qu’il n’y a pas d’opposition mais c’est aussi quelque chose de difficile. Ce n’est pas du tout évident de comprendre à quel point une interface est un objet matériel. Donc il faut avoir des réflexes de penser un objet comme matériel une interface comme un objet matériel, physique. C’est pour ça que les prototypes papier marchent très bien, parce qu’en fait en vrai c’est un objet physique qu’on peut faire coulisser, bouger… Et qui comprennent aussi que c’est à la fois un objet physique et c’est aussi un objet informationnel. C’est peut être là aujourd’hui ou c’est un peu la face cachée de la Lune, c’est que malheureusement, c’est vrai pour les dev, c’est vrai pour tout le monde. On n’a pas encore de très grands cours de numérique. On est encore aujourd’hui très en phase de découverte. Bon les codeurs ,ils apprennent à coder, mais ils n’apprennent ne pas le numérique. Ils ne savent pas qui a inventé le 0 et le 1 typiquement. C’est un peu comme si les ingénieurs connaissaient pas Newton. Et donc on est aussi face à ça aujourd’hui.

Amélie Poirier :  Et donc vous nous dites que vous accompagnez vos collaborateurs à monter en compétence. Et notre question c’était : est ce que vous avez mis au sein de l’agence une démarche d’amélioration personnelle, quelque chose, je ne sais pas d’un peu originale, ou comme des Team Building qui sont peu plus connus, mais est ce que vous avez des petites choses comme ça à donner ?

Marine Rouit-Leduc : Oui. Alors on a plusieurs manières de construire l’équipe. On a eu plusieurs manières de le faire depuis depuis la création de l’agence. En effet donc on fait un séminaire par an a minima. Donc on est une petite équipe, on peut se permettre, dans une ville d’Europe ou même en France ou on part 3-4 jours avec l’équipe pour travailler. Les premiers séminaires et jusqu’au dernier qui était à Milan. On est parti au salon du meuble de Milan avec l’équipe. On a travaillé sur le projet de l’agence. Sur la vision. Donc en fait on a vraiment co-créé avec l’équipe ce qu’on voulait être demain. Donc ça a été ça c’est vraiment un travail pour l’agence, mais qui a permis les collaborateurs qui étaient arrivés entre les deux séminaires. Ce moment a été un moment où j’ai eu l’impression de vraiment faire partie de l’équipe et d’intégrer l’agence. J’ai compris où j’étais vraiment à ce moment. Et ça c’est pas forcément sur le plan du développement personnel mais ça contribue au fait de se sentir détenteur du projet. Un projet de l’agence. Et puis c’est un moment qu’on passe ensemble. On se fait des workshops le matin et puis l’après-midi on va visiter le salon du meuble où la ville, on se fait des bons restos. On est assez épicuriens donc on aime bien voilà se faire des bons moments, d’être dans un bel endroit, un bel AirBnB, une belle location à Amsterdam. Trouver aussi des expériences à vivre ensemble et qu’on peut partager par la suite. Voilà, c’est un peu… on profite aussi tous ensemble de la valeur qu’on crée à l’agence. Le deuxième point, c’est que très vite alors qu’on est une petite structure, on a mis en place des entretiens bi-annuels. Donc tous les six mois j’ai un entretien avec les collaborateurs qui plus est l’occasion de faire un bilan sur les projets réalisés jusqu’ici, les objectifs, de se re-donner des objectifs concrets dans le travail. Et beaucoup plus récemment et ça, c’est vraiment un truc qu’on test, qui est nouveau, mais on a mis en place des sessions de co-développement. Le co-développement, c’est une méthode qui est plutôt utilisée dans les plus grosses entreprises pour permettre à des salariés ou des gens qui travaillent dans la même entreprise de partager les problématiques professionnelles. Et c’est le groupe qui va justement apporter des solutions et aider. Et donc on a recruté pour ça un coach qui vient toutes les trois semaines à l’agence et qui anime ces ateliers de co-développement et où chaque collaborateurs, alors la particularité c’est que là on le fait tous ensemble. Normalement le principe c’est qu’on fait pas ça avec son chef ou sa chef dans les grandes entreprises. Là à l’échelle de l’agence et l’intimité qu’on avait dans le groupe a fait que le coach a dit que ça pouvait. Vous pouvez quand même un peu enfreindre cette règle là mais c’est particulier. Parce que quand on est patron et qu’on s’expose dans une cession de co-développement, c’est un moment qui n’est pas simple. Et il faut jouer le jeu. Donc voilà. Et don on a mis en place ces sessions, qui ont pour but justement de permettre à chacun d’exposer une problématique, pas personnelles, mais vraiment entre le personnel et le professionnel : « Voilà, j’ai des difficultés à m’exprimer en public » ou « je n’arrive pas finalement à prendre ma place en atelier » ou alors, je n’en sais rien, je dis vraiment les choses au hasard. Ou alors « voilà j’ai du mal à gérer mon stress » etc. Et du coup on les partage et le groupe en fait est censé prendre du recul, essayer d’apporter, pas immédiatement des solutions, mais plutôt prendre le temps de poser les bonnes questions et d’aider la personne. Donc ça c’est nouveau et c’est un truc qu’on expérimente et je pourrais vous dire que dans quelques mois ce que ça a pu apporter à l’équipe mais c’est justement un des membres de notre équipe qui est en charge d’organiser ces ateliers, de piloter le travail avec le consultant extérieur et de planifier tout ça. Puis après on a plein d’activités annexes à l’agence. On organise des apéros tous les trois mois, des pauses café aussi tous les mois pour partager, soit en interne soit avec un intervenant extérieur. C’est moins sur le développement personnel. Donc on a beaucoup de petites choses en fait font le liant et la vie de l’agence. Parfois trop, parce que on est une petite équipe, donc ça finit par être beaucoup d’énergie et beaucoup de temps.

« On a beaucoup de petites choses en fait font le liant et la vie de l'agence. »

Amélie Poirier :  Ça donne du sens en tout cas à tout le monde je pense d’avoir cette diversité d’événements que vous pouvez mettre en place comme ce séminaire à l’étranger. Favoriser avec un salon autour du design. Ça fait s’ouvrir aussi à autre chose, donc c’est chouette.

Marine Rouit-Leduc : Donc oui pour l’instant on est content de pouvoir entrer mais le faire dans des conditions agréables aussi. Pour nous, c’est fondamental que tout le monde dans l’équipe puisse bénéficier de l’effort et du travail qui est fait, parce qu’au au quotidien c’est le fait de survivre entre guillemets en petite agence. Des fois la charge est importante si on ne charrette jamais. C’est important qu’il y ait des rétributions, du plaisir même parce que le reste du temps on est une équipe assez focus, assez rigoureuse, très travailleuse, donc du coup c’est important qu’on ait des soupapes.

Nicolas Rouit-Leduc : Et puis notre activité c’est aussi l’innovation, donc de la même manière que je ne pense pas qu’on ait compris vraiment ce que c’était que le numérique, qui reste à découvrir. Je pense que la collaboration reste aussi un sujet absolument entier. On ne sait pas finalement. Quand est ce qu’on a appris à collaborer. Ce n’est pas l’école on a appris à collaborer. C’est très « top-down », enfin je veux dire il y a un maître, un élève et puis tout à coup on arrive en entreprise on est censé collaborer. Mais on est censé l’avoir appris où à collaborer en fait ? Qu’est ce que c’est collaborer ? Le co-développement dont tu parlais, ce que je vois et c’est ce qu’on essaie de faire aussi, en définissant la stratégie, que tout le monde définisse la stratégie de l’agence ou le projet de l’agence. Ça c’est quelque chose que moi je n’avais jamais vu avant et effectivement voilà c’est une nouvelle manière de faire. C’est genre : « Pourquoi la stratégie serait juste quelqu’un, le patron qui la porte ? Le patrons la valide, la porte, la soutien la finance. Mais est-ce que pour autant il doit tout définir. Pas forcément. Est-ce qu’il peut tout définir ? Ce n’est pas en fait. Et tu as dit tout à l’heure : « comment vous faites grandir les gens? » Mais ce qui m’est venu en tête c’est plutôt l’inverse en fait. C’est « comment les autres nous font grandir en fait ? ». Parce que c’est pas parce qu’on est directeur du studio ou ceci ou cela qu’on est absolument parfait sur tout. C’est pas du tout vrai en fait. Il faut aussi qu’on progresse. Quelque soit le rôle qu’on a, pas parce qu’on a un rôle de management que tout à coup on est « Dieu tout puissant ». Absolument pas. On est aussi seuls, on est aussi perdu et on fait aussi des erreurs et on peut faire aussi du mal. Sans le vouloir, avec toute la meilleure volonté de l’univers. Et moi ce que je vois c’est plutôt ça : c’est comment on crée un espace où l’on garde les rôles. Il y a bien des rôles, il y en a qui savent, il y en a qui savent moins. Il y a bien des séniors, des juniors… Mais on ne s’arrête pas là. On essaye de trouver des mécanismes de groupe qui favorisent comme le dit Marine, la collaboration pour que in fine le travail ne soit pas forcément Painfull. Pas forcément dans la souffrance. On peut souffrir au travail mais en tout cas on essaye d’innover.

Marine Rouit-Leduc : Et il y a un aspect auquel on a été très vigilantes avec mon associée Galilée au départ : c’était aussi d’arriver à jauger et à avoir des attentes envers nos collaborateurs. Parce qu’en fait on parle de jeunes collaborateurs. Parce que nous on a recruté, pour l’instant, tous nos collaborateurs à l’issue d’un stage. Donc c’est des gens sortaient des études. Le stage était une transition et on était leur premier employeur et donc il y avait encore beaucoup d’enjeux, d’apprentissage. Et nous on avait vécu l’expérience donc à la fois très gratifiante, mais très très stressante, d’arriver dans des jobs où on file très vite des responsabilités en terme de projet importantes. Et avec beaucoup d’insomnies, beaucoup de moments très très anxiogènes. Et donc en fait, on a essayé, peut être par transfert d’essayer de ne pas forcément empêcher le collaborateur qui a envie d’en « découdre » entre guillemets, d’accéder à des responsabilités. Mais en même temps doser nos attentes, doser la charge mentale du collaborateur et de la personne à qui on demande quelque chose sur un projet en fonction de là où il en est dans sa progression professionnelle, dans l’acquisition des outils, dans sa rapidité d’exécution tout simplement. Donc moi aujourd’hui maintenant je suis moins dans l’opérationnel, c’est Nicolas qui a repris la tête vraiment opérationnelle du studio et des projets. Mais au début avant qu’il arrive, Galilée comme moi même on était vraiment en binôme avec les collaborateurs sur les projets et j’ai toujours été très vigilante à formuler des demandes qui étaient réalistes par mes collaborateurs et réalise dans les temps, dans les délais. Sans que ça les fasse stresser ou charretter etc. C’est bien ou pas bien, mais c’est vraiment une conscience que j’ai essayée d’avoir. Maintenant que, entre guillemets, que voilà le tuteur, on peut enlever le tuteur parce que les bases sont là. C’est plus maintenant arriver à faire un pas de retrait et les laisser maintenant prendre les rênes et dire « allez maintenant on y va ». Mais c’est vrai qu’avec des juniors on va dire, c’est hyper important de pas non plus les mettre trop vite face à des responsabilités trop importantes. De management de projet, alors qu’en fait déjà il faut qu’on apprenne son métier de designer. Un designer il doit savoir tout faire aujourd’hui, il doit aller sur le terrain. Quand je vois des profils de UX / UI, il doivent savoir tout faire. Alors heureusement dans les grosses boîtes ils font pas aussi la gestion du projet mais dans certains cas en agence on se retrouve à faire « homme orchestre » avant même de savoir tenir un crayon. Donc c’est trouver aussi, leur laisser de l’espace pour qu’ils puissent designer avant de se prendre la tête avec la comptabilité du projet, l’économie de l’agence etc. Et nous on prend cette charge et moi je ne fais aucun tracking de temps sur les projets. Je ne demande pas de tracking de temps aux collaborateurs. Je fais juste du management par le planning mais pas par le temps passé par le temps consommé. Essayez de ne pas qu’ils aient cette charge de se dire : « il faut que je passe du temps à concevoir un truc et puis en même temps si je passe trop de temps mon économie de projet ne marche pas » et qu’il y ait une espèce d’équation impossible que nous on avait à résoudre dans certains contextes. Il fallait non seulement qu’on design des trucs hypers complexes mais en plus qu’on le fasse dans un temps record parce que sinon le projet avait plus d’économie. Donc on essaye de trouver aussi des modes de management, de pilotage des projets tout ça. Pour ne pas être que dans la rentabilité pure. Même si on aune bonne rentabilité. Mais d’être aussi dans le projet et dans le « delivery ». Voilà que le designer puisse se concentrer sur le design et sur le client et pas sur tout ce qui est annexe, qui est notre responsabilité pour le coup, de faire que la boîte tourne et qu’à la fin tous les salaires soient payés et qu’on puisse partir en séminaire par dessus ça.

Damien Legendre : Du coup, pour bien comprendre et essayer de bien traduire, vous êtes plutôt favorable au fait que le designer finalement touche à beaucoup de choses, parce que ça peut l’enrichir. Donc aussi bien de la recherche, c’est à dire aller voir les utilisateurs faire du sourcing en gros. Finalement essayer de comprendre un peu comment ça marche ou comment ça ne marche pas justement, pour après le modéliser. Mais par contre peut être un petite peu le soulager des tâches de gestion de projet etc.

Marine Rouit-Leduc : Sauf s’il a une affinité pour y aller. À partir d’un certain moment. Mais ce n’est pas une obligation. En tout cas c’est… même mon associé. Mon associé elle ne fait plus de gestion de projet. Elle ne fait pas de gestion de projet. Parce qu’on s’est rendu compte que ce n’était pas… Elle, elle veut rester designer, elle a plus de 10 ans de pratique, Galilé et elle est hyper efficace en design, donc pourquoi l’embêter à rédiger des mails aux clients. Parce qu’on a très peu de gestion de projet déjà dans l’absolue, puisqu’on est très en direct avec nos clients. Mais s’il faut faire un devis ou une proposition commerciale, c’est nous qui la faisons. Et puis elle, elle peut se concentrer sur ce qu’elle livre aux clients et faire le projet. Donc e n’est pas une question de séniorité.

Damien Legendre : C’est en fonction du profil de chacun. Chacun en gros se crée un peu sa fiche de poste et elle ne sera pas la même que quelqu’un qui est au même poste, avec le même intitulé, parce qu’il n’a pas les mêmes appétences.

Marine Rouit-Leduc : Exactement. On essaye de voir dans ces zones là où sont les points forts et ce vers quoi la personne a envie d’aller naturellement. Peut-être que ce n’est pas son point fort, mais elle a quand même envie de se développer dans un domaine et on va essayer de lui donner des opportunités à travers les projets, à travers les projets internes ou externes de se développer dans ce domaine là.

« On essaye de voir dans ces zones là où sont les points forts et ce vers quoi la personne a envie d'aller naturellement. »

Damien Legendre : D’accord, ok super, on a fait le tour de pas mal de choses déjà. On a notre dernière question à 2 euros que l’on pose à chaque fois et on voit les yeux qui s’écarquillent. C’est : Est-ce que vous êtes capable de me dire ce qui vous a bluffé dernièrement dans votre environnement professionnel, ou pas. Le dernier truc qui vous a vraiment étonné si vous avez chacun quelque chose.

Nicolas Rouit-Leduc : Ouais, j’ai réfléchi au truc. Et il y a un truc qui m’a bluffé. Que je n’avais jamais vu. On a fait un projet dans un contexte industriel.Où on travaillait sur les process et on a toujours une mécanique très bien huilée ou, moi je m’occupe plutôt de l’animation des ateliers, le designer va formaliser, on travaille avec des clients. Et souvent on travaille avec des clients qui ne sont pas concepteurs. C’est à dire qu’ils ne sont pas designers. Des gens qui ne sont pas forcément en responsabilité, donc ils n’ont pas l’habitude de prendre la parole devant tout le monde. Et en général quand on fait des restitutions de projets, qu’on finit des projets ça va être ou moi ou le designer avec lequel on a travaillé qui va présenter le projet. Alors, le premier niveau c’était déjà que j’arrête, moi, de présenter. Ce qui est déjà un premier niveau qui est pas mal en fait. Et là, il s’est passé un truc incroyable, c’est que c’est le client qui a présenté. L’intégralité du projet. Nous en tant que designers, on a regardé le client présenter de A à Z. C’était un moment incroyable. C’était vraiment incroyable, parce que le patron qui fait peur à tout le monde était là. Donc il fait peur justement à ses collaborateurs qui n’osent pas prendre la parole devant lui. Et là il s’est passé un truc. D’ailleurs le patron l’a reconnu que c’était absolument incroyable. Et donc c’est le client qui l’a présenté. C’est à dire que nous on est devenu invisibles en fait. D’ailleurs on a même pas été remerciés. C’est les gens qui ont participé au projet qui ont été remerciés en disant : « vous avez fait un super boulot » et le design il a disparu. Je pense qu’il ne faut pas qu’il disparaisse quand même parce que sinon il y aura un problème business. Mais ça, c’est le truc qui m’a totalement bluffé. Je ne pensais pas que c’était possible. En fait tout simplement je n’ai jamais vu ça.

Amélie Poirier : Vous n’étiez plus que le vecteur finalement.

Nicolas : Ouais j’ai été spectateur. Témoin de ce truc super .

Damien Legendre : On entend souvent effectivement qu’il faut que le designer s’efface un petit peu dans le projet mais là pour le coup ça a vraiment pris tout son sens.

Nicolas Rouit-Leduc : Et encore une fois, des gens qui ont été très courageux. C’est ça qui a été très beau aussi. C’était de dire » OK ».

Amélie Poirier : Il était en confiance ?

Nicolas : Non il avait peur. C’est vraiment parce que à un moment il a fallu présenter le truc.

Amélie Poirier : Il avait confiance dans le projet.

Nicolas Rouit-Leduc :Ah il avait confiance dans le projet, tout à fait, il avait pas confiance en lui. Oui c’est vrai tu as raison.

Amélie Poirier : Finalement ça lui a donné confiance pour s’exprimer devant quelqu’un finalement. Bon super. Marine tu souhaitais peut-être rajouter quelque chose ?

Marine Rouit-Leduc : Non, non, ça me va très bien.

Damien Legendre : C’est pas la question la plus facile.

Marine Rouit-Leduc : C’est pas la question la plus facile.

Amélie Poirier : On arrive déjà à la fin de ce podcast. On voulait remercier Damien et moi d’avoir accepté notre invitation pour répondre à nos questions. Et c’est vraiment super d’avoir découvert un peu plus votre agence. Donc on se retrouve bientôt pour d’autres épisodes de « Salut Les Designers » et on vous dit a très bientôt.